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Bientôt une formation commune aux conseillers prud'homaux salariés et employeurs?

Le président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Alain Lacabarats, a remis hier à la ministre de la justice, Christiane Taubira, son rapport sur l'avenir des juridictions de travail. Sans toucher au paritarisme, il propose de modifier la procédure et la formation des conseillers prud'homaux.

Bientôt une formation commune aux conseillers prud'homaux salariés et employeurs?

Le constat est accablant : une procédure d’appel dans 60% des cas (contre 10 à 15% en moyenne), un départage dans 20% des cas (qui rallonge considérablement la procédure), la France condamnée – pour la seule année 2013 – 51 fois en raison de la longueur des procédures (soit un coût de 1 855 311 €),… Plusieurs raisons expliquent cet état de fait, auxquelles le président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Alain Lacabarats, propose de remédier par une réforme longue mais ambitieuse de la juridiction prud’homale. « Il ne s’agit pas de démonter la juridiction prud’homale, mais de lui donner les moyens de mieux fonctionner », a très bien résumé Laurence Pecaut-Rivolier, auditionnée pour l’élaboration de ce rapport en tant que conseiller référendaire à la Cour de cassation. 

Les prud’hommes doivent devenir des tribunaux comme les autres 

« Les conseils de prud’hommes ont un problème d’identité », constate en premier lieu Alain Lacabarats, qui juge impératif que ces juridictions ressemblent davantage aux autres. « Les conseillers prud’hommes doivent se considérer comme des juges et non comme les mandataires des organisations qui les ont nommé ». Il suggère une mesure « symbolique », celle de renommer les conseils de prud’hommes en « tribunaux » de prud’hommes, et de les intégrer pleinement dans le code de l’organisation judiciaire et dans le code de procédure civile.
Le rapprochement avec les autres magistrats se traduirait également par des obligations déontologiques analogues et par une procédure disciplinaire comparable.
En revanche, pas question de toucher au paritarisme. Non pas par choix idéologique mais parce que ce n’était pas dans sa lettre de mission et parce que « les partenaires sociaux sont viscéralement attachés ».

Une formation minimale commune aux conseillers salariés et employeurs

La justice prud’homale souffre également d’un déficit de formation et de connaissances des conseillers prud’homaux. Le rapport propose d’agir sur deux plans. En premier lieu, permettre aux conseillers prud’homaux d’accéder à l’ensemble des décisions de justice de l’intranet du ministère de la justice, ce qui favoriserait une meilleure connaissance des jurisprudences existantes, source « d’unification du droit ». Il s’agirait ensuite d’améliorer la formation des conseillers prud’homaux car le rapport déplore qu’aujourd’hui les conseillers salariés et employeurs n’aient pas une formation commune, L’idée serait alors de créer un socle commun – une formation initiale de 15 jours obligatoire – qui serait dispensée par l’École nationale de la magistrature (ENM) et l’École nationale des greffes (ENG) et une formation continue – une semaine par an – dispensée par les cours d’appel. Il ne s’agit pas de retirer aux organisations syndicales – notamment – la possibilité de former les conseillers prud’hommes mais, au moins, d’assurer une formation minimale commune qui échappe à des enseignements parfois « orientés », comme le note le rapport. 

Créer une procédure de mise en l’état

L’autre volet important d’une éventuelle réforme est celui de la procédure. Le rapport suggère d’instaurer une véritable procédure de mise en l’état afin de pallier les carences que génère une procédure orale. « Nous vivons sous le dogme de la procédure orale qui est dépassée », estime le magistrat.  Il s’agirait alors d’organiser l’échange de pièces et d’écritures sous une forme plus contraignante que celle qui existe aujourd’hui : fixer un calendrier de procédure et en assurer le respect, mais également exiger du défendeur qu’il dépose au greffe les pièces dont il dispose dans un délai précis.
Une autre proposition est de rendre obligatoire en appel la représentation des parties (avec une exception toutefois pour les défenseurs syndicaux qui – eux – bénéficieraient alors d’un statut spécial) et d’instaurer une procédure écrite.

Simplifier les procédures pour clarifier les décisions

Dans certains cas, modifier la procédure c’est aussi rendre le fond plus limpide. Ainsi, sept juges peuvent intervenir dans le contentieux lié au droit du travail, a compté le rapporteur. Et parmi eux, des juges qui interviennent ponctuellement et qui ne sont pas spécialisés. Le rapport suggère ainsi de réunir entre les mains d’un juge spécialisé tous les contentieux généralistes de droit du travail, de créer en quelque sorte des « pôles de compétences ». Ainsi, par exmple, au sein des TGI, il pourrait être envisagé de confier à un vice-président l’ensemble du contentieux du travail.
Autre source de confusion : les contentieux qui sont à cheval sur les juridictions judiciaires et administratives. La répartition des compétences pourrait être revue et une question préjudicielle entre les deux ordres instituée.
Dans une optique d’unification, le rapport propose également de permettre le regroupement des dossiers qui posent des questions similaires ou bien encore d’instaurer une procédure d’avis à la chambre sociale de la Cour de cassation pour l’interprétation des conventions collectives. Pourraient également être regroupés les contentieux qui naissent d’un acte unique (en cas de PSE, seul le conseil de prud’hommes du siège serait compétent).

Revoir la carte judiciaire et réduire le nombre de conseillers prud’homaux

Enfin, il faut aller plus loin que la précédente réforme de la carte judiciaire de 2008, estime Alain Lacabarats. « Nous avons supprimé des conseils de prud’hommes mais maintenu le nombre de conseillers. Dans certains conseils, certains conseillers ne siègent qu’une ou deux fois par an », constate-t-il. Il propose ainsi de revoir la carte de la juridiction prud’homale sur la base des bassins de population et d’emploi

Un rapport à l’avenir incertain

Reste à savoir ce que deviendra ce nouveau rapport qui s’ajoute à tous ceux qui ont déjà proposé de réformer la juridiction prud’homale. La ministre de la justice estime que certaines mesures « peuvent aller vite » mais n’a pas caché que d’autres, plus sensibles, « prendront du temps et demanderont du doigté ».

Réforme du mode de désignation des conseillers prud’homaux
Le ministre du travail planche également sur les prud’hommes, plus précisément sur le mode de désignation des conseillers prud’homaux. Il a présenté hier en Conseil des ministres la lettre rectificative au projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud’hommes. La version initiale du projet de loi prévoyait un dispositif transitoire pour la période allant de 2015 à 2017. Mais compte tenu de l’instauration, par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, d’une mesure de la représentativité patronale qui sera effective en 2017, il est proposé de retenir un système transitoire plus simple, consistant à proroger le mandat actuel des conseillers de prud’hommes de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2017. Le nouveau système de désignation des conseillers prud’hommes sera alors entièrement fondé sur la représentativité des organisations, y compris du côté patronal. Le nouveau texte sera déposé au Parlement pour un examen dans le cadre de la procédure accélérée

 

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