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Plan de relance : TPE et artisans, mis à l’écart ?

La complexité et la rapidité d’exécution du plan de relance a pu laisser les TPE et artisans sur le bord de la route, faute notamment de pouvoir constituer des dossiers de candidatures, alerte la Cour des comptes dans un rapport.

Plan de relance : TPE et artisans, mis à l’écart ?
« Le bilan de l’efficacité du plan de relance reste à établir », a mis en garde le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors d'une audition devant le Sénat le 9 mars dernier. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Effets d’aubaine, zone grise, inégalité d’accès… Les griefs retenus par la Cour des comptes dans un rapport publié le 25 mai à l’encontre du plan de relance à 100 Md€ lancé par le gouvernement en 2020 et destiné à s’appliquer principalement en 2021 et 2022, sont nombreux. En cause ? La rapidité avec laquelle le dispositif a été mis en place. Une précipitation justifiée par l’urgence qui a pu laisser sur le carreau les TPE et les artisans, possiblement peu concernés in fine par les aides promises.

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« Nécessité d’un recours à une ingénierie spécifique »

« Les différents mécanismes mis en œuvre – commande publique classique, mesures de guichet, appels à manifestations d’intérêt, appels à projets – ont nécessité une machinerie administrative assez lourde pour assurer une mise en œuvre rapide, explique Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, auditionné par le Sénat en mars dernier. Cette rapidité d’exécution a pu avoir pour contrepartie une moindre exigence dans la sélection des projets retenus, avec un risque d’effet d’aubaine. »

« La nécessité d’un recours à une ingénierie spécifique pour élaborer certains projets a pu défavoriser les acteurs qui n’en disposaient pas (par exemple les TPE ou les communes rurales). »

Les processus de décision rapides ont aussi pu engendrer le risque « d’une priorité donnée aux projets déjà prêts aux dépens de ceux qui nécessitaient un temps de conception », complète la Cour des comptes qui souligne que « la nécessité d’un recours à une ingénierie spécifique pour élaborer certains projets a pu défavoriser les acteurs qui n’en disposaient pas (par exemple les TPE ou les communes rurales). »

Ainsi, « si de nombreux services en charge des mesures du plan de relance ont engagé une recherche active de candidats et si l’assouplissement des règles de la commande publique a élargi ce périmètre (notamment aux PME), il n’est pas certain que, dans les faits, tous les bénéficiaires potentiels du plan de relance en aient profité dans les mêmes conditions, s’agissant notamment des communes rurales ou des TPE ».

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Aides directes limitées

« S’agissant des TPE et des artisans, même si certaines mesures leur étaient ouvertes (par exemple la rénovation énergétique des bâtiments publics), celles qui leur étaient directement accessibles sont restées limitées », estime également la Cour des comptes. Elles bénéficieraient en pratique à des entreprises de plus grandes tailles.

Ce serait le cas du fonds de transition doté de 3 Md€, lancé en septembre 2021 pour accompagner de façon ciblée les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire et dont le rebond risque d’être plus long (secteur HCR, tourisme, évènementiel, commerce, distribution, etc.). Un dispositif qui « vise principalement les entreprises intermédiaires et les grandes entreprises ».

« En tout état de cause, aucune évaluation chiffrée de l’accès des très petites entreprises et des artisans aux mesures du plan de relance n’était disponible au moment de la rédaction de ce rapport ».

Il en irait de même pour le renforcement des fonds propres, les obligations Relance et les prêts participatifs Relance bénéficiant principalement « aux PME et ETI ». Même constat pour la baisse de CVAE, fléchée vers « les entreprises réalisant plus de 500 000 € de chiffre d’affaires hors taxes ».

« Concernant le développement des compétences, la priorité a été donnée davantage aux salariés (abondement du fonds national pour l’emploi) qu’aux indépendants et artisans », poursuit la Cour qui conclut : « En tout état de cause, aucune évaluation chiffrée de l’accès des très petites entreprises et des artisans aux mesures du plan de relance n’était disponible au moment de la rédaction de ce rapport. »

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« Zone grise »

Plus largement, le plan de relance s’avère difficilement évaluable. La faute à un « ensemble assez touffu de mesures qui ne font pas l’objet d’un recensement exhaustif, unique et partagé entre les différentes administrations », comme le relève Pierre Moscovici. D’autant que « la frontière avec d’autres plans ou programmes en cours n’est pas toujours claire et parfois même confuse ».

« Entre le moment où le décaissement est effectué par l’État vers ceux-ci [les opérateurs] et celui où les bénéficiaires finaux reçoivent les fonds publics, une zone grise existe, difficile à appréhender. »

En découle un suivi des crédits incomplet jetant le doute sur l’identité des bénéficiaires. « Le suivi du plan de relance s’est avéré difficile à assurer de manière exhaustive au niveau le plus fin, notamment pour les dispositifs gérés par les opérateurs [le plus souvent des organismes payeurs], explique Pierre Moscovici. Entre le moment où le décaissement est effectué par l’État vers ceux-ci et celui où les bénéficiaires finaux reçoivent les fonds publics, une zone grise existe, difficile à appréhender. »

La Cour des comptes préconise ainsi de mettre en place « rapidement » un dispositif de suivi des crédits du plan de relance décaissés par les opérateurs pour chaque programme budgétaire de la mission plan de relance et d’assurer un suivi plus strict du « déploiement territorial » des mesures.

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Matthieu Barry

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