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Bail commercial : le décret d'application loi Pinel est paru.

Le décret d'application de la loi Pinel précise finalement la date du congé donné par lettre recommandée avec accusé de réception et donne la répartition des charges entre bailleurs et locataires en matière de taxes, impôts et travaux.

Bail commercial : le décret d'application loi Pinel est paru.

Alors qu’il se trouve dans les tiroirs du gouvernement déjà depuis plusieurs semaines, le décret relatif au bail commercial, tendant à l’amélioration des relations entre bailleurs et locataires est enfin paru au Journal Officiel du 5 novembre (D. n° 2014-1317, 3 nov. 2014 : JO, 5 nov.).

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Le texte, pris en application de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (dite loi « Pinel »), modifie les dispositions réglementaires du code de commerce relatives au bail commercial sur deux points particulièrement attendus (C. com., art. L. 145-1 et s.) :

  • la date du congé donné par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;
  • la liste des charges, travaux, impôts, taxes et redevances relatifs aux parties privatives et communes qui ne peuvent pas être mis à la charge du locataire.

Assouplissement du formalisme encadrant le congé

La possibilité de donner congé par LRAR

La loi du 18 juin 2014 a assoupli les règles de forme du congé, en ouvrant aux parties la possibilité de donner congé soit par acte extrajudiciaire, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR). Bien que ce nouveau formalisme soit applicable aux congés délivrés depuis le 20 juin 2014, en l’absence de décret un doute subsistait quant à la date à retenir pour le congé donné par LRAR.

Sur ce point, le décret complète la section de la partie réglementaire du code de commerce consacrée au renouvellement du bail commercial et précise que lorsque le congé est donné par LRAR, la date du congé est celle de la première présentation de la lettre (C. com., art. R. 145-1-1). Cette disposition est applicable aux contrats en cours au 5 novembre 2014.

Remarque : on peut s’interroger sur l’intérêt, ou plutôt le risque, de recourir à la lettre recommandée avec demande d’accusé de réception pour donner congé d’un bail commercial. Le congé, pour être valable, doit respecter des conditions de délais ainsi que de contenu et seul l’acte extrajudiciaire peut véritablement sécuriser ce type de document. Il faut donc rester particulièrement vigilant sur la forme et le fond de l’acte. Le risque va probablement peser sur les petits commerçants, plus fragiles économiquement, qui auront recours à la LRAR afin d’éviter les frais d’huissier. Si les formalités ne sont pas respectées, un nouveau bail pourrait repartir.

Toujours pas de demande de renouvellement

Le décret ne modifiant pas les dispositions de l’article L. 145-10 du code de commerce, la demande de renouvellement du preneur et la réponse du bailleur à cette demande continuent, elles, d’être soumises au formalisme de l’acte extrajudiciaire.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 145-10, la demande en renouvellement (adressée soit dans les 6 mois qui précèdent l’expiration du bail, soit à tout moment au cours de sa prolongation) est signifiée au bailleur par acte extrajudiciaire. Elle doit, à peine de nullité, reproduire la mention suivante : « Dans les 3 mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ». Comme la demande de renouvellement de bail, la décision de refuser ce renouvellement doit se faire par acte extrajudiciaire et indiquer, à peine de nullité, que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de 2 ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.

Répartition des charges entre bailleur et locataire

Les charges non imputables au locataire

Le décret dresse la liste des charges, travaux, impôts, taxes et redevances, relatifs aux parties privatives et communes, qui ne peuvent être mis à la charge du locataire. Jusqu’à présent, ces questions étaient entièrement laissées à la liberté contractuelle, le régime des baux commerciaux ne comportant aucune disposition en matière d’état des lieux et de répartition des charges locatives entre bailleur et locataire. Le texte met ainsi fin à la pratique des baux dits « investisseurs » ou « triple net » mettant sur le preneur la quasi-totalité des charges.

La fin du bail « triple net »

Une nouvelle section apparaît dans le code de commerce, consacrée aux « charges locatives, impôts, taxes, redevances et travaux ». Sont concernés (C. com., art. R. 145-35) :

  • les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;
  • les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations ;

Remarque : pour ces deux catégories de dépenses, ne sont pas comprises celles se rapportant à des travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique.

  • les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;
  • les honoraires du bailleur liées à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ;
  • dans un ensemble immobilier (typiquement, un centre commercial), les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.

L’impossible transfert de la charge des gros travaux vers le locataire

Concernant plus particulièrement ce point, la jurisprudence a déjà très favorablement évolué en faveur du locataire, en s’appuyant sur l’obligation de délivrance qui figure à l’article 1719 du code civil. Il en résulte que le bailleur ne peut, par une clause particulière du bail :

  • s’exonérer de l’obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble (Cass. 3e civ., 9 juill. 2008, n° 07-14.631) ;
  • s’exonérer des vices cachés ou apparents, défauts ou malfaçons empêchant l’usage de la chose louée conformément à la destination prévue au bail (Cass. 3e civ., 18 mars 2009, n°08-11.011).

    Ainsi, la clause selon laquelle le preneur prend les lieux dans l’état où ils se trouvent, ne décharge par le bailleur de son obligation de délivrance, notamment au titre de l’installation électrique (Cass. 3e civ., 20 janv. 2009, n° 07-20.854).

    Remarque : les termes encore utilisés aujourd’hui, pour décrire les travaux restant à la charge du locataire, figurant à l’article 1754 du code civil, n’arrangent rien à la clarté nécessaire dont il faudrait faire preuve dans ce domaine afin d’éviter les contentieux (âtres, contre-coeurs, chambranles, recrépiment du bas des murailles…).

Une pondération reste possible

Le décret prévoit que la possibilité de pondérer, conventionnellement, la répartition entre les locataires :

    • des charges,
    • des impôts,
    • des taxes et redevances ;
    • du coût des travaux relatifs à l’ensemble immobilier.

    Dans ce cas, ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires (C. com., art. R. 145-35).

L’état récapitulatif annuel

Le contrat de bail comporte donc, désormais, un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne, lui même, lieu à un état récapitulatif annuel. Ce document doit inclure la liquidation et la régularisation des comptes de charges. Il doit être communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans un délai de 3 mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l’exercice annuel.

Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci (C. com., art. R. 145-36).

Enfin, lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les 3 ans, le bailleur communique à chaque locataire :

  • un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d’un budget prévisionnel ;
  • un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisé dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Ces informations sont communiquées au locataire dans le délai de 2 mois à compter de chaque échéance triennale. A la demande du locataire, le bailleur lui communique tout document justifiant le montant de ces travaux (C. com., art. R. 145-37).

Entrée en vigueur

Ces nouvelles dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés depuis le 5 novembre 2014.

 

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