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Licenciement économique : le dossier disciplinaire peut être un critère d'ordre

Lorsque l’employeur procède à des licenciements pour motif économique, il doit « choisir » les salariés qui seront touchés par la mesure. Peut-il prendre en compte leur dossier disciplinaire pour établir l’ordre des licenciements ? Oui, répond la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mai 2010, mais à certaines conditions.

Une fois que la décision de procéder à un licenciement pour motif économique, qu’il soit individuel ou collectif, est prise, l’employeur doit déterminer ce qu’on appelle l’ordre des licenciements, c’est-à-dire déterminer le ou les salariés qui seront licenciés. Pour cela, il doit tenir compte de certains critères prévus par la convention ou l’accord collectif applicable à l’entreprise. Mais, en l’absence de convention ou d’accord collectif, c’est à l’employeur qu’il appartient de fixer les critères d’ordre, après consultation des représentants du personnel, s’ils existent. L’employeur doit alors prendre en compte les quatre critères légaux fixés par l’article L. 1233-5 du Code du travail : les charges de famille (parents isolés par exemple), l’ancienneté dans l’entreprise, les caractéristiques sociales qui rendent la réinsertion professionnelle difficile (âge, handicap…) et les qualités professionnelles des salariés appréciées par catégorie.

La liste des critères légaux n’étant pas limitative, l’employeur peut la compléter par d’autres critères : ponctualité et discipline, initiatives, sociabilité, tenue générale… A condition de prendre en compte tous les critères légaux, il peut également privilégier certains d’entre eux. Le plus souvent, c’est le critère tiré des qualités professionnelles des salariés qui est privilégié. L’employeur doit alors se référer à des éléments objectifs et vérifiables (Cass. soc., 21 novembre 2006). Il ne peut pas, par exemple, se fonder exclusivement sur le niveau des diplômes obtenus par les salariés (Cass. soc. 17 mars 1993).

Mais lorsque les qualités professionnelles des salariés sont comparables, l’employeur peut-il aller au-delà en prenant en compte les sanctions disciplinaires dont les salariés ont pu faire l’objet ?

A cette question, la Cour de cassation répond positivement mais pose certaines conditions. Tout d’abord, seules peuvent être prises en compte les sanctions non encore prescrites, conformément à l’article L 1332-5 du Code du travail, c’est-à-dire celles ayant été prononcées depuis moins de 3 ans. Ensuite, ces sanctions ne doivent pas constituer le seul critère d’évaluation mis en œuvre par l’employeur. Enfin, la prise en compte du dossier disciplinaire ne doit pas constituer un détournement de procédure. Autrement dit, il n’a pas à être utilisé pour évincer un salarié devenu indésirable.

En l’espèce, toutes les conditions étaient remplies. La cour d’appel de Nancy avait, en effet, constaté que l’employeur avait appliqué l’ensemble des critères légaux, soumis au comité d’entreprise, en privilégiant le critère des qualités professionnelles, à l’ensemble des ouvriers de la même catégorie professionnelle. Les juges du fond avaient pu relever que « le critère des qualités professionnelles, dont le dossier disciplinaire n’était qu’un élément à côté de l’aptitude et de la polyvalence des intéressés, avait été apprécié selon des critères objectifs, chiffrés et communs à tous ces ouvriers ». Approuvée par la Cour de cassation, la cour d’appel en a conclu que l’employeur n’avait pas méconnu les critères d’ordre des licenciements en prenant les sanctions disciplinaires en considération.

Source : Cass. soc., 19 mai 2010, n° 09-40.103

Nathalie Lepetz
Rédaction de NetPME

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