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Embouteillages chez les artisans candidats au label "RGE"

Les professionnels "reconnus garants de l'environnement" via le label RGE sont aujourd'hui 35 000. Et la liste des candidats s'allonge depuis que le recours à un artisan labellisé conditionne l'accès à certaines aides financières. Mais le jeu en vaut-il la chandelle pour les entreprises ?

Embouteillages chez les artisans candidats au label
Le label RGE (reconnu garant de l’environnement), pour François Brottes, c’est un peu comme les détecteurs de fumée : « On en a parlé longtemps, et le jour où c’est finalement arrivé, il y avait peu de gens au rendez-vous ». C’était le 1er septembre 2014 : depuis, le recours à des artisans ou entreprises RGE pour des travaux de rénovation énergétique permet au particulier de bénéficier de l’éco-PTZ (éco prêt à taux zéro). Idem pour le CIDD (crédit d’impôt développement durable), depuis le 1er janvier 2015. Aujourd’hui, le dispositif est-il rôdé ? La commission des Affaires économiques de l’assemblée nationale, que préside François Brottes, a posé la question aux fédérations professionnelles et organismes certificateurs. C’était à l’occasion d’une table ronde, le mercredi 01 avril 2015.

5 000 demandes par mois

« Nous nous étions fixé un objectif de 30 000 entreprises fin 2014 », expose Emmanuel  Acchiardi, directeur-adjoint de l’Ademe. « Nous l’avons dépassé ». D’après lui, les artisans et entreprises estampillés RGE seraient désormais environ 35 000 ce mois-ci. 40 000, estime de son côté Qualibat, organisme certificateur. « Depuis début 2015 », ajoute son président, Alain Maugard, « il y a environ 5 000 demandes de labellisation tous les mois ». « Le dispositif est aujourd’hui connu », résume Katy Narcy, sous-directrice au sein de la DGALN (direction générale de l’aménagement du logement et de la nature) au ministère de l’Écologie. Il faut dire qu’il a pris le temps de se mettre en place. Nombre de professionnels désireux de se lancer ont donc attendu la parution des derniers textes d’application concernant l’éco-PTZ, en décembre 2014.

« Quelques bouchons » côté formation

Résultat : un afflux de demandes de formation pour devenir artisans RGE en janvier 2015, et « quelques bouchons » témoigne Sabine Basili, de la Capeb (confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment). Les plaintes concernent surtout les délais de traitement des dossiers une fois la formation effectuée, lorsque l’artisan ou l’entreprise demande la certification (voir encadré). Évalués par des commissions ne siégeant parfois que tous les trimestres, ces dossiers étaient rarement traités en un mois, comme il avait été avancé. Le ministère de l’écologie aurait depuis demandé aux organismes certificateurs de s’organiser. « Nous avons créé une commission centrale qui récupère tout dossier n’ayant pas été traité sous un délai d’un mois, et le traite dans le mois », confirme Alain Maugard.

Qualit’Enr, organisme certificateur, refuserait environ 15 % du total des dossiers qui candidatent à la certification chez lui : « Il s’agit essentiellement d’entreprises qui ne peuvent justifier d’une assurance, qui n’ont pas de fonction de pose ou d’installations, ou dont le dossier est incomplet », explique André Joffre, son président. Les dossiers incomplets seraient, selon les organismes certificateurs, le plus gros facteur de retard dans le traitement des demandes.

Ils rappellent le contenu du dossier en question :

– un extrait Kbis ;

– une attestation d’assurance ;

– une attestation de formation ;

– deux références attestant de la réalisation d’une installation, avec factures à l’appui ;

– une attestation de bonne installation par le maître d’ouvrage.

Pas de dossier complet, pas de label

Une offre « décevante »

Parallèlement au problème des délais se pose celui de l’offre, estime Christophe Waubant, de la FFB (fédération française du bâtiment). « Nous sommes un peu déçus du peu de travaux engagés par les particuliers. En isolation thermique, nous n’avons pas plus de demandes qu’auparavant. La montée de commandes prévue n’est donc pas au rendez-vous », déplore-t-il. À l’en croire, les entreprises labellisées – 80% d’entre elles ont moins de 10 salariés – ne rentreraient donc pas dans leur frais, étant donné le coût du label en question. Si la formation est prise en charge, pour une certification les frais s’élèvent autour de 550 euros chez Qualibat, ouverture du dossier, audit et mise à jour annuelle comprises. Une somme que les organismes certificateurs estiment relativement incompressible.

Polyvalence = polylabels

Or un problème se pose dans un cas comme celui évoqué par une députée : « Un chauffagiste électricien en milieu rural installe du chauffage au gaz ou des pompes à chaleur… Il doit donc obtenir plusieurs qualifications. Or cela multiplie les frais et les dossiers. Et puis la labellisation exige la réalisation de deux chantiers (voir encadré), difficiles à réaliser sans avoir le label RGE qui donne accès au CIDD et à l’éco-PTZ. » Ne pourrait-on pas plutôt justifier d’un seul chantier et rendre le label gratuit dans certains cas, demandent les députés. « Le coût oblige les entreprises à mobiliser l’outil de l’éco-conditionnalité à bon escient et à davantage se mobiliser », estime la FFB. Les organismes certificateurs font quant à eux valoir qu’ils proposent des tarifs dégressifs suivant le nombre de labels demandées – Qualibat, Qualifelec, Ecoartisan… il en existe autant que de secteurs d’activités dans l’artisanat –.

Être plus pour gagner plus

Désireux de « recentrer le débat sur l’offre », ils encouragent plutôt les professionnels, une fois labellisés, à se regrouper. « Nous souhaitons faire en sorte que tous les corps d’état concernés par l’efficacité énergétique travaillent ensemble et se conseillent les uns les autres aux clients, sans pour autant être solidaires les uns des autres sur un chantier », détaille Sabine Basili. Elle espère en ce sens que l’amendement sur le groupement momentané d’entreprises (valable en cas de co-sous-traitance) écarté par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de transition énergétique réapparaîtra à partir du 14 avril. Date à laquelle le texte repasse par une commission spéciale de l’assemblée.

L’éco-conditionnalité maintenue ?

Surtout, les acteurs du dispositif demandent aux députés de maintenir l’octroi d’aides aux particuliers recourant aux professionnels RGE. « On entend encore trop souvent sur le terrain que s’engager dans la labellisation ne sert à rien puisqu’on ne sait pas si l’éco-conditionnalité va durer », relate Alain Maugard. « Avec le projet de loi de transition énergétique, nous sommes engagés de façon irréversible dans la montée en compétence des entreprises, le maintien dans le temps des aides est donc essentiel », renchérit-il devant la commission. Le seront-elles pour de vrai ? « La tendance, avec la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) est à l’inscription des décisions dans le temps », élude François Brottes… Les travaux engagés sur le sujet ont d’ailleurs commencé, le 9 mars dernier.

 

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