Interview

Gilles Lecointre, expert en cession d’entreprises

Gilles Lecointre, PDG d’ICF et d’Intercessio, a écrit plusieurs livres sur la cession d’entreprises. Il a également mis au point un modèle d’évaluation pour les PME.

Gilles Lecointre, expert en cession d’entreprises

Présentez nous le parcours qui vous a conduit à vous spécialiser dans la transmission d’entreprise.

Gilles Lecointre : J’ai débuté par un poste de chercheur au CNRS, où j’ai consacré ma thèse aux entreprises familiales. Je suis ensuite parti dans le privé, à divers postes dans l’industrie et la finance, avant d’entrer dans un groupe d’édition juridique, où je suis aujourd’hui. J’y dirige deux sociétés. La première, l’Indicateur des commerces de France, édite des publications spécialisées dans la vente de commerces. J’ai développé l’activité à l’étranger puis l’ai étendue à la franchise. La deuxième société est Intercessio, spécialisée dans la cession d’entreprises. Elle édite le magazine Repreneur, et gère un cabinet d’intermédiation.

Vous êtes aussi auteur de livres sur la transmission …

Oui. J’ai publié « Transmission d’entreprise en pratique », qui en est à sa quatrième édition, ainsi que « J’évalue mon entreprise », qui présente une méthode d’évaluation des sociétés associant des paramètres financiers, mais la valeur immatérielle. Ce modèle est disponible gratuitement sur intercessio.net et, bientôt, sur NetPME.fr. Je dirige enfin une collection, « Etre patron aujourd’hui », qui publie des ouvrages sur les différentes fonctions que doit exercer un patron de PME.

D’après votre expérience, que pourriez vous dire de la transmission d’entreprise ?

On entend souvent que vendre une entreprise, c’est une opération normale de gestion. Pour moi, c’est tout le contraire ! Car la transmission, dans la réalité, c’est la confrontation de deux angoisses. Celle du cédant, qui doit abandonner une activité qui l’a occupé toute sa vie, renoncer à son statut social, pour redevenir du jour au lendemain un anonyme. C’est un passage difficile, que les cédants, la plupart du temps, n’anticipent ni ne préparent… Ce qui peut les conduire à renoncer à la vente au dernier moment, quand ils prennent réellement conscience de ce qu’ils perdent. De l’autre côté, il y a l’angoisse du repreneur, qui quitte souvent le salariat pour se retrouver patron de personnes qu’il ne connaît pas, qui n’a que très peu de temps et de moyens pour évaluer une entreprise dans laquelle il s’apprête à investir tous ses fonds propres… Quand ces deux problématiques s’affrontent, il est impératif de maintenir la confiance entre le cédant et le repreneur tout au long du processus pour conclure l’affaire.

Quels conseils pourriez vous donner, d’abord au vendeur ?

C’est de commencer par préparer la cession dans sa tête. Il doit réfléchir aux motivations qui le poussent à vendre. Si c’est juste par réaction, parce qu’il a perdu un contrat, c’est dangereux. Il risque de se rétracter au dernier moment. Cela arrive souvent !
S’il a de vraies motivations pour vendre (envie de passer la main, conscience que son entreprise a besoin de sang neuf…), il doit préparer sa société à la cession, et ne pas attendre qu’elle soit dans un état critique pour le faire.
Il doit enfin fixer un prix de vente raisonnable, c’est-à-dire raisonné, et donc argumenté. S’il n’est pas capable d’argumenter son prix, c’est que celui-ci n’est pas recevable. Le cédant doit être prêt à raisonner sur un prix de marché.

Et vos conseils au repreneur ?

D’abord, c’est de faire son autodiagnostic pour savoir s’il est vraiment prêt à devenir chef d’entreprise. A-t-il pensé à l’isolement qui sera le sien, à la pression énorme qu’il devra affronter ? Croit-il avoir une capacité suffisante pour rebondir après des échecs qu’il risque de connaître ?
Je lui suggérerais ensuite de se former sur ce qu’est vraiment une PME, comment on la gère et comment on négocie son prix. Les clubs de repreneurs proposent de telles formations, de même que les CCI ou certaines écoles de commerce, telles que l’Essec au sein de l’Institut de la transmission d’entreprises.

Quels sont les points les plus délicats dans une négociation entre cédant et repreneur ?

C’est déjà un processus long (au moins six mois), anxiogène, dans lequel il y a une asymétrie entre l’info dont dispose le cédant (qui ne dit pas tout) et celle que reçoit le repreneur ! Comme la situation est tendue de part et d’autre, la moindre anicroche risque de détruire la confiance indispensable pour réaliser la cession. Pour maintenir la confiance, il ne faut jamais mentir, car la vérité finit toujours par émerger dans la durée. En revanche, on n’est pas obligé de tout dévoiler : le cédant, par exemple, n’a pas intérêt à ouvrir tous ses comptes tant que la négociation n’est pas assez avancée, et le repreneur n’a pas besoin de dévoiler le détail de son plan de développement.

Propos recueillis par Marie-Pierre Noguès Ledru

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