Actu

De la méfiance à la confiance dans l’administration, une nouvelle relation se dessine avec les entreprises

Dans le prolongement de la loi ESSOC et de l’émergence du droit à l’erreur, une série d’initiatives concrètes a été lancée par Bercy en mars 2019 pour accompagner les entreprises dans leurs démarches fiscales et sociales : la nouvelle relation de confiance.

De la méfiance à la confiance dans l’administration, une nouvelle relation se dessine avec les entreprises
Le premier bilan de la nouvelle relation de confiance a beau être positif, des améliorations sont à venir. © Adobe Stock

Deux ans après sa mise en œuvre, un premier bilan de la relation de confiance a été dressé cette semaine par Bercy en collaboration avec les entreprises et leurs représentants. Des avancées visibles sont à noter en faveur de la tranquillité fiscale et sociale des entreprises et de la reconnaissance des erreurs commises de bonne foi. Mais faire du « gagnant / gagnant » suppose une évolution des mentalités de part et d’autre. Pour renforcer la sécurité juridique des entreprises, la relation de confiance est prolongée et approfondie et des améliorations sont à venir. Ce premier bilan est également l’occasion pour chacun d’exprimer ses propositions d’amélioration pour adapter et compléter l’offre de services existante de nouvelles initiatives.

Netpme Premium Abonnement
Passez à l’action :

Netpme Premium Abonnement

Un panel de mesures qui s’adaptent aux besoins des entreprises

Ces dispositifs novateurs basés sur une démarche volontaire et collaborative des entreprises visent à augmenter la prévisibilité fiscale et sociale. Ils sont accessibles à toutes les entreprises et adaptés en fonction de leur taille, avec comme vocation d’apporter aux entreprises davantage de sécurité juridique face à une législation complexe et évolutive.

Un succès à confirmer pour la DGFiP

En matière fiscale, le processus de la relation de confiance semble bien abouti avec une multitude de dispositifs lancés en 2019 et qui ont déjà convaincu de nombreuses entreprises, tels que l’accompagnement fiscal personnalisé des PME (déjà sollicité par 399 PME), le partenariat fiscal avec les grandes entreprises et les ETI (43 partenariats signés avec 39 groupes représentant plus de 2 400 sociétés), la procédure de régularisation en cours de contrôle (67 400 demandes et plus de 2,1 Md€ de droits et d’intérêts de retard régularisés) et en dernier lieu, l’examen de conformité fiscale.

Le guichet de mise en conformité fiscale (SMEC), jusqu’ici réservée aux traitements des infractions fiscales les plus lourdement sanctionnées (majoration de 80 %) n’a fait l’objet que de 70 demandes de régularisations au 31 décembre 2020. Pour toucher plus spécifiquement les PME, la procédure sera désormais ouverte à tous les manquements intentionnels quels que soit leur degré de gravité.

En parallèle, des actions ponctuelles sont menées notamment en matière de clarification de la doctrine fiscale. Afin d’encourager le recours aux rescrits, l’administration s’engage à traiter plus rapidement les demandes et à les publier plus clairement (58 rescrits publiés au BOFiP-Impôts).

Lire aussi Examen de conformité fiscale : un nouvel outil de prévisibilité fiscale des entreprises

Des débuts plus timides pour l’Urssaf

Du côté des Urssaf, si les intentions sont identiques peu de dispositifs étaient jusqu’ici opérationnels. L’offre de services à destination des entreprises a été renforcée dès 2019, avec la généralisation de la médiation pour les entreprises, associations et travailleurs indépendants (1 965 demandes de médiation formulées en 2020 auprès des 28 médiateurs du réseau des Urssaf et CGSS) et la création de « Mon intéressement pas à pas » en 2020, un outil pratique de rédaction d’accords d’intéressement (déjà 1 071 accords d’intéressement créés via le site). En parallèle, les Urssaf ont fait preuve de plus de souplesse dans les sanctions en cas d’irrégularité formelle.

C’est une large démarche de concertation engagée en 2019-2020 auprès des entreprises contrôlées qui a permis de donner un coup d’accélérateur à la mise en œuvre concrète de la relation de confiance avec les Urssaf. La mise en ligne ce 8 mars du bulletin officiel de la sécurité sociale, le BOSS, en est un exemple ou encore le conseil aux entreprises en amont ou à l’occasion d’un contrôle pour les jeunes TPE, la mise en place à titre expérimental d’un référent unique auprès de l’Urssaf pour les PME transrégionales, et enfin l’objectif plus global de faire du contrôle URSSAF un service rendu à l’entreprise.

Lire aussi IS 2021 : des facilités de paiement pour les entreprises

Un constat partagé : une confiance grandissante dans l’Administration

Tous s’accordent sur un point : les premiers résultats positifs de cette politique sont visibles et se mesurent dans l’amélioration de la confiance des chefs d’entreprises dans l’administration : 76 % des chefs d’entreprise déclarent leur faire confiance en 2020, soit 10 points de plus qu’en 2019.

La relation de confiance : un changement de paradigme

Les premiers résultats positifs se matérialisent également dans les changements concrets de pratiques et d’organisation des administrations fiscale et sociale, au service de l’efficacité de ces procédures et du dialogue avec les entreprises.

« Un élément décisif pour l’attractivité économique de la France et la compétitivité des entreprises »

Car la relation de confiance constitue « une révolution culturelle de part et d’autre », un « changement de philosophie », comme le soulignent respectivement Patrick Martin, Président délégué du Medef et Lionel Canesi, président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables. Et « passer à une logique d’accompagnement plutôt que de sanction » (Patrick Martin, Medef), n’est pas chose facile. D’autant plus que ce changement de posture de l’administration représente aujourd’hui un « élément décisif pour l’attractivité économique de la France et la compétitivité des entreprises », comme l’affirme Olivier Dussopt, ministre chargé des comptes publics.

Et l’intérêt de cette démarche est tout particulièrement souligné dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire qui conduit l’administration à se tourner différemment vers les entreprises (fonds de solidarité, remises et exonérations d’impôt et de cotisations sociales).

Lire aussi Télétravail : les frais professionnels 2020 seront exonérés d’impôt sur le revenu

Un retour d’expérience positif pour les entreprises

Les premières entreprises qui ont bénéficié de ces dispositifs sont unanimes sur le progrès que représente la relation de confiance, qu’il s’agisse d’un grand groupe comme Total, d’une entreprise du numérique comme Voyage-Privé.com ou encore de PME telles que Thimmonier, entreprise industrielle de la région lyonnaise.

« Un audit à blanc sans redressement »

Plus concrètement, pour Sylvie Guinard, PDG de Thimmonier, qui exerce son activité à 80-85 % dans l’export, la mise en place d’un accompagnement fiscal fin 2019 a été très profitable à l’entreprises. Si la mise en place concrète du dialogue avec la DGFiP a pu être délicate au départ comme a pu lui souligner un agent « On nous a demandé de changer la casquette de sens ». Après un tour d’horizon des problématiques et la découverte de l’activité de l’entreprise, cette dirigeante a pu bénéficier d’une écoute constructive et d’une approche pratique de deux interlocuteurs de la DGFiP. Un « comment fait-on » sur une multitude de sujets, tels que la dépréciation des stocks ou les problématiques de double taxation. Enthousiaste, Sylvie Guinard encourage les PME à se lancer dans l’aventure et insiste sur le fait qu’il n’y a pas besoin d’être un grand groupe pour mettre en place une relation de confiance avec l’administration.

Pour Christophe Serna, co-fondateur de Voyage-Privé.com, la relation de confiance permet au dirigeant d’entreprise de se concentrer davantage sur la croissance de son activité et de ne pas subir le stress relatif à une réglementation sujette à interprétation.

Pour Jean-Marc Roehner, Directeur général de CAPVIE, agences spécialisées dans le service à la personne, le bénéfice des conseils de l’administration lui a permis d’optimiser sa gestion de la paie. Il salue démarche qu’il qualifie d’un « audit à blanc » sans redressement.

Lire aussi Attestation Pôle emploi : un seul formulaire valable à compter du 1er juin 2021

Des évolutions attendues et quelques craintes pour les représentants professionnels

Pour le Medef, les entreprises font de très bons retours sur les dispositifs fiscaux et soulignent la qualité des échanges avec la DGFiP, le professionnalisme et l’écoute des agents. En revanche, les procédures restent lourdes et les décisions lentes à obtenir. L’organisation patronale déplore le manque de notoriété de la démarche qui touche encore trop peu d’entreprises. Elle encourage la DGFiP à faire preuve de pédagogie et à mettre les moyens nécessaires pour faire connaître ces nouveaux outils.

Pour l’Ordre des experts-comptables, Lionel Canesi note un changement de direction dans les contrôles sur le terrain et salue la mise en place de l’examen de conformité fiscale (ECF) comme un outil de tranquillité fiscale pour les entreprises, qui permet de sécuriser les options fiscales des dirigeants.

En revanche, pour Gérard Orsini, président de la commission fiscale de la CPME, l’examen de conformité fiscale, en tant que prestation contractuelle payante effectuée par un professionnel du chiffre risque de ne pas être accessible à toutes les entreprises. Il craint un blacklisting des entreprises qui ne font pas l’ECF et une privation du contrôle fiscal. En outre, il soulève la question de la pérennité du rôle des organismes de gestion agrées dont la mission pourrait, selon lui, être remplacée par cet ECF.

Pour Frédéric Teper, président de l’IACF enfin, le rôle de l’avocat fiscaliste est essentiel dans la mobilisation des rescrits. Cet expert juridique et fiscal, a ici une double fonction : apprécier la pertinence et l’opportunité du sujet et rédiger la demande de rescrit.

La relation de confiance a vocation à vivre et devrait s’enrichir de nouvelles réponses aux besoins exprimés.

Et pour les indépendants alors ?

Olivier Dussopt, ministre chargé des comptes publics, a évoqué une réflexion en cours autour des conditions du contrôle fiscal des indépendants. Un projet est à l’étude concernant la création, en miroir de l’ECF, d’un dispositif d’examen de conformité qui serait géré par les organismes de gestion agréés. Affaire à suivre, donc.

Sandy Allebe

Laisser un commentaire

Suivant