Interview
Pascal Hostachy, fondateur et dirigeant de Woonoz, qui a créé la certification Voltaire
De plus en plus d’employeurs déplorent le manque de maîtrise orthographique de leurs salariés et de leurs recrues. Répondant à cette inquiétude, la société Woonoz a développé un outil qui permet de tester et certifier, sur le modèle d’un Toeic ou d’un Toefl, le niveau orthographique. Son nom de code ? Certification Voltaire. Explications de Pascal Hostachy, son créateur...
Comment est née l’idée de la certification Voltaire ?
Il y a quelques années, certaines entreprises clientes nous ont alertés sur le problème du niveau en orthographe de leurs recrues et employés. Au point que certaines, par exemple, ne voulaient pas garder un stagiaire, ou voulaient virer des commerciaux. Ce n’est, bien sûr, pas une pratique systématique, mais on en voit, car l’orthographe fait partie des codes à respecter.
On a donc pris la balle au bond en travaillant sur une solution numérique. On a d’emblée ressenti la nécessité de proposer un outil de valorisation du niveau d’orthographe. C’est comme ça qu’est née la certification Voltaire, sur le modèle du Toeic anglais.
On a mis en place un comité d’experts auquel Bruno Dewaele, champion du monde d’orthographe chez les francophones, a pris part. Aujourd’hui encore, dans les exercices et explications que nous fournissons, il n’y a pas une ligne qui ne soit relue par lui…
Avec ce comité d’experts, nous avons élaboré une version 1 que nous avons testée sur des étudiants en 2008. Et comme nous avions besoin de centres d’examens pour réaliser notre idée, il a fallu attendre janvier 2010 pour le lancement officiel.
Aujourd’hui, nous proposons la certification Voltaire dans 80 centres, en France métropolitaine et en Outre-mer.
Quelle est l’ampleur du problème ? Est-ce que le niveau en orthographe baisse vraiment ?
En fait, on constate la conjoncture de deux phénomènes. En premier lieu, l’explosion de l’usage des sms. Les jeunes n’ont jamais autant écrit, mais ils écrivent dans une autre langue : elle est suffisamment proche du français pour créer la confusion et, en même temps, suffisamment éloignée pour créer une distorsion. Et puis, il y a le fait qu’aujourd’hui, l’orthographe est une composante parmi beaucoup d’autres dans l’Education nationale. Les enfants étudient désormais beaucoup plus de matières, au détriment des fondamentaux. Dès lors, ils partent avec un déficit. Et à l’arrivée au Baccalauréat, l’orthographe n’est plus éliminatoire. Alors qu’il y a 20 ans, ce n’était pas possible d’avoir son Bac si on était nul en orthographe…
Conclusion : oui, le niveau baisse. D’ailleurs, il y a des tests qui sont effectués. Le Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves, via une enquête auprès de jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l’OCDE, NDLR) effectue des tests tous les trois ans et, à chaque nouvelle enquête, la position de la France baisse, tant dans la compréhension des écrits que dans la retranscription de ce qui est lu.
Pour autant, peut-on dire comme on l’entend parfois, que le niveau en orthographe peut avoir des incidences sur le chiffre d’affaires d’une entreprise ?
Les Anglo-saxons ont effectivement fait des tests dans le e-commerce. Ils ont mis en évidence que le taux de transformation était divisé par deux sur les pages de produits où il y a des fautes d’orthographe.
Ce que cela révèle, c’est que pour déclencher l’acte d’achat, à un moment donné, il faut que le consommateur soit en confiance. Si on sent un truc qui cloche, on n’a pas envie d’aller plus loin. Et l’orthographe fait partie des signaux d’alerte qui vont pousser à se demander : « est-ce que ce site est sérieux ? ». C’est d’autant plus vrai sur internet où l’on trouve facilement le même produit ailleurs. Sur un marché très concurrentiel, cela a donc un impact.
Qu’est-ce qui est vraiment testé avec la certification Voltaire ?
60 % du test concerne l’orthographe grammaticale. On s’intéresse peu à l’orthographe lexicale car on estime que les correcteurs fonctionnent très bien là-dessus. Et on vérifie aussi la maîtrise des mots très courants comme « Hors » et « or » que les correcteurs ne repèrent pas forcément.
Cette certification a-t-elle une valeur autre que symbolique ?
Aujourd’hui, le Toeic n’a pas de valeur officielle. Il n’est pas reconnu par l’Education nationale. La certification Voltaire emprunte le même chemin. Nous n’avons pas vocation à être reconnus par le ministère, mais à l’être par les entreprises. C’est à leur problème qu’on répond.
Quel est l’intérêt de la certification Voltaire pour les entreprises ?
Il est double. D’abord, lorsqu’elles lancent une campagne de recrutement. Elles peuvent avoir besoin d’un certain niveau de maîtrise de l’orthographe pour un poste donné. Certaines n’hésitent d’ailleurs plus à annoncer la couleur dans leurs offres d’emplois. Du coup, quand elles reçoivent les CV, elles peuvent reconnaître cette compétence via la certification Voltaire.
Mais elles peuvent aussi l’utiliser dans le cadre de la formation continue. Nous accueillons ainsi pas mal de personnes dans le cadre d’un plan de formation qui permet la remise à niveau d’une équipe, mais aussi via le Dif (droit individuel à la formation).
La certification Voltaire transforme quelque chose de laborieux en quelque chose de sympa qui s’apparente à du team building. Il y a, en effet, un côté challenge. Et pour maximiser cet effet, on propose l’outil « Projet Voltaire » qui permet de s’entraîner gratuitement. D’ailleurs, on s’aperçoit que les gens se challengent autant durant la phase de préparation que lors de la certification.
Comment définit-on son niveau concrètement ?
Après inscription dans le centre le plus proche, l’examen se déroule sous surveillance pendant 2h30. Il s’ouvre avec une petite dictée de deux lignes, très simple, qui dure cinq minutes. Puis, c’est au tour du QCM. On vous propose des phrases et il faut dire si vous voyez des fautes. Vous recevez par mail et par courrier votre certificat dans les 15 jours, sous la forme d’un score qui va de 1 à 1000. En face, une grille de lecture vous permet de savoir où vous vous situez.
Quel est le score qu’il faut atteindre pour considérer qu’on a un bon niveau ?
Le graal, c’est les 500 points pour une personne qui travaille dans le secteur des services, pour des métiers comme le secrétariat, l’assistance commerciale… Après, pour des métiers pour lesquels l’écrit est vraiment stratégique comme les juristes, les responsables grands comptes, les journalistes…, la référence, c’est d’atteindre le palier des 700 points. Les 900 points du niveau expert concernent quant à eux les correcteurs professionnels ou les coachs en orthographe.
La certification Voltaire va-t-elle évoluer ?
En ce moment, nous mettons au point un « label » que nous souhaitons proposer aux entreprises qui souhaitent afficher leur engagement sur le plan orthographique.
Aujourd’hui, nous sommes l’organisme numéro un sur ce marché avec 500.000 utilisateurs du projet Voltaire. Et sur la certification, on est passés de 1000 personnes en 2010 à 3000 l’année dernière. Cette année, on s’oriente vers les 7000 certifiés. Preuve que les entreprises commencent à nous considérer comme LA référence.
Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME
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