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Le management n'est pas fait pour « impressionner » les salariés, les faire souffrir et nuire à leur santé

La salariée qui pratique un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés commet une faute grave. Même sanction pour celle qui a un comportement inadapté et harcelant.

Le management n'est pas fait pour « impressionner » les salariés, les faire souffrir et nuire à leur santé
Pour la Cour cassation, « la pratique par la salariée d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés » rend impossible son maintien dans l'entreprise. © Getty Images

Sous peine d’engager sa responsabilité pour manquement à son obligation de prévention des risques professionnels, l’employeur ne peut pas se permettre de garder à son service un salarié dont le mode de gestion est susceptible de nuire à la santé des salariés. Telle est la leçon à retenir d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 février 2024 (Cass. soc., 14 févr. 2024, n° 22-14.385).

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Licenciement pour des faits de harcèlement

Cette affaire commence par le licenciement pour faute grave d’une salariée, engagée en qualité de directrice d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Pour motiver cette mesure, l’employeur reproche à l’intéressée des méthodes de gestion du personnel constitutives d’un harcèlement moral de plusieurs salariés de l’établissement.

Pour preuve, « un courrier des délégués du personnel signé par trente-cinq salariés sur soixante, deux attestations de délégués du personnel et quatre courriers de salariés, dont un confirmé par attestation, dénonçant les méthodes de gestion de l’intéressée ayant causé la démission d’au moins deux salariées, le placement en arrêt de travail d’une autre, un mal être et une souffrance de la majorité du personnel ».

Et pourtant, tant en première instance devant les prud’hommes qu’en appel, il est jugé que ce licenciement était abusif, et donc qu’il n’y avait ni faute grave, ni cause réelle et sérieuse.

D’après les constats des juges, bien qu’ayant reçu plusieurs courriers de salariés faisant état de harcèlement moral à leur encontre, l’employeur a cherché à vérifier que les faits rapportés étaient effectivement constitutifs de faits de harcèlement moral imputables à la directrice.

De plus, les courriers et attestations produits faisaient état « d’une attitude générale ou d’événements non datés et non de faits précis et circonstanciés ».

Enfin, pour la cour d’appel, « la seule dénonciation d’un climat de travail tendu, de conditions et de relations de travail effectivement difficiles ou heurtées » ne pouvait valoir qualification de harcèlement moral.

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Un mode de gestion inapproprié

Pour la Cour cassation, il n’y avait pas lieu de discuter car « la pratique par la salariée d’un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés » était de nature à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l’entreprise. En clair, la salariée avait bien commis une faute grave.

Notons que même s’il n’y a pas eu de harcèlement, l’employeur peut être condamné pour violation de son obligation de prévention des RPS (Cass. soc., 6 déc. 2017, n° 16-10.891). Dans cette affaire, il avait été prouvé que de très nombreux salariés avaient été confrontés à des situations de souffrance au travail et à une grave dégradation de leurs conditions de travail induites par un mode de management par la peur ayant entraîné une vague de démissions.

Même verdict pour un « comportement inadapté et harcelant »

Le fait pour une salariée d’adopter « un comportement se manifestant par des critiques, des moqueries, de la violence verbale et physique, une déstabilisation dans les relations professionnelles et une forme de manipulation allant au-delà de simples plaisanteries entre collègues » et d’avoir une attitude ambivalente « source de souffrance au travail » justifie, malgré l’ancienneté et l’absence d’antécédents disciplinaires, un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 14 févr. 2024, n° 22-23.620).

Frédéric Aouate

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