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Retrait du permis de conduire dans le cadre de la vie privée : pas de faute professionnelle

Le salarié qui se voit suspendu ou retiré son permis de conduire dans le cadre de sa vie personnelle, ne peut être licencié pour faute. Reste pour l'employeur la possibilité d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse motivé par le trouble caractérisé causé à l'entreprise.

Retrait du permis de conduire dans le cadre de la vie privée : pas de faute professionnelle

Le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne constitue pas un manquement aux obligations résultant de son contrat de travail et ne peut donc pas justifier un licenciement disciplinaire. C’est ce qu’a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mai 2011 rompant ainsi avec sa jurisprudence traditionnelle.

Depuis un arrêt de principe du 2 décembre 2003, la Cour de cassation considérait en effet qu’un fait tiré de la vie personnelle ne pouvait pas caractériser une faute et fonder son licenciement disciplinaire, sauf si ce fait pouvait être rattaché à la vie professionnelle du salarié. Ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rendu en 2003 puisque le salarié, affecté à la conduite de véhicules, s’était vu retirer son permis de conduire pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, commis en dehors de son temps de travail. La Cour de cassation avait alors jugé que même commis en dehors du travail, un tel fait se rattachait à la vie professionnelle du salarié (Cass. soc. 2 décembre 2003, n° 01-43.227).

Dans l’arrêt du 3 mai 2011, la Cour de cassation semble abandonner la distinction qu’elle opérait jusqu’à présent entre les faits relevant de la vie professionnelle et ceux pouvant être rattachés à la vie personnelle. En l’espèce, un salarié employé en qualité d’agent propreté, s’était vu retirer son permis de conduire suite à plusieurs infractions au Code de la route, commises en dehors du temps de travail et avec son véhicule personnel, notamment des défauts répétés de port de la ceinture de sécurité. Ne pouvant plus effectuer son travail, qui consistait précisément à conduire le véhicule de société mis à sa disposition pour assurer la sortie des ordures ménagères de diverses copropriétés, il est licencié pour faute grave.

A tort, estime la Cour de cassation qui juge que l’infraction commise par le salarié en dehors de l’exécution de son contrat de travail entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire « ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ».
Il en résulte que le licenciement disciplinaire fondé sur un tel fait est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La Haute Cour rejoint ainsi la position adoptée quelques mois plus tôt par le Conseil d’Etat à propos d’un chauffeur dont le permis avait été suspendu en raison d’infractions commises en dehors de son temps de travail (CE 15 décembre 2010, n° 316856).

Est-ce à dire que les faits commis par un salarié dans le cadre de sa vie privée ne sont jamais sanctionnables alors même qu’ils ont des conséquences sur l’exécution de la prestation de travail ? Evidemment non, car si la voie du licenciement pour faute est fermée, subsiste la possibilité de prononcer un licenciement pour cause réelle et sérieuse motivé par le trouble caractérisé causé à l’entreprise. Dans une telle hypothèse, la cause du licenciement est constituée par la situation objective de trouble créé dans l’entreprise, et non par un manquement du salarié à une obligation contractuelle envers l’employeur.

Bien entendu, la solution dégagée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 3 mai 2011 ne s’applique qu’aux faits commis en dehors de l’exécution du travail. Un salarié dont les fonctions impliquent la conduite de véhicules et qui commettrait une infraction au Code de la route pendant ses heures de travail pourrait faire l’objet de sanctions disciplinaires, si un comportement fautif est à l’origine de l’infraction (par exemple, état d’ébriété ou excès de vitesse).

Source : Cass. soc. 3 mai 2011 n° 09-67.464

Nathalie Lepetz
Rédaction de NetPME

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