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Quand le défaut de conseil de l'expert-comptable prive d'un avantage fiscal

La Cour de cassation juge que le manquement d'un expert-comptable à son obligation de conseil a privé son client d'une chance de relever du régime des bénéfices industriels et commerciaux et de bénéficier d'une exonération spécifique. Elle annule ainsi un arrêt d'appel. 100 000 euros de dommages et intérêts sont en jeu.

Quand le défaut de conseil de l'expert-comptable prive d'un avantage fiscal

Plus de quatre ans après une première décision, la Haute juridiction vient une nouvelle fois de se prononcer dans la même affaire mettant en cause un expert-comptable sur le terrain de son devoir de conseil.

D’agent commercial à courtier

A l’origine, un client du professionnel du chiffre conclut une convention de courtage commercial afin de placer son activité (indépendante) de négoce de meubles sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Objectif : bénéficier de l’exonération d’impôt sur les bénéfices des entreprises nouvelles créées dans certaines zones, réservée aux activités industrielles, commerciales ou artisanales. Cette personne physique fait l’objet d’un redressement fiscal de l’administration qui remet en cause ce régime d’imposition car elle estime que l’activité relève de par sa nature des bénéfices non commerciaux (BNC), la cliente en question n’agissant en fait pas comme un véritable courtier qui traite en son nom personnel. Cette dernière assigne son expert-comptable, chargé de l’établissement de ses déclarations fiscales, pour manquement à son obligation de conseil.

Défaut d’information et de mise en garde de l’expert-comptable

Les juges d’appel (sur renvoi après cassation) estiment que la responsabilité du professionnel du chiffre est engagée. Car ce dernier a déclaré les revenus de sa cliente au titre des BIC « sans attirer [son] attention (…) sur l’inadéquation de l’option fiscale au regard de son statut réel d’agent commercial » (professionnel indépendant) et « sans la mettre en garde sur le risque fiscal en découlant ». Ils relèvent que l’expert-comptable n’a pas porté à la connaissance de sa cliente une consultation écrite d’un cabinet d’avocats qui qualifiait pourtant de « périlleuse » la transformation d’un contrat d’agent commercial en contrat de courtage. L’expert-comptable n’a donc pas rempli son devoir de conseil, bien qu’il ne soit pas intervenu ensuite dans la préparation et la rédaction du contrat de courtage et que le choix du régime fiscal litigieux était « délibéré » de la part de la cliente.

100 000 euros de dommages et intérêts en jeu

La cour d’appel condamne l’expert-comptable à hauteur de 17 000 euros, correspondant à la perte de chance subie par la cliente d’adhérer à un centre ou une association de gestion agréé qui lui aurait permis de bénéficier d’abattements d’impôt et aux pénalités qu’elle n’aurait pas réglées en l’absence de faute de l’expert-comptable.
Mais la cliente réclamait plus de 100 000 euros résultant de la suppression de l’exonération fiscale des entreprises nouvelles. Les juges d’appel ont considéré que rien ne prouve qu’elle aurait adopté le statut de courtier, et non celui d’agent commercial, si elle avait été mieux informée par son expert-comptable. Ce n’est donc pas en raison du manquement au devoir de conseil de ce dernier qu’elle a été privée d’une chance de bénéficier de l’exonération d’impôt.
Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis et estime au contraire que la faute de l’expert-comptable a privé la cliente d’une chance d’obtenir l’accord d’une société pour travailler avec elle en tant que courtier, et donc lui permettre de bénéficier de l’exonération fiscale. La Haute juridiction casse la décision d’appel et renvoie l’affaire devant une nouvelle cour d’appel.

 

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