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Location commerciale : quels manquements du bailleur permettent au locataire d’éviter de payer son loyer ?

Le locataire peut s’abstenir de régler les sommes dues si le local est impropre à son usage de destination, indique la Cour de cassation dans une récente décision.

Location commerciale : quels manquements du bailleur permettent au locataire d’éviter de payer son loyer ?
Dans cette affaire, la locataire a invoqué « l’inexécution par la bailleresse de son obligation de délivrance à raison d’infiltrations d’eau dans les locaux loués ». © Getty Images

Le manquement du propriétaire d’un local commercial à une obligation essentielle du bail ne suffit pas à exonérer le locataire du paiement des loyers. Le défaut doit être suffisamment grave pour rendre les lieux impropres à l’usage auxquels ces derniers sont destinés, montre un arrêt rendu le 6 juillet dernier par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 22-15.923).

Voici l’affaire sur laquelle a statué en droit la juridiction au sommet de l’ordre judiciaire. Une société civile immobilière (SCI) avait loué un local commercial à une femme le 1er mars 2002. Le 16 août 2017, pour « divers manquements de la locataire à ses obligations contractuelles », la structure avait « assigné » l’autre partie « en résiliation du bail, expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation », rapporte la Cour de cassation.

La locataire avait invoqué « l’inexécution par la bailleresse de son obligation de délivrance à raison d’infiltrations d’eau dans les locaux loués ». Elle avait « conclu au rejet des demandes dirigées contre elle » et « reconventionnellement sollicité l’autorisation de procéder à la consignation des loyers ».

L’argumentation de la propriétaire…

Par un arrêt du 10 mars 2022, la cour d’appel de Douai a rejeté les demandes de la société propriétaire, laquelle avait formé un pourvoi en cassation. La locataire a formé un pourvoi incident.

Selon le moyen de la SCI cité par la juridiction suprême, « le non-respect de ses obligations par le bailleur ne dispense le locataire de remplir les siennes que lorsque ce manquement rend impossible la jouissance des biens loués ». Toujours d’après l’argumentation de la plaideuse, les juges du fond ont affirmé qu’il existe des infiltrations affectant le local loué et concernant le clos et le couvert », que la société propriétaire « a laissé perdurer des désordres sans demander de travaux à la copropriété […], refuse de laisser réaliser des travaux par la copropriété » et « a manqué à une obligation essentielle du bail de procéder aux réparations exigées par l’état des lieux et de garantir la jouissance d’un local conforme à celui loué ».

Mais, du point de vue de la société, la cour d’appel de Douai aurait dû rechercher, « ainsi qu’elle y était invitée, si le manquement du bailleur à ses obligations rendait impossible la jouissance des lieux ». Elle a violé « l’article 1728 du Code civil [imposant au locataire de payer le loyer], ensemble les articles 1134 et 1184 du Code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 16 février 2016 », estimait la SCI propriétaire.

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… acceptée par la Cour de cassation au détriment de la locataire

La haute juridiction lui donne raison, au visa de l’article 1184 alinéa 1er du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance citée, et de l’article 1719 du même code.

Selon le « premier de ces textes, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement ». Suivant « le second, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ».

La juridiction suprême reproche à la cour d’appel de n’avoir pas recherché, « comme il le lui était demandé, si les infiltrations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l’usage auxquels ils étaient destinés ». Considérant l’arrêt rendu en seconde instance dépourvu de « base légale », la Cour de cassation « casse et annule » cette décision. Elle juge irrecevable et rejette le pourvoi incident de la locataire. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Douai.

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Timour Aggiouri

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