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Portage salarial : la solution miracle ?

Entre liberté et sécurité, le portage salarial semble offrir sur un plateau tout ce dont rêve la nouvelle génération d’actifs. Comment ça marche ? Coup de projecteur sur ce mode d’organisation hybride aussi attirant que méconnu.

Portage salarial : la solution miracle ?
Avec le portage salarial, l'indépendant bénéficie des avantages du salariat tout en restant libre de mener son activité comme bon lui semble.

Né au début des années 80, le portage salarial a réussi tant bien que mal depuis une décennie à se doter d’une base légale solide. Après une loi (2008) et une ordonnance (2015), il est aujourd’hui encadré par une convention collective. Le régime séduit tant les cadres épris de liberté que les freelances en quête de sécurité financière. Car à la croisée des chemins, les sociétés de portage salarial promettent le Graal : la « flexisécurité ». Comment ? En concluant avec l’indépendant un contrat de travail et avec le client un contrat commercial. De son côté, l’indépendant prospecte ses clients, négocie la prestation (durée et tarif) et l’exécute. Il est rémunéré par la société de portage qui perçoit les facturations et les transforme en salaire pour l’indépendant. Explications.

Portage salarial : un mariage à trois

Le portage salarial désigne une relation tripartite entre le salarié porté, la société de portage et une entreprise cliente. Cette relation implique la conclusion d’un contrat commercial de prestation et celle d’un contrat de travail. Le contrat commercial de prestation de service est conclu entre la société de portage et une entreprise cliente. Il implique le salarié porté qui communique les caractéristiques de sa mission (descriptif, durée, lieu, prix, etc.). Le contrat de travail est conclu entre la société de portage salarial et le salarié porté. Ce dernier exécute une ou plusieurs prestations (ou missions) pour une ou plusieurs entreprises clientes.

Le contrat de travail conclu entre l’entreprise de portage salarial et le salarié porté est un CDI ou un CDD, à temps plein ou à temps partiel. Le plus souvent, le salarié porté est soumis à une convention de forfait jours (229 jours maximum pour une année). Le CDD est conclu pour la réalisation d’une prestation pour un client. Il ne peut excéder 18 mois (renouvellement compris). Toutefois, le terme du contrat peut être reporté pour une durée maximale de 3 mois (pour permettre au salarié porté de prospecter de nouveaux clients). Le CDI, quant à lui, est conclu pour réaliser plusieurs prestations dans une ou plusieurs entreprises clientes. La réalisation concomitante de plusieurs missions est autorisée.

Attention, le portage salarial n’est pas un intérim ni un prêt de main d’œuvre. L’intérim vise l’exécution d’une tâche précise et temporaire tandis que le prêt de main d’œuvre pallie à des difficultés de recrutement ou de baisse d’activité. Le portage salarial est uniquement adapté aux activités de service (conseil, informatique, marketing, matière juridique, matière comptable, etc.). Lesquelles ne doivent pas faire partie de l’exploitation courante de l’entreprise cliente ou relever d’une expertise en interne. L’ensemble des activités de négoce (achat/vente de produits), les activités réglementées (médecins, avocats, etc.) et les services à la personne (garde d’enfants, tâches ménagères, assistance aux personnes âgées, etc.) en sont exclus.

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Portage salarial : les avantages à se laisser porter

Ce jeu à trois permet à l’indépendant de bénéficier des avantages du salariat grâce à son contrat de travail. Chaque mois, l’indépendant perçoit un salaire indépendamment des règlements clients. Entre deux missions, le salarié porté peut bénéficier d’une allocation mensuelle de prospection (dans la limite de 3 mois). Et acquiert 2,5 jours de congés payés par mois de travail effectif. L’indépendant « salarié » est affilié au régime général de la sécurité sociale et bénéficie d’une mutuelle d’entreprise ainsi que d’une prévoyance.

Par exemple, en cas d’arrêt maladie, le salarié porté doit simplement notifier son arrêt de travail auprès de la CPAM et auprès de la société de portage dans les 48 heures. Après 3 jours de carence, il perçoit une indemnité journalière équivalente à 50 % de son salaire journalier de base (calculé sur les 3 derniers salaires). Le consultant porté bénéficie également d’une assurance en responsabilité civile professionnelle en cas de litige avec le client. Percevant les droits à l’assurance chômage, ce dernier peut cumuler ses allocations chômage avec son activité en portage salarial. Il cotise enfin au régime général de retraite.

Surtout, le salarié porté est libre de conduire son activité comme bon lui semble. Il choisit ses clients et son emploi du temps sans contrainte de temps ni de lieu. En cas de rupture du contrat de travail, l’ex-salarié porté peut continuer de travailler avec les entreprises ayant conclu un contrat commercial de prestation de portage salarial. Il est propriétaire de sa clientèle. Pas de clause de non-concurrence ou d’exclusivité possible. À cet égard, la société de portage n’a pas le droit de lui fournir du travail. Sa rémunération est fixée par lui en fonction du prix de ses prestations et des frais de gestion de la société de portage (cf. ci-après).

Enfin, la société de portage s’occupe des obligations fiscales et administratives auxquelles il est tenu. Toutes les formalités de création d’entreprise sont par exemple prises en charge par la société de portage. De même que la gestion des factures, le suivi des règlements, le paiement des cotisations sociales, le recouvrement, etc.

Portage salarial : quelques critères d’éligibilité

Tous les indépendants ne sont pas éligibles au portage salarial. Le salarié porté doit justifier d’une expertise, d’une qualification (3 ans d’ancienneté ou bac +2 minimum) et d’une autonomie lui permettant de mener à bien son activité. Il faut en outre générer un minimum de chiffre d’affaires pour assumer la rémunération minimum prévue par la convention collective du 22 mars 2017.

Le montant du salaire minimum garanti versé chaque mois à l’indépendant « porté » dépend de son statut.  Un « salarié porté junior » (moins de 3 ans d’ancienneté dans l’activité de portage salarial) doit au minimum toucher 70 % de la valeur mensuelle du PASS contre 75 % pour le « salarié porté senior » (au moins 3 ans d’ancienneté dans l’activité de portage salarial). Le « salarié porté sous forfait annuel en jours » doit quant à lui bénéficier d’un revenu minimal de 85 % de la valeur mensuelle du PASS. Autrement dit, l’indépendant doit environ facturer un minimum de 35 € de l’heure ou 250 € la journée pour exercer une activité en portage salarial.

À noter, la rémunération minimale brute totale est fixée à 77 % de la valeur mensuelle du PASS. Elle intègre le salaire de base, les indemnités de congés payés et l’indemnité d’apport d’affaires. Pour les salariés portés sous CDD, une réserve financière égale à l’indemnité légale de fin de contrat (10 % de la rémunération brute) est prévue pour pallier la baisse substantielle ou l’absence de rémunération pendant les périodes hors activités non rémunérées (dites d’intermission). Pour les salariés portés sous CDI, elle correspond à 10 % du salaire de base de la dernière mission constituée sur le compte d’activité.

Portage salarial : qui dit « flexisécurité » dit frais de gestion

Le revers de la médaille ? Les frais de gestion et les charges sociales. Les sociétés de portage salarial prélèvent entre 5 et 15 % du chiffre d’affaires du salarié porté. Et ce dernier doit s’acquitter de charges sociales plus élevées mais nécessaires (environ 45 % contre 22 % par exemple pour le statut de la micro-entreprise) afin de cotiser aux différents régimes liés au salariat (assurance chômage, prévoyance, mutuelle, retraite, etc.). Entre les frais de gestion, l’impôt sur le revenu, les charges patronales et les cotisations salariales, le salarié porté touche généralement la moitié de la facturation hors taxe.

Attention aux frais de gestion cachés (surfacturation des charges patronales par exemple). Il faut garder à l’esprit que l’indépendant, en tant que salarié porté, confie son chiffre d’affaires à une société externe. S’assurer autant que faire se peut de la transparence et de la fiabilité de cette dernière est un passage obligé pour qui souhaite se laisser porter !

Matthieu Barry

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