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Le Conseil d'Etat suspend l'autorisation du travail dominical

Le Conseil d’État a suspendu mercredi le décret qui autorisait le travail dominical dans les magasins de bricolage. Le ministère du Travail veut prendre rapidement un nouveau décret. Mais l'avocat des syndicats estime que le débat juridique sur le motif justifiant une telle dérogation au repos dominical reste entier.

Le Conseil d'Etat suspend l'autorisation du travail dominical

Le gouvernement, qui pensait en avoir fini avec les contentieux sur le travail dominical dans le bricolage, va devoir remettre l’ouvrage sur l’établi. Le 30 décembre dernier, Michel Sapin avait décidé par décret d’ajouter à la liste des établissements autorisés à déroger au repos dominical les établissements de bricolage. En clair : les magasins du bricolage étaient autorisés à ouvrir le dimanche. Décriée par les syndicats, cette mesure était présentée par le gouvernement comme temporaire : en juillet 2015, une nouvelle législation sur le repos et le travail dominical inspirée par le rapport Bailly devait voir le jour. Suite à ce décret, les partenaires sociaux de la branche avaient négocié le 23 janvier des contreparties au travail dominical comme le doublement du salaire et l’expression écrite du volontariat des salariés.

Une atteinte « grave et imminente » aux intérêts des salariés

Sauf que plusieurs syndicats restaient hostiles à l’accord et au décret. La CGT, Sud et FO ont donc saisi le Conseil d’État pour faire annuler le décret. Hier, le Conseil d’État qui statuait en référé, c’est-à-dire selon une procédure d’urgence, a accédé à leur demande en suspendant le texte. La justice administrative estime que le décret « litigieux » porte une atteinte « grave et imminente aux intérêts » des salariés, ce qui confère un caractère d’urgence justifiant une mesure de suspension. Le Conseil d’État examinera ultérieurement l’affaire sur le fond, sans doute d’ici trois à six mois.

Un problème de motivation du décret

Sur quoi se fonde la décision du Conseil d’État ? Sur deux points principaux.

  • Le motif principal avancé par le gouvernement pour justifier son décret, à savoir « le souci d’apaiser la situation relative aux établissements de bricolage d’Ile-de-France ne constitue pas un motif figurant « au nombre de ceux prévus par la loi » autorisant une dérogation à la règle du repos dominical. Cela crée donc un « doute sérieux » sur la légalité du décret. Il aura mieux valu, comprend-on, que le gouvernement fonde son décret sur le besoin du public à se rendre dans les magasins de bricolage le dimanche, mais ce besoin étant réputé permanent, le gouvernement n’aurait alors pas pu lui fixer une limite dans le temps, alors que l’actuel décret limite la dérogation à 15 mois.
  • L’accord sur les contreparties négocié le 23 janvier prévoit certes des garanties pour les salariés, constate le Conseil d’État, mais ce texte n’a pas fait l’objet d’une extension par le gouvernement. Cela signifie, comme le soutenait FO, que certains établissements de bricolage sont susceptibles d’ouvrir le dimanche « sans que leurs salariés ne puissent bénéficier des garanties et des contreparties qu’appelle toute dérogation de principe du repos dominical », d’autant que des magasins situés dans d’autres branches (quincaillerie) ne sont pas englobés par l’accord sur les contreparties.

Le ministre du Travail veut réagir vite

Le soir même, le ministre du Travail a cherché à minimiser la décision du Conseil d’État. Cette suspension se fonde « sur un motif de forme » lié au caractère temporaire du décret, a-t-il commenté. Michel Sapin a annoncé qu’il prépare un nouveau décret « qui sera publié dans les plus brefs délais ». Le gouvernement pourrait donc être tenté de réécrire le texte en justifiant la dérogation directement par les besoins du public, ce qui l’obligerait à mettre de côté la référence au côté temporaire de ces autorisations de travail dominical. En parallèle, il pourrait procéder à l’extension rapide de l’accord sur les contreparties.

Nouveaux contentieux ? 

De son côté, FO a salué « un retour à la normalité dans l’attente du jugement ». Quant à la CFDT, signataire de l’accord sur le bricolage, elle se félicite également de la suspension du décret « qui met en lumière la nécessité de placer la question du travail dominical au niveau interprofessionnel afin d’éviter une multiplicité de règles ». De nouveaux contentieux sont donc à prévoir entre le gouvernement qui va chercher à donner au secteur une nouvelle base légale pour ouvrir le dimanche et des syndicats toujours opposés à ces ouvertures…

Un nouveau décret ? « Le débat sur le motif de la dérogation restera entier », estime l’avocat des syndicats
« Peut-être le gouvernement prendra-t-il un nouveau décret en éliminant les illégalités les plus flagrantes du précédent texte, réagit Cédric Uzan-Sarano, l’avocat au Conseil d’État des syndicats FO et CGT, mais le débat sur l’existence du motif de cette dérogation permanente au repos dominical, à savoir le besoin du public de se rendre le dimanche dans les magasins de bricolage, restera entier. Je rappelle que la convention 106 de l’OIT (organisation internationale du travail) a une conception très stricte des besoins du public justifiant une telle dérogation : il s’agit des biens de première nécessité ».

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