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Cancer au travail : quel accompagnement pour l’entreprise ?

Lors d’une table-ronde organisée le 21 juin par l’ANDRH, l’assureur Bessé protection sociale & avantages et la plateforme d’informations CancerConsult, les experts ont dressé quelques pistes pour avancer sur ce sujet sociétal encore très tâtonnant dans le monde du travail.

Cancer au travail : quel accompagnement pour l’entreprise ?
Les entreprises ont tout intérêt, pour des raisons aussi bien économiques que citoyennes, à prendre à bras-le-corps ces questions. © Getty Images

160 000 personnes atteintes d’un cancer ont une activité professionnelle au moment du diagnostic. Comment l’entreprise peut-elle gérer ce type de situation ? Quel rôle lui est dévolu ? Quels sont les outils à la disposition des RH ? C’est ce qu’ont tenté de décrypter le 21 juin, l’ANDRH, l’assureur Bessé protection sociale & avantages et la plateforme d’informations CancerConsult, lors d’une table-ronde consacrée au cancer au travail.

L’enjeu est d’importance pour les entreprises : cinq ans après l’annonce de la maladie, seuls 54,5 % ont gardé le même emploi, selon une étude de l’Institut national du cancer. 17,4 % ont changé de job ; 7,5 % sont en invalidité ; 7,5 % sont au chômage et 1,7 % sont en inactivité (autre que la retraite). Preuve s’il en fallait que la maladie déroute et constitue une expérience traumatisante pour le salarié qui bouscule les repères d’avant.

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Les RH, des interlocuteurs privilégiés

Quelles sont les marges de manœuvre des entreprises ? Aux côtés des médecins du travail, des psychologues et des associations spécialisées, les DRH sont les interlocuteurs privilégiés des salariés atteints du cancer. Car cette maladie n’est pas sans impact sur la vie de l’entreprise. Les absences peuvent générer dysfonctionnements au sein des équipes. Mais aussi un vif sentiment d’inquiétude vis-à-vis du collègue touché par la maladie.

Les entreprises ont tout intérêt, pour des raisons aussi bien économiques que citoyennes, à prendre à bras-le-corps ces questions.

Prévention et dépistage

L’une des priorités est de mettre en place des mesures de prévention. C’est ce que préconise le professeur Stéphane Oudard, chef de service de cancérologie médicale de l’hôpital européen Georges Pompidou, à Paris. Parmi les actions, la formation est un des leviers, qu’il s’agisse de campagnes de sensibilisation sur les facteurs de risque, d’ateliers avec des professionnels de santé ou de la participation à des manifestations dédiées (Octobre rose, mois sans tabac, événements solidaires, défis sportifs…). Les entreprises peuvent également nouer des partenariats avec les associations spécialisées dans le suivi médical, l’écoute, le soutien psychologique, à même de prendre en charge les salariés atteints de cancer. Elles peuvent aussi organiser des dépistages, en accueillant des équipes médicales.

Au sein du groupe Afnor le pli est déjà pris. « Nous organisons régulièrement des conférences sur comment manger équilibré, le sommeil, l’activité physique et sportive, indique Laurence Breton-Kueny, DRH du groupe et vice-présidente de l’ANDRH. Il s’agit ici de prévention primaire, indispensable à mettre en œuvre dans le cadre d’une politique de santé qualité de vie au travail ».

Accompagnement

Une fois le diagnostic établi, les salariés peuvent continuer à travailler. Le médecin du travail peut également proposer des aménagements de poste, du télétravail.

« Depuis 2019, les médecins traitants ont également la possibilité de prescrire un mi-temps thérapeutique sans qu’il soit précédé d’un arrêt de travail. C’est une avancée incroyable, se félicite Laurence Breton-Kueny. Aujourd’hui, on peut accompagner la personne dès le premier jour ».

Mais dans la plupart des cas, les personnes prennent un arrêt maladie pour suivre leur traitement sereinement. « Tout l’enjeu pour le DRH est ici de mettre en confiance le salarié, de rassurer la personne sur le maintien de son poste, de l’adapter si nécessaire ou d’étudier d’autres possibilités », assure le docteur Estelle Guerdoux, psychothérapeute cognitivo-comportementale au sein de l’Institut régional du cancer à Montpellier. Cette spécialiste conseille également de garder le lien pendant les absences pour « éviter l’isolement ».

Certes, le retour au travail est une préoccupation qui passe au second plan face à l’urgence vitale. Mais le DRH ne doit pas négliger cette étape : « le dialogue avec le médecin du travail qui lui-même peut être en relation avec le corps médical et la personne est important. C’est un travail en commun à réaliser. Et c’est de cette discussion que découle les bonnes conditions de retour en emploi », poursuit Laurence Breton-Kueny.

A noter : « la loi santé au travail du 2 août 2021, entrée en vigueur le 1er avril 2022, a modifié la visite de pré-reprise qui peut se faire dès 30 jours d’arrêt donnantr la possibilité au salarié victime d’un cancer de rencontrer le médecin du travail avant la date officielle de son retour sans en informer la direction », précise Laurence Breton-Kueny.

Rendez-vous de liaison

Autre dispositif : les DRH peuvent s’appuyer sur le rendez-vous de liaison, une mesure introduite par la loi santé au travail pour préparer au mieux le retour du salarié dans son collectif de travail (ou son éventuel reclassement). Ce rendez-vous s’adresse au salarié en arrêt de travail de plus de 30 jours (continu ou discontinu). Il est organisé à l’initiative de l’employeur ou du salarié en présentiel ou en distanciel.

Objectif ? Maintenir un lien entre le salarié et son employeur durant l’arrêt de travail afin de l’informer qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’une visite de pré reprise et de mesures d’aménagement du poste et/ou du temps de travail à sa reprise.

Service de santé au travail et garanties prévoyance

Ces initiatives sont utiles. Néanmoins pour être pleinement efficaces, elles ne doivent écarter deux autres leviers. Primo, « disposer d’un médecin du travail pour réaliser la visite de pré-reprise et la visite de reprise, observe Laurence Breton-Kueny. Car il existe des inégalités territoriales et selon les organisations, toutes n’ont pas la chance de disposer de médecins du travail via un service de prévention et de santé au travail ».

Secundo, « en matière de prévoyance, tous les salariés ne disposent pas de la même couverture en cas d’arrêt maladie ». Certains ont droit aux dispositions minimales de leur convention collective ou de leur statut quant d’autres bénéficient d’accords de prévoyance beaucoup plus généreux.

Or, « comment guérir lorsque vous avez des difficultés financières ? », s’interroge Laurence Breton-Kueny qui précise qu’au sein du groupe Afnor, le maintien du salaire net à 100 % a lieu pendant deux ans puis passe à 75 % au-delà.

Lire aussi L’employeur doit s’assurer que la charge de travail du salarié n’est pas excessive et ne porte pas atteinte à sa santé

Anne Bariet

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