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Marchés publics : le code de la commande publique s'adapte à la loi Climat

Au-delà de l'application des mesures prises par la loi Climat et résilience, le décret élargit le champ d'application des schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (SPASER) et fait converger à l'horizon 2024 les données essentielles avec le recensement.

Marchés publics : le code de la commande publique s'adapte à la loi Climat
Dès 2026, les acheteurs publics et les autorités concédantes devront utiliser un critère d'attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales des offres. © Getty Images

Mis en consultation au cours du mois de janvier 2022, le décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique vient d’être publié juste avant l’achèvement du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Bien plus qu’un simple décret d’application de la loi Climat et résilience, ce texte contribue au verdissement des marchés publics en augmentant le nombre de personnes publiques concernées par l’adoption d’un SPASER et à la simplification de la vie des acheteurs publics en mettant fin au recensement dans sa version actuelle à l’horizon 2024.

Pour l’essentiel, les mesures contenues dans ce texte entreront en vigueur entre 2023 et 2026. Seule la nouvelle interdiction de soumissionner liée au non-respect par les sociétés mères et les entreprises donneuses d’ordre de leurs obligations en matière de plan de vigilance est applicable immédiatement.

La fin du critère unique du prix

Afin de valoriser les offres écologiquement performantes et de favoriser les achats publics vertueux, la loi Climat et résilience a prévu d’imposer au plus tard le 21 août 2026 (et pas le 22 comme on aurait pu le penser), aux acheteurs publics et aux autorités concédantes l’utilisation d’un critère d’attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales des offres. Pour rappel, cette disposition ne s’applique pas aux marchés et concessions de défense et de sécurité.

L’étude d’impact annexée au projet de loi rappelle que cette mesure est une réponse directe à l’une des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat.

Le décret modifie donc en conséquence les articles R. 2152-7 et R 3124-4 du code de la commande publique concernant respectivement l’attribution des marchés publics et des concessions ainsi que celles relatives aux enchères électroniques.

En ce qui concerne les marchés où la sélection de l’offre peut être actuellement effectuée sur le fondement d’un critère unique ou d’une pluralité de critères, cela revient donc à exclure à l’avenir la possibilité d’utiliser uniquement le critère du prix.

Au 21 août 2026 au plus tard, l’acheteur pourra se fonder :

  • soit sur le critère unique du coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l’article R. 2152-9 et qui prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Le ministère de l’économie précise, sur son site Internet, que cela peut concerner par exemple les coûts liés à la consommation d’énergie ou d’autres ressources, les coûts de collecte et de recyclage ou encore les coûts imputés aux externalités environnementales aux différentes étapes du cycle de vie des fournitures, services ou travaux commandés ;
  • soit sur une pluralité de critères parmi lesquels figurent le prix ou le coût et dont au moins l’un d’entre eux prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre.

En ce qui concerne l’attribution des concessions, l’autorité concédante se fondera, conformément aux dispositions de l’article L. 3124-5, sur une pluralité de critères non discriminatoires dont au moins l’un d’entre eux devra prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre.

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Un rapport annuel d’information remis à l’autorité concédante enrichi

Conformément à l’article 35 de la loi Climat et Résilience, le décret modifie l’article R. 3131-3 du code de la commande publique qui définit le contenu du rapport d’information remis chaque année par le concessionnaire à l’autorité concédante afin de lui permettre d’apprécier les conditions d’exécution du service public.

Il devra, à compter du 21 août 2026 au plus tard, inclure la description des mesures mises en œuvre par le concessionnaire pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité

Abaissement du seuil au-delà duquel l’adoption d’un SPASER est obligatoire

Créés par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, les schémas de promotion des achats publics socialement responsables (SPASER) sont des documents ayant pour objet de déterminer, d’une part, les objectifs de politique d’achat comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés ainsi que des éléments à caractère écologique et d’autre part, les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Conformément aux articles L. 2111-3 et D. 2111-3 du code de la commande publique, l’élaboration de ce document est obligatoire pour tous les acheteurs publics dont le montant total annuel des achats est supérieur à 100 M€ HT.

Selon le ministère de l’économie, ce dispositif s’applique à l’heure actuelle à la quasi-totalité des régions métropolitaines, une soixantaine de départements, près de 70 EPCI, une dizaine de communes dont la population est supérieure à 250 000 habitants, ainsi que des EPIC comme la SNCF ou des entreprises publiques comme La Poste.

Au total, près de 160 collectivités publiques locales sont potentiellement concernées mais seulement 20 % d’entre elles respectent leur obligation.

Dès 2018, la feuille de route pour l’économie circulaire (FREC) a retenu comme objectif de fixer un seuil plus bas. La révision du plan national d’action pour des achats publics durables (2015-2020) a été l’occasion de mener une réflexion sur ces schémas et leur développement (Rép. min. n° 32954 : JOAN Q, 9 mars 2021, p. 2051). Cela se traduit dans le décret du 2 mai 2022 par la réduction de moitié du seuil qui s’établira, au 1er janvier 2023, à 50 M€. Cela va permettre de faire entrer dans le dispositif environ 160 collectivités supplémentaires dans le but de créer une véritable dynamique au niveau local en faveur des achats durables.

Les modalités pratiques de calcul du volume d’achats annuels sont également clarifiées : le seuil s’appréciera au regard des dépenses effectuées au cours d’une année civile et non du montant cumulé des marchés notifiés dans l’année.

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Un recensement effectué par l’OECP grâce aux données essentielles des marchés publiés

Le décret du 2 mai 2022 assure une mise en œuvre concrète de l’action n° 16 du Plan de transformation numérique de la commande publique relative à la convergence des données essentielles et des données du recensement des marchés publics. Celle-ci avait pour objectif, à l’horizon 2020-2022, de libérer les acheteurs de leur obligation liée au recensement des contrats de la commande publique en y pourvoyant grâce à la collecte des données essentielles. Ce sera chose faîte à une date fixée par arrêté et au plus tard au 1er janvier 2024.

Les acheteurs publics publieront les données essentielles des marchés publics répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure à  40 000 € HT, non plus sur leur profil d’acheteur, mais sur le portail national de données ouvertes (data.gouv.fr). L’Observatoire économique de la commande publique (OECP) effectuera alors le recensement des marchés publics en collectant directement les informations nécessaires sur ce portail sans que les acheteurs publics n’aient à accomplir de formalités supplémentaires.

Dans un objectif de transparence, et même si le recensement économique ne les concerne pas, les autorités concédantes devront également publier les données essentielles des concessions sur le portail national de données ouvertes. Aux yeux du ministère de l’économie, cette mesure permettra d’assurer l’ouverture des données de la commande publique dans un objectif de prévention de la corruption, de bonne gestion des deniers publics et de pilotage des politiques d’achat. Elle permettra également le développement de nouvelles offres de services pour l’accès des entreprises à la commande publique.

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Cécile Guerbignot

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