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Compte pénibilité : des branches demandent son report
Le futur compte pénibilité n'est pas du goût de certaines branches professionnelles qui en redoutent le coût et l'extrême complexité administrative. C'est le cas notamment des secteurs de la plasturgie et du bâtiment qui demandent aujourd'hui un report de la mesure. Et avancent des propositions alternatives pour alléger le dispositif.
Les entreprises doivent se préparer à mettre en place le compte pénibilité à partir du 1er janvier 2015 (voir notre guide employeur sur le compte pénibilité à télécharger en PDF). Certaines branches, loin de se mettre en ordre de marche, lancent plutôt l’offensive pour obtenir des assouplissements. Parmi les fédérations professionnelles qui sont montées au créneau ces dernières semaines : le bâtiment et la plasturgie.
Une fiche pénibilité inadaptée
Elles mettent en avant leurs particularités, qui rendent l’exercice de la fiche pénibilité très périlleux. « Nous sommes dans des métiers où l’environnement de nos salariés est nouveau quasiment chaque jour ; il est très difficile d’arriver à suivre leur exposition à la pénibilité, estime Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Cette grande variété de postes et d’univers représente un coût phénoménal si nous voulons faire les choses correctement ».
C’est aussi l’argumentation de Mathieu Dufour, directeur des affaires sociales de la fédération de la plasturgie. « Dans notre secteur, nous sommes dans des situations de contraintes subies. Il y a nécessairement de la pénibilité dans une usine. Les facteurs de pénibilité sont inhérents à nos métiers. Or, nous avons un nombre important de salariés en production ; 60% sont des ouvriers. Nous devons faire tourner nos machines 24 heures sur 24 pour les amortir ». D’après lui, ce sont 70 à 85% des salariés de la branche qui sont concernés. « Par ailleurs, nous ne pouvons nécessairement prévoir des équipements individuels ou collectifs comme pour le travail de nuit par exemple ».
Résultat : « Il faut quasiment embaucher une personne pour assurer ce suivi », déplore Didier Ridoret, qui se dit préoccupé par « le coût du suivi de la fiche corrélé à l’établissement de la fiche », sans compter les risques de contestations ultérieures des fiches par les salariés.
Plus qu’une simplification, les fédérations espèrent leur suppression pure et simple.
Déduire les dépenses liées à la pénibilité de la nouvelle cotisation
Ce qui agace particulièrement les responsables des deux fédérations c’est le sentiment que tout ce qu’ils ont pu faire jusqu’à présent en matière de pénibilité n’est pas pris en compte. « Dans le BTP nous versons déjà 0,11 % à l’OPPBTP pour améliorer la prévention dans le bâtiment », tient à souligner Didier Ridoret.
« Nous tenons nécessairement compte de la pénibilité depuis toujours, renchérit Mathieu Dufour. « Nous menons des politiques en matière de pénibilité que ce soit en terme de prévention (par exemple par l’achat de machines plus silencieuses ou émettant moins de chaleur), de réparation (temps de pause ou jours de repos supplémentaires) ou de contreparties financières (majorations, primes,…) ». Pour lui, les mesures sur la pénibilité issues de la loi du 21 janvier 2014 sont une manière de balayer ces efforts d’un revers de main. « On ne tient pas compte de tout cela et on nous impose une cotisation qui peut aller jusqu’à 1,8% sans déduire les efforts financiers réalisés, ni nous offrir la possibilité de déduire certaines dépenses. Ce que nous demandons, c’est la prise en compte de dépenses libératoires : celles réalisées en matière de formation portant sur la prévention de la pénibilité, celles portant sur les contreparties (réparation et compensations financières) et toutes les autres mesures de prévention adoptées ».
Pour financer la pénibilité, une nouvelle cotisation sera due par tous les employeurs. Elle sera fixée par décret, en principe dans la limite de 0,2 %. Une cotisation additionnelle sera due par les employeurs ayant un ou plusieurs salariés exposé à la pénibilité. Elle devrait être comprise entre 0,3 et 0,8 %. Un taux additionnel pourra également être appliqué au titre des salariés ayant été exposés simultanément à plusieurs facteurs de pénibilité (compris entre 0,6 et 1,6 %). |
Un report des mesures envisagées
Mais avant d’étudier ces alternatives, il est impératif pour ces branches d’obtenir un report de la date d’entrée en vigueur de ces mesures. « C’est nécessaire vu la complexité du sujet », insiste Didier Ridoret. La fédération de la plasturgie demande, elle, un report de deux ans. « Un an pour prendre le temps de faire une réelle étude d’impact et analyser si cela mettrait en péril certains secteurs. Et un an pour laisser aux entreprises le temps de renégocier les dispositifs de pénibilité, celles qui ont déjà conclu un accord sur la pénibilité et avaient fixé leurs propres seuils de pénibilité », explique Mathieu Dufour.
Les fiches pénibilités sont obligatoires dès l’instant que les salariés sont exposés à l’un des facteurs de risques listés par le décret du 30 mars 2011 (postures pénibles, manutention manuelle de charges, agents chimiques dangereux, travail de nuit,…) et que ces risques sont susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé. Mais, alors que c’était à l’entreprise elle-même d’identifier les postes au sein desquels les salariés sont exposés à des facteurs de pénibilité dans le cadre de la législation de 2010, la loi du 21 janvier 2014 prévoit que les seuils déclenchant l’obligation d’établir une fiche pénibilité seront fixés par décret. |
La crainte de la démultiplication des contentieux
Les responsables de ces fédérations expriment d’autres craintes et pointent le risque d’ouvrir « la boite de Pandore de la pénibilité » : exacerbation des contentieux, surtout ceux portant sur la faute inexcusable et le préjudice d’anxiété, contentieux sur la fiche pénibilité elle-même. Ils craignent même que certains salariés refusent de travailler sur des postes moins pénibles afin de pouvoir partir à la retraite plus tôt.
Les deux fédérations ont été auditionnées par Michel de Virville, chargé par le gouvernement de rendre un rapport sur le sujet, mais leurs représentants restent pour l’heure très prudents sur les effets que pourraient produire leurs actions auprès des pouvoirs publics.
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