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Préparer une négociation
La préparation de la négociation conditionne sa réussite. Il importe notamment de connaître à la fois le dossier et la partie adverse, d'établir une stratégie, de mobiliser son équipe, et enfin de créer les conditions du succès.
La préparation d’une négociation se fait en plusieurs étapes.
La préparation de la négociation conditionne sa réussite.
Une négociation repose sur des arguments, qui s’appuient eux-mêmes sur des faits objectifs. La méconnaissance des faits du dossier conduit à un discours creux. « Je veux une augmentation de 3% » – « Pourquoi ? » – « Eh bien, j’ai discuté avec mes collègues, tout le monde a été augmenté de 3% cette année » – « Pas du tout, j’ai les éléments sous les yeux. Regardons ensemble : l’augmentation moyenne n’est que de 1,2%, et dans votre catégorie de salaire la plus élevée n’atteint que 2,5%. Je vous propose donc de discuter sur ces bases ». Dans un débat de quelque nature que ce soit, la crédibilité des arguments s’appuie sur la précision des faits et chiffres annoncés, et la preuve qu’on peut en donner.
Il est souhaitable de ne retenir que les informations précises et fiables, quelque envie qu’on ait de présenter à son mandataire une somme épaisse de documents qui justifie les heures de préparation. Une fausse information, voire une information inutile, sera toujours plus préjudiciable que l’absence d’information. D’autre part, la perception que l’on a d’une information tient beaucoup à la position depuis laquelle on l’observe. Ainsi, dans un débat entre locataire et propriétaire d’un appartement, le prix du bail peut paraître élevé à l’un en regard de ses moyens limités, et faible à l’autre qui le compare aux prix du quartier. Préparer une négociation demande à faire preuve d’une profonde et sincère empathie, à se mettre à la place de l’autre pour comprendre son point de vue. Ce qui ne veut pas dire l’admettre.
Voici une liste non exhaustive de points à renseigner :
– la négociation porte sur un objet : le décrire dans le détail, s’assurer que l’on n’a rien oublié ;
– l’enjeu : quel est-il, pour nous et pour eux ?
– la partie adverse : nos adversaires sont-ils des négociateurs expérimentés ? Y a-t-il divergence d’opinion dans leur équipe ? Quel est leur niveau d’information sur le sujet de la négociation ? Quel est leur pouvoir de négociation ? Quel est leur timing de décision ? Ont-ils une raison particulière de régler rapidement le problème ? Ne pas oublier qu’ils peuvent prendre plusieurs décisions : non, oui, plus tard, peut-être, ne sais pas…
Pour récupérer ces informations, consultez :
– les documents émis de part et d’autre avant la négociation, qui sont à relire attentivement, qu’ils soient ou non de nature contractuelle ;
– les moteurs de recherche sur Internet ;
– ses amis et relations communes aux deux parties qui peuvent utilement nous renseigner ;
– si besoin, des cabinets d’étude ;
– demandez ! N’hésitez pas à poser des questions à « ceux d’en face ».
Demandez-vous ensuite comment vous allez mener la négociation, qui va dire quoi et quand. Et pour commencer, parmi les personnes possibles, qui est la mieux placée pour mener la négociation ? L’expérience est indispensable, elle est nécessaire notamment pour imaginer des solutions de contournement. Parmi les autres qualités nécessaires : la souplesse, la capacité d’empathie, l’imagination… et l’envie !
Une fois le leader désigné, on s’attache généralement à lister les items et définir les objectifs, puis, une fois qu’on a les idées claires sur ce que l’on veut obtenir, il faut absolument se poser la question suivante : quid si la négociation échoue ? Si l’affaire n’aboutit pas ? Le pouvoir réel au moment d’une négociation ne tient pas à la position sociale, aux moyens, ou au statut (client/fournisseur), mais à la meilleure solution de repli dont on dispose. Il m’est arrivé de faire passer des entretiens de recrutement pendant lesquels le candidat était en position de choisir parmi plusieurs offres, toutes intéressantes de son point de vue, tandis que j’étais de mon côté dans la quasi-obligation de le convaincre de rejoindre mon client – parce que son profil correspondait parfaitement au poste et que je n’avais, moi, aucune autre piste sérieuse.
Etudiez alors, pour chaque point à aborder au cours des discussions, les contreparties que vous pourrez soit chercher à obtenir, soit au contraire lâcher. Puis penchez-vous sur les rôles. Une table de négociation se déroule rarement à deux. Le plus souvent, interviennent différentes compétences (leader, gentil, agressif, curieux, observateur…).
Les stratagèmes sont des manœuvres tactiques à utiliser avec précaution, surtout si l’on se place dans une philosophie win-win. En voici cependant quelques uns que l’on retrouve à toutes les tables de négociation :
– Le bon et le méchant : on trouve ce procédé vieux comme le monde dans tout polar digne de ce nom. Peu importe : en situation, ce stratagème est toujours d’une efficacité redoutable ;
– Diviser pour régner : exploiter les désaccords ou en créer (« Votre collaborateur m’a pourtant dit… ») ;
– Le Pilonnage : batterie de questions assénées tour à tour par les différents membres de votre équipe, pour trouver la faille dans l’argumentation ennemie. A un intérêt particulier quand l’un des membres de l’équipe adverse est fragile et qu’il est seul capable de répondre à certaines questions ;
– L’essaimage : on simule une division au sein de son propre camp, par exemple sur les objectifs, les concessions ou les contreparties ;
– Le discours fleuri : consiste à émettre des affirmations floues, faire des sous-entendus. Il arrive en effet que la situation soit si tendue que quelque mot que l’on emploie, il risque d’être compris de travers ;
– L’absent a tort : pour recueillir le plus d’informations possibles de quelqu’un, le faire parler d’un autre.
Plus la négociation compte de participants, plus elle est difficile. Tâchez par tous les moyens de limiter les équipes, quitte à faire ponctuellement appel à l’un ou l’autre pour résoudre un point de blocage.
Dans une négociation, chaque membre de l’équipe doit avoir une confiance totale dans ses partenaires. La confiance se travaille longtemps à l’avance. Encouragez vos équipiers à discuter dans un cadre neutre et convivial (restaurant, bar). Ils doivent apprendre à se connaître. Vous pouvez aussi recourir à des exercices et des simulations pour augmenter le niveau de confiance dans votre groupe.
De même que vous encouragerez vos partenaires à mieux se connaître, faites votre possible, avant la phase de négociation, pour lier connaissance avec vos adversaires. Benjamin Franklin demandait toujours à ses interlocuteurs s’ils pouvaient lui prêter un livre, ce qui les mettait en situation d’avoir rendu service – un état d’esprit positif.
Les réunions se tiendront-elles chez vous ou chez eux ? Les spécialistes sont partagés sur ce sujet. Tâchez d’organiser la réunion dans vos propres locaux si vous vous sentez en position de faiblesse en terme d’expérience. Vous y serez plus à l’aise, il vous y sera plus facile d’y gérer vos tactiques et vous pourrez plus facilement faire appel à des spécialistes. D’une façon ou d’une autre, vous aurez une meilleure maîtrise du jeu. Mais certains professionnels de la négociation privilégient les locaux de la partie adverse… Ils peuvent en effet utiliser ce qui est au départ un point faible comme argument pour négocier des objectifs majeurs et imposer leur volonté.
Proposez un ordre du jour et tâchez de vous y tenir. Associez-y des horaires. N’hésitez pas à accrocher une pendule au mur, bien en évidence.
Voilà, tout est prêt. Le jeu peut commencer, il ne vous reste plus qu’à conduire la négociation…
Philippe GUIHENEUC
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