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Comment changer d’activité en conservant le bail commercial ?
Locataire d’un fonds de commerce, vous décidez de changer d’activité. Si cette décision peut vous paraître simple, la réalité est un peu plus complexe.
Sans parler des formalités liées à l’entreprise (objet social à modifier pour une société notamment), modifier l’activité exercée dans un local commercial dont vous êtes locataire impose le respect d’une procédure. Les deux formalités (modification des statuts juridiques et du bail commercial) sont prévues par le code de commerce et demandent simplement de bien respecter les dispositions légales. Pour éviter de voir votre projet annulé ou reporté, voici les choses à connaître.
En tant que locataire du local utilisé pour votre entreprise, vous devez au minimum prendre en compte le bail commercial. Généralement, le contrat de bail commercial contient une clause de destination, qui définit un cadre à l’activité exercée par le locataire. Si le contrat de bail commercial contient une clause « tous commerces », vous pouvez changer l’activité de votre commerce sans contrainte particulière. Dans le cas contraire, ce qui est très fréquent, le droit permet de modifier cette clause de destination, demande que le bailleur ne peut refuser sans motif réel. Même si le risque de refus est faible puisque votre démarche commerciale repose sur une volonté de rentabilité économique bénéfique à la valeur du local, vous devez bien préparer votre dossier. Face à une demande bien argumentée, le bailleur répondra plus rapidement favorablement à votre demande de déspécialisation plénière (ou totale).
En droit commercial, la déspécialisation correspond au changement de l’activité définie dans le bail commercial. Il peut s’agir d’une déspécialisation partielle (ou restreinte) si vous conservez l’activité initiale et y ajoutez une nouvelle. Dans le cas d’un changement complet d’activité, le terme employé est déspécialisation totale ou plénière. Si la nouvelle activité prévue n’a aucun lien avec celle figurant dans le contrat de bail, la destination du local commercial change totalement. Pour effectuer ce changement d’activité, le bailleur doit vous donner son accord. Mais d’autres conditions sont également nécessaires pour engager les formalités.
Pour éviter tout refus ou annulation de votre projet de changement de la nature de votre activité, vous devez préparer votre dossier. La décision ne peut être justifiée que par des motifs personnels. Le code de commerce a défini trois conditions cumulatives :
- La conjoncture économique : vous devez prouver que l’activité actuelle n’est plus rentable.
- Le contexte local : la nouvelle activité doit proposer une offre absente localement et compléter celle déjà présente.
- Le bail commercial : en plus de l’accord du bailleur, l’activité doit être compatible avec le règlement de copropriété.
Même si les trois conditions mentionnées plus haut semblent remplies, avant d’engager réellement le processus de changement complet d’activité, il peut être préférable de contacter le bailleur du local commercial.
Avec le dossier complet, vous pourrez lui présenter votre projet et lui démontrer l’intérêt réel pour lui. Votre budget prévisionnel et les éléments financiers que vous pourrez apporter peuvent le convaincre d’accepter. Soyez cependant conscient que le bailleur peut exiger une augmentation du loyer en contrepartie du changement de destination du local. Cependant, si la hausse de loyer reste modérée, cela vaut mieux qu’un refus qui vous obligerait à chercher un nouveau local commercial. Cette possibilité de révision du loyer est prévue par le code de commerce. L’article L145-50 dispose que le bailleur peut même demander le paiement d’une indemnité pour l’éventuel préjudice que pourrait entraîner la nouvelle activité.
La demande de déspécialisation plénière du locataire au bailleur peut être envoyée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elle doit contenir la demande précise sur la ou les activités souhaitées pour la poursuite du bail. L’énoncé de chaque activité envisagée doit être précis. Le propriétaire du fonds dispose de 3 mois pour répondre. Sans réponse de sa part, la demande sera jugée comme acceptée et le bail commercial pourra être modifié.
La loi impose que le locataire informe également les créanciers inscrits sur le fonds de commerce puisque le changement d’activité signifie la fin de son exploitation. Cette catégorie de « créancier inscrit sur le fonds de commerce » correspond aux banques ou organismes de financement de l’activité qui disposent d’un privilège ou d’un nantissement. Ils peuvent poser des conditions visant à garantir leurs intérêts.
En cas de refus du propriétaire du local commercial, si son dossier est bien fondé, le locataire peut engager une action en justice. Cependant, l’opposition du bailleur à la demande de son locataire doit également être bien justifiée. Dans le cas contraire, il devra l’indemniser et le bail sera poursuivi.
Si votre entreprise est exploitée dans le cadre juridique d’une société, la nouvelle activité que vous déclarez dans la clause de destination du bail commercial doit être présente dans l’objet social de la société. S’il s’agit d’une activité nécessitant une déspécialisation du bail commercial, il est peu probable qu’elle soit déjà inscrite dans vos statuts.
Il est donc préférable de faire le point sur vos statuts juridiques en même temps que vous préparez la déspécialisation du bail commercial. Si vous êtes dirigeant et associé (ou actionnaire) unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), la formalité est plus simple que dans le cas d’une société à responsabilité limitée (SARL) ou société par actions simplifiée (SAS). En effet, vous devrez convoquer une assemblée générale extraordinaire (AGE) pour faire valider ce nouvel objet social, à ne pas confondre avec la raison sociale, qui est le nom de la société. Après validation de la décision, vous devrez faire enregistrer cette nouvelle activité au registre du commerce et des sociétés (RCS) en fournissant les pièces nécessaires : statuts modifiés, procès-verbal de l’AGE, annonce légale parue dans un journal d’annonces légales (JAL).
Pour un commerçant exerçant dans le cadre juridique d’une entreprise individuelle, la publication d’une annonce légale n’est pas nécessaire pour une déspécialisation du bail commercial. Par contre, si vous cédez votre fonds de commerce, la publication d’une annonce légale est indispensable (elle a été supprimée en août 2015 par la loi Macron puis rétablie dans la formalité en novembre 2016).
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