Interview

Hervé Lambel, Président du Cerf et candidat à la succession de Laurence Parisot à la tête du Medef

A 47 ans, ce chef d’entreprise est engagé depuis dix ans dans la défense des TPE-PME, via son implication à la tête du Cerf (Créateurs d’emplois et de richesses de France). Il présente aujourd’hui sa candidature pour remplacer, en 2013, la patronne du Medef. Avec une ambition : rassembler pour mieux réformer…

Hervé Lambel, Président du Cerf et candidat à la succession de Laurence Parisot à la tête du Medef

Quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?

Issu d’une famille d’entrepreneurs, je suis moi-même chef d’entreprise dans la production d’événements culturels et de spectacles.
Je suis rentré dans le syndicalisme via mon père, qui m’avait demandé, il y a une dizaine d’années, de venir lui donner un coup de main dans une association de quartier qui représentait la CGPME dans le 9e arrondissement de Paris. Je pensais alors que cela ne me prendrait pas de temps… En fait, un an et demi après, on créait ensemble le Cerf du fait de nos difficultés d’alors à faire entendre la voix des TPE et PME sur la question des 35 heures au sein de la CGPME, ainsi que pour porter une proposition essentielle : l’exonération des charges sur les heures supplémentaires.

Comment se positionne aujourd’hui le Cerf dans le paysage syndicaliste ?

Le Cerf, c’est aujourd’hui 3000 adhérents, principalement des TPE-PME. Mais c’est également 16.000 entreprises en relation. Elles constituent un vivier qui nous remonte des informations sur différents sujets social, économique, sectoriel ou fiscal, à partir desquelles on construit nos propositions.

Vous souhaitez présenter votre candidature au renouvellement de la présidence du Medef l’année prochaine. Pour quelles raisons ?

Si nous représentons majoritairement les TPE-PME, les actions du Cerf ne se font pas par opposition aux grandes entreprises car elles sont soit les fournisseurs, soit les clients de ces grandes entreprises. C’est dans cette logique que s’inscrit ma candidature, qui n’est pas issue des familles traditionnelles du Medef, industrie ou services.
Pour autant, je ne suis pas le candidat des TPE, même si, incontestablement, j’en ai une très bonne connaissance ainsi que des problèmes auxquels elles sont confrontées. J’ai aussi travaillé dans des structures importantes, donc je connais le fonctionnement d’un certain nombre de grandes entreprises.
Je suis persuadé d’une chose : si l’on n’a pas compris que l’économie se fonde sur l’interdépendance, on n’a rien compris. Les petits comme les gros acteurs ont leur place dans le système et chacun doit tirer bénéfice l’un de l’autre. C’est de ce bénéfice que ressort la croissance.
J’avais lancé très tôt des alertes sur la crise économique en 2008. Il s’agissait alors d’analyses qui concernaient les petites entreprises, mais nous étions convaincus que la crise allait se propager aux grandes. Et de fait, quelques mois plus tard, 47 patrons de grands groupes européens ont repris le propos en alertant les dirigeants européens sur le fait que le problème de financement des petites entreprises leur posait problème.
Aujourd’hui, ce qu’il faut, c’est donc trouver le moyen de rassembler les grandes entreprises et les petites, mais aussi de rassembler les différentes fédérations professionnelles qui n’ont pas à être en concurrence !

N’est-ce pas un peu naïf ?

Ce n’est pas de la naïveté, c’est du pur réalisme économique, du pragmatisme ! Si je prends un exemple, il n’est pas normal qu’il ait fallu que l’Etat intervienne pour résoudre un problème entre les banques et les entreprises qui n’étaient pas financées en 2008. Ce n’est pas la vision que j’ai du syndicalisme ou des organisations consulaires. Car on peut mettre sur le même terrain, pour le coup, les chambres de commerce ! La question des relations entre les banques et les entreprises aurait dû être réglée au sein des organisations patronales ou des organisations consulaires. Cela n’aurait jamais dû être un sujet mis sur la place publique !

Quelles sont les principales lignes de votre programme ?

Il est aujourd’hui nécessaire de porter une stratégie de choc. Et selon moi, ce choc doit être triple : fiscal, social et syndical.
La première chose à faire, c’est de rassembler les fédérations des services et de l’industrie qui jusqu’ici s’opposaient. Nous avons en effet besoin d’un patronat rassemblé et unifié et, derrière, de patrons mobilisés. Or, aujourd’hui, seuls 8 % adhérent à une organisation patronale car selon les études, ils ne se reconnaissent pas dans cette représentation.
Il y a également une question d’équilibre à trouver entre les besoins des entreprises et ceux des salariés : c’est ce que j’appelle le choc social. En effet, je suis convaincu que si les salariés n’ont pas de pouvoir d’achat, l’un des maillons de la chaîne interdépendante de l’économie ne fonctionnera pas : cela fragilisera toute la chaîne ce qui entraînera, au final, l’intervention de l’Etat. Or, nous devons trouver en intelligence le meilleur équilibre plutôt que de passer systématiquement par la loi ! Il faut donc rendre la parole aux salariés et aux patrons dans les instances représentatives car est-ce que l’Etat peut continuer à discuter avec des représentants alors que les salariés et les patrons ne votent même plus pour les désigner ?
Sur le plan fiscal, je propose la suppression de la TVA interentreprises. La TVA est en effet un des premiers consommateurs de trésorerie dans l’entreprise : entre le moment où elle fait l’avance et le moment où elle va récupérer cet argent, son cycle économique va devoir supporter cette charge.
Les études sur le sujet montrent que la TVA interentreprises mobilise du personnel et des moyens importants, tant du côté de l’entreprise que de l’Etat pour un jeu qui, au final, est censé être à somme nulle.
Sans compter que cela introduit des possibilités de fraude évaluée à 10 milliards d’euros par an ! L’essentiel de cette fraude dite « carrousel » étant justement lié au fameux jeu de « j’encaisse-je décaisse ». Elle est estimée à 6 milliards d’euros par an et je pense qu’actuellement, on saurait où les utiliser…
Cette mesure apporterait de la flexibilité, ne viendrait pas prendre dans la poche des uns ou des autres et augmenterait l’efficacité du système dans son organisation. Ce serait donc gagnant-gagnant pour les entreprises et l’Etat. La seule critique que l’on a essayé de nous faire, c’est qu’il y aurait pendant quelques mois un décalage de trésorerie pour l’Etat. C’est pour cela que c’est le meilleur moment aujourd’hui pour le mettre en œuvre puisqu’en ce moment il emprunte à taux négatif…

La succession de Laurence Parisot n’aura lieu qu’en juillet 2013. Vous partez très tôt dans la course…

Il y a une véritable nécessité d’organiser des débats, et d’adopter une prise de position sur un certain nombre de sujets, sans attendre l’élection du prochain Président du Medef. Le gouvernement met en ce moment un certain nombre de commissions en place : il ne faut pas attendre que les décisions soient prises pour savoir ensuite sur quelles bases on va élire le prochain Président !

Justement, que pensez-vous des mesures récemment annoncées par le gouvernement ?

Ce qui est positif, c’est la volonté de vouloir prendre en considération les très petites entreprises. Là où je suis inquiet en revanche, c’est que l’on a tendance à vouloir différencier de plus en plus petites et grandes entreprises, à vouloir créer une division artificielle. Meilleur exemple, le contrat de génération où l’on crée un nouveau seuil à 300 salariés. Or, on sait que la question des seuils pose déjà problème !
Et puis, on semble oublier qu’un poste de travail correspond à une charge de travail et donc à un marché en face. Est-ce que l’on crée un doublon sur un poste de travail ou est-ce que l’on a une augmentation de l’activité de l’entreprise qui justifie de créer un deuxième poste ? Parce que c’est quand même ça la question alors qu’on connaît les perspectives de croissance actuelles, avec un carnet de commandes qui ne donne souvent même pas une visibilité à trois mois, contrairement à 2008.
J’ai aussi une inquiétude sur le fait d’avoir touché à l’exonération des charges sur les heures supplémentaires : comment le chef d’entreprise va pouvoir manager le fait de retirer un demi-Smic par an à ses salariés ?

Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME

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