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Avantages catégoriels : la Cour de cassation renforce son contrôle

Quatre jugements de la Cour de cassation reviennent sur la question de la validité des avantages catégoriels entraînant une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique.

Avantages catégoriels : la Cour de cassation renforce son contrôle

Que les entreprises se rassurent. Les avantages catégoriels résultant pour la plupart d’accords collectifs (conventions collectives, accords de branche ou d’entreprise) sont valables. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans quatre arrêts du 28 mars 2012.

Reprenant les attendus de principe des arrêts de juin 2011, la Haute Cour a admis la validité des avantages catégoriels s’il ont « pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ».
En revanche, elle demande aux juges du fond de vérifier que l’octroi d’un avantage particulier est justifié par la situation spécifique du salarié.

On se souvient que la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er juillet 2009, avait jugé que la seule différence de catégorie professionnelle ne pouvait à elle seule justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique.
Le principe avait été posé à propos de congés supplémentaires accordés aux cadres par accord collectif. La solution avait fait grand bruit et suscité de nombreuses critiques. On lui reprochait, notamment, de remettre en cause l’autonomie des partenaires sociaux et de condamner une pratique courante consistant à prévoir, dans les conventions et accords collectifs, des avantages conventionnels en faveur de certaines catégories professionnelles.

L’attribution d’avantages catégoriels

Tenant compte des critiques, la Cour de cassation avait infléchi sa position dans deux arrêts de juin 2011. Tout en maintenant l’exigence de raisons objectives pour justifier l’octroi d’avantages catégoriels, elle avait admis que l’attribution d’avantages catégoriels prévus par une convention ou un accord collectif peut être justifiée par « les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ».
La Cour suprême laissait ainsi aux juges du fond (cour d’appel et conseil de prud’hommes) le soin de vérifier, sous son contrôle et au cas par cas, que les différences de traitement fondées sur des différences de catégorie professionnelle sont justifiées.

Dans les quatre arrêts du 28 mars 2012, la Cour de cassation confirme les principes dégagés dans les arrêts de juin 2011 et rappelle que l’appréciation des juges du fond s’effectue sous son contrôle.

Dans la première affaire (pourvoi n° 11-12.043), la cour d’appel de Paris avait considéré que les congés supplémentaires réservés aux seuls cadres par un accord d’entreprise n’étaient pas justifiés car cadres et non-cadres travaillaient le même nombre d’heures dans l’année et le degré d’autonomie et de responsabilité des cadres ne constituait pas une raison objective et suffisante justifiant une différence de traitement.
La Cour de cassation a censuré cette décision et reproché aux juges du fond de ne pas avoir vérifié si le fait de soumettre « les cadres à un forfait jours n’était pas de nature à entraîner l’accomplissement d’un temps de travail supérieur à celui des autres salariés » justifiant l’octroi de congés supplémentaires.

Une différence de traitement

Dans la deuxième affaire (pourvoi n° 11-30.034), était en cause l’indemnité conventionnelle de licenciement accordée aux cadres de la métallurgie, plus élevée que celle accordée aux non cadres.
Là encore, la cour d’appel ne trouve aucune raison objective pour justifier cette différence de traitement, le préjudice lié à la perte d’emploi étant identique pour tous les salariés, cadres et non cadres.
Une nouvelle fois, la Cour de cassation a cassé la décision des juges du fond en leur reprochant de pas avoir « recherché si la différence de traitement résultant de l’article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie n’avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la catégorie des ingénieurs et cadres par rapport aux personnels non cadres ».

Dans le troisième arrêt (pourvoi n° 11-11.307), un agent d’accueil a été débouté de sa demande de rappel d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de licenciement fondée sur la rupture d’égalité de traitement entre les cadres et les non-cadres.
Pour justifier la différence de traitement, la cour d’appel invoque les connaissances professionnelles spécifiques, les diplômes, l’expérience acquise ainsi que les responsabilités confiées aux cadres avec la charge nerveuse qu’elles impliquent.
Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation. Pour la Haute Cour, ces éléments permettent seulement de définir l’appartenance à la catégorie des cadres mais sont insuffisants à eux seuls pour justifier l’attribution d’un avantage catégoriel.

Le contrôle de la Cour de cassation

Dans la quatrième affaire (pourvoi n° 10-28.670), un cariste réclamait les indemnités de préavis et de licenciement plus favorables dont bénéficient les cadres en application de la convention collective des transports routiers.
Pour faire droit à sa demande, la cour d’appel estime qu’aucune raison objective ne justifie ni une durée plus longue de préavis, ni un calcul plus avantageux de l’indemnité de licenciement. Nouvelle cassation : la cour d’appel aurait dû rechercher si la différence dans les dispositions conventionnelles relatives à l’indemnité compensatrice de préavis et à l’indemnité de licenciement au bénéfice des cadres, par rapport à celles prévues au bénéfice des ouvriers, n’avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes.

Ces quatre arrêts montrent que la Cour de cassation, si elle n’entend pas remettre en cause les avantages catégoriels, entend bien renforcer son contrôle sur les motivations des juges du fond.

Sources : Cass. soc. 28 mars 2012 n° 11-12.043 – Cass. soc. 28 mars 2012 n° 11-30.034 – Cass. soc. 28 mars 2012 n° 11-11.307 – Cass. soc. 28 mars 2012 n° 10-28.670

Nathalie Lagarde
Rédaction de NetPME

 

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