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Simplification : les parlementaires proposent 14 mesures

En vue du projet de loi sur la simplification qui doit être présenté avant l’été au Parlement, un rapport parlementaire intitulé « Rendre des heures aux Français » a été remis le 15 février dernier à Bercy. Véritable serpent de mer pour les entreprises, les organisations patronales plaident pour une mise en œuvre rapide de ce chantier simplification.

Simplification : les parlementaires proposent 14 mesures
Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, le 15 février 2024. © AFP

Il y a « urgence à réagir car, parfois, la situation confine à l’absurde », a rappelé Bruno Le Maire à l’occasion de la remise le 15 février du rapport des parlementaires sur le projet de loi simplification. Le ministre de l’Economie et des Finance a signalé également que la complexité « a un impact sur notre activité mais aussi un impact moral sur l’esprit des entrepreneurs ».

Une urgence confirmée par le Medef alors que « les prévisions de croissance sont faibles et que la situation des finances publiques risque encore de se dégrader ». Pour l’organisation patronale, « les 70 milliards que nous perdons chaque année à cause de la complexité administrative est un fardeau dont il faut libérer les chefs d’entreprises, au premier rang desquels les dirigeants de TPE et PME ». Elle appelle ainsi à plus de lisibilité, de visibilité et à de la « sobriété réglementaire ».

De son côté, l’U2P, qui a commandité une enquête sur le sujet auprès de l’institut Xerfi*, révèle que « 39 % des chefs d’entreprise de proximité consacrent une demi-journée ou davantage par semaine aux formalités administratives ». Une charge qui serait d’autant plus lourde dans le secteur du bâtiment, avec près des trois quarts des artisans qui déclarent y consacrer au moins une demi-journée par semaine. Parmi les tâches administratives à simplifier en priorité, les obligations d’origine fiscale (30 % des sondés), sociale (26 %) et comptable (19 %).

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« Dites-le nous une fois pour toutes »

Pour rompre avec l’inflation normative et avec la complexité des procédures qui mettent en difficulté les chefs d’entreprise, cinq parlementaires –Louis Margueritte, député de Saône-et-Loire, Alexis Izard, député de l’Essonne, Philippe Bolo, député du Maine-et-Loire, Anne-Cécile Violland, députée de Haute-Savoie et Nadège Havet, sénatrice du Finistère– ont formulé 14 mesures visant à simplifier la vie des entreprises. Des mesures qui résultent des échanges avec les acteurs économiques, avec les représentants des fédérations professionnelles et de la grande consultation publique lancée sur le site make.org, qui avait permis de recueillir 5 300 propositions et près de 730 000 votes.

Parmi les propositions phares formulées, lever les derniers verrous pour pouvoir appliquer le principe de « dites-le nous une fois pour toutes », en laissant toutefois un délai de deux ans –« au maximum »– aux administrations pour développer les outils informatiques nécessaires ; « mettre fin aux redondances et formalités inutiles identifiées qui relèvent de différents codes –du travail, de commerce, de l’énergie, etc. Soit supprimer tous les doublons en établissant sous trois mois une liste.

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Généralisation du principe de dématérialisation des démarches

Le rapport propose également de « généraliser le principe de dématérialisation des démarches à destination des entreprises, tout en remettant le contact humain au cœur de l’administration ». Une mesure qui doit s’accompagner pour la CPME d’un garde-fou : « la mise en place systématique du nom et des coordonnées d’une personne joignable par téléphone en cas de difficultés ».

Ce qu’ont prévu les parlementaires : « Toutes les entreprises doivent avoir un accès garanti à un interlocuteur direct, à un horaire déterminé à l’avance, dans le cadre de leurs démarches administratives afin d’obtenir des renseignements sur la législation, sur le suivi de leurs dossiers ainsi que sur des sujets techniques (Urssaf notamment) ».

Attention aux accords de branches

Si la CPME juge « séduisante sur le papier » la proposition des parlementaires pour les entreprises de moins de 5 ans et de moins de 50 salariés « de définir avec les salariés l’application de certaines dispositions des accords de branches », elle est « à manier avec précaution ». Pour l’organisation patronale, la mesure pourrait avoir pour effet de recréer « un effet de seuil mais cela pourrait potentiellement se retourner contre les entreprises concernées, considérées comme moins attractives ».

La CPME indique qu’il serait plus utile de « s’assurer de l’effectivité de la prise en compte des spécificités des PME dans les accords de branches ». Dans un communiqué, l’U2P qualifie par ailleurs de « fausse bonne idée » cette dérogation aux accords de branche : « les conventions collectives de branche sont absolument indispensables pour organiser une profession, garantir les règles de concurrence, et mutualiser les coûts en particulier pour les petites entreprises. Permettre à certaines entreprises de s’exonérer des règles communes risque de mettre à mal l’ensemble de la vie conventionnelle et d’assécher les possibilités de financement rendues possibles par la mutualisation. […] Il serait par ailleurs incohérent, au moment où le Gouvernement demande aux branches professionnelles de faire des efforts en matière salariale, d’affaiblir celles-ci par une mesure qui remet en cause leur utilité ».

Dépénalisation en cas de manquement de bonne foi

Elle se félicite en revanche de la proposition de « dépénalisation du niveau de sanction en cas de manquement de bonne foi à des obligations déclaratives de dirigeants », y voyant un « signe de confiance en direction du monde entrepreneurial ».

Pour la CPME, « il est temps que cesse la mauvaise pratique consistant à assortir chaque nouvelle obligation de sanction pénale en cas de manquement ». Les parlementaires arguant de leur côté que « Cette situation pèse sur le moral des chefs d’entreprises et leur crainte de mal faire, là où souvent il ne peut leur être reproché qu’un manque d’information suffisante ».

Test PME

Autre mesure qui fait consensus au sein des organisations patronales, le test PME. L’idée étant que « l’État se soumette à une évaluation préalable de l’impact sur les TPE-PME de toute nouvelle règlementation ou évolution règlementaire pour évaluer la faisabilité de la mise en œuvre concrète de la mesure dans les entreprises ainsi que le coût associé ».

Néanmoins, la CPME alerte sur la nécessité « s’assurer que le législateur soit également concerné ».

Relèvement des seuils sociaux

Parmi les autres mesures emblématiques, l’allègement des obligations des trois principaux seuils 11-50-250 en les translatant d’un niveau. L’objectif le plus ambitieux étant de passer à des seuils intermédiaires de 20 et 100 salariés en lieu et place des seuils à 11 et 49 actuels. « Une mesure simple et efficace susceptible de dynamiser la croissance des entreprises », commente la CPME. Du côté de l’U2P, « l’idée paraît séduisante compte tenu de sa simplicité mais elle peut conduire à nier les spécificités des petites entreprises et au final à alourdir leurs charges et obligations ». L’organisation patronale demande « que rien ne se fasse sans concertation préalable ».

Autre variante : celle de remplacer les régimes d’autorisation par des régimes de déclaration qui deviendraient de fait la norme, en partant du principe que « le silence de l’administration vaut approbation ». Sur le sujet, la CPME prévient néanmoins qu’il ne s’agit pas « se contenter simplement de retravailler le nombre d’exceptions, ce qui risquerait de recréer de la confusion ».

Si l’organisation patronale salue l’ensemble des mesures proposées, elle regrette néanmoins que rien ne soit prévu pour les entreprises qui se voient imposer la mise en place d’un reporting extra-financier (CSRD) comprenant pas moins de 1 000 indicateurs. « Simplifier, c’est aussi ne pas surtransposer les textes européens et le seul moyen de s’en assurer, c’est d’interdire purement et simplement toute surtransposition.

Et le cas échéant ne pas hésiter à revenir en arrière en « détransposant », conclut la CPME qui appelle de ses vœux une quinzième mesure dans ce sens.

*Enquête réalisée à la demande de l’U2P par l’institut Xerfi Specific auprès de 7675 entreprises de proximité en janvier 2024

Une régression pour FO, une ligne rouge pour la CGT

Les hausses de seuils, le court délai pour contester un licenciement aux prud’hommes ou encore l’exclusion des accords de branches s’apparentent à des réductions de droits des salariés sous couvert de simplification pour les représentants des syndicats. Sophie Binet (CGT) considère ces propositions comme « inadmissibles », « des lignes rouges » pour la CGT. La centrale de Montreuil en profite pour rappeler que « si l’objectif du gouvernement est de « Rendre des heures aux Français » [titre du rapport], il faut réduire le temps de travail et revenir à la retraite à 60 ans ! ».

Frédéric Souillot (FO) y voit un « régression » et une « forme d’antisyndicalisme primaire ». Force Ouvrière prévient qu’elle « entend lutter contre tout nouveau recul social et à toute atteinte aux droits et aux droits fondamentaux des salariés et rappelle que le droit de grève constitue pour les salariés un droit fondamental garanti par la Constitution mais également par les outils internationaux tels que la Charte sociale européenne ».

Charlotte de Saintignon et Marie-Aude Grimont

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