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Covid-19 : l’auto-entreprenariat a dynamisé les créations d'entreprises

Contre toute attente, la première année de crise sanitaire liée à la Covid-19 a donné lieu à une forte croissance des créations d’entreprises. Entre avril 2020 et mars 2021, l’Urssaf a enregistré près de 790 000 immatriculations, soit 10,4 % de plus que sur les 12 mois précédents. Portée par les auto-entrepreneurs, cette hausse est notamment liée à la nécessaire adaptation de certains secteurs aux confinements et mesures de fermeture, via le recours au numérique et à la vente à distance.

Covid-19 : l’auto-entreprenariat a dynamisé les créations d'entreprises
En février 2022, les immatriculations de micro-entrepreneurs reculent fortement (–7,3 % après +4,1 %), tandis que les créations d’entreprises classiques diminuent légèrement (–0,4 % après +0,1 %), précise l'Insee. © Getty Images

Début 2021, l’Insee publiait un bilan des créations d’entreprises en 2020 faisant état d’« un nouveau record […] malgré la crise sanitaire ». Cette situation s’est prolongée en 2021. Ainsi, entre le 1er trimestre 2020 et le 1er trimestre 2021, plus de 912 000 entreprises ont été créées, contre 809 100 sur l’année écoulée précédemment. Le dynamisme des créations d’entreprises est confirmé par l’analyse des données d’immatriculations des travailleurs indépendants auprès des Urssaf, dont l’étude Stat’ur n° 341 de mars 2022 restitue les principaux résultats.

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À noter, cette analyse s’appuie sur la comparaison des immatriculations enregistrées durant la première année de crise, d’avril 2020 à mars 2021, avec celles enregistrées sur les 12 mois précédents, d’avril 2019 à mars 2020.

Une augmentation des créations d’entreprises portée par les auto-entrepreneurs

L’augmentation des créations d’entreprises est portée par les auto-entrepreneurs, qui représentent 84 % des nouveaux immatriculés entre avril 2020 et mars 2021, contre 80 % sur la période antérieure. Les immatriculations des auto-entrepreneurs sur la période d’étude augmentent ainsi de 15,2 % sur un an, tandis que celles des travailleurs indépendants dits « classiques » diminuent fortement de 9,2 %.

Pendant le premier confinement des mois d’avril et mai 2020, près de 70 000 créations d’entreprises ont été enregistrées contre 115 700 sur la même période l’année précédente. Cette tendance s’est inversée à partir de juin 2020, où les immatriculations ont été chaque mois plus élevées, à l’exception du mois de décembre 2020 compte tenu du deuxième confinement sanitaire.

La répartition par groupe professionnel a peu évolué avec la crise

Deux tiers des nouveaux immatriculés sur la période avril 2020-mars 2021 sont des artisans ou des commerçants (68 % parmi les auto-entrepreneurs et 58 % parmi les travailleurs indépendants « classiques ») et un tiers sont en profession libérale (32 % des auto-entrepreneurs et 42 % des travailleurs indépendants « classiques »).

Les travailleurs indépendants immatriculés entre avril 2020 et mars 2021 sont en majorité des hommes (62 % : 58 % pour les travailleurs indépendants « classiques » et 63 % pour les auto-entrepreneurs).

Les travailleurs indépendants qui ont débuté leur activité entre avril 2020 et mars 2021 sont en moyenne plus jeunes que ceux qui l’ont débutée avant la crise et ce, quel que soit le statut (6 mois plus jeunes pour les travailleurs indépendants « classiques » et près d’un an et demi de moins pour les auto-entrepreneurs).

La moitié des travailleurs indépendants immatriculés auprès des Urssaf entre avril 2020 et mars 2021 ont moins de 32 ans.

La moitié des travailleurs indépendants immatriculés auprès des Urssaf entre avril 2020 et mars 2021 ont moins de 32 ans. 44 % des immatriculations pendant la même période concernent des cotisants travailleurs indépendants de moins de 30 ans (46 % d’auto-entrepreneurs et 34 % de travailleurs indépendants « classiques »), 28 % concernent des cotisants âgés de 30 à 39 ans (27 % des auto-entrepreneurs et 33 % des travailleurs indépendants « classiques »), 16 % de 40 à 49 ans. 12 % des nouveaux immatriculés travailleurs indépendants sont âgés de 50 ou plus. 

La moyenne d’âge est particulièrement faible chez les auto-entrepreneurs exerçant dans les activités de poste et de courrier (27,3 ans), le commerce de détail non spécialisé (30,9 ans) et les activités spécialisées de design, graphisme et d’infographie (31,1 ans).

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L’impact du chômage partiel sur les créations d’entreprises

Comme avant la crise sanitaire, un créateur indépendant sur deux était salarié durant la première année de Covid-19. Comme pour l’ensemble des salariés, de nombreux créateurs travailleurs indépendants qui avaient par ailleurs un contrat salarié ont bénéficié du dispositif de chômage partiel pendant la crise.

Ainsi 38 % des nouveaux travailleurs indépendants avec un contrat salarié au moment de la création de leur entreprise étaient en chômage partiel, soit proportionnellement plus que l’ensemble des salariés. Dans la majorité des secteurs d’activité, la part des salariés en chômage partiel parmi les nouveaux travailleurs indépendants en contrat salarié se situait au-dessus de 30 %, exceptés dans les secteurs du médical et du paramédical et celui des activités juridiques.

38 % des nouveaux travailleurs indépendants avec un contrat salarié au moment de la création de leur entreprise étaient en chômage partiel, soit proportionnellement plus que l’ensemble des salariés.

Néanmoins, le fort recours au chômage partiel pendant la crise ne semble pas être corrélé avec l’augmentation des créations d’entreprise.  Ainsi, le nombre de créations d’entreprises de travailleurs indépendants cumulant une activité salariée a peu évolué pendant la première année de crise (52 % contre 51 % l’année précédente).

La comparaison entre l’évolution du nombre de nouveaux travailleurs indépendants par secteur et le taux de recours au chômage partiel par secteur ne permet pas d’établir un lien significatif entre le chômage partiel et la création d’entreprise. Alors que le secteur de la restauration et celui du commerce de détail non alimentaire ont recouru fortement au chômage partiel (respectivement 67 % et 65 %), le premier a enregistré une hausse de 16 % des immatriculations tandis que le second a connu une chute de 21 %. 

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Un chiffre d’affaires moyen en baisse de 12,8 % en raison de la crise sanitaire

Parmi les auto-entrepreneurs, le nombre de créateurs dits « économiquement actifs », c’est-à-dire ayant déclaré un chiffre d’affaires positif sur la période d’étude (avril 2020-mars 2021), s’établit à près de 292 000, soit 6,5 % de plus que sur les 12 mois précédents. Les auto-entrepreneurs économiquement actifs représentent ainsi 44 % des nouvelles immatriculations d’auto-entrepreneurs, soit une proportion comparable à celle observée sur la période précédente (48 %).

Leur chiffre d’affaires moyen connaît toutefois une nette diminution (- 12,8 %), passant de 6 468 € sur la période précédant la crise sanitaire à 5 637 € sur la période de crise. Cette baisse est particulièrement marquée dans les secteurs de la restauration et débits de boissons (- 40%), des taxis et VTC (- 38 %), et du transport routier de fret et déménagement (- 22 %).

Néanmoins, dans d’autres secteurs, les auto-entrepreneurs immatriculés entre avril 2020 et mars 2021 ont vu leur chiffre d’affaires moyen augmenter. C’est notamment le cas du secteur de l’action sociale (y compris aide à domicile), dont le chiffre d’affaires moyen augmente de 11 %, du secteur des autres activités de transports et entreposage (+ 10 %) et du secteur du commerce de détail sur marchés non classé ailleurs dans lequel le chiffre d’affaires moyen augmente de 8 %.

Une baisse de chiffre d’affaires inégale

Comme l’indique L’union indépendants, dans son étude sur l’impact de la Covid-19 sur l’activité des travailleurs indépendants menée conjointement avec Odoxa en février 2021 auprès de 2 119 indépendants : « leur chiffre d’affaires a en effet diminué de 17 %, avec pour conséquence directe une baisse de leur rémunération. Passant de 16 390 € en 2019 à 12 849 € en 2020, leurs revenus nets imposables ont diminué en moyenne de 22 %. Ils sont aujourd’hui 60 % à déclarer ne pas vivre convenablement de leur activité, tous statuts confondus. »

Toutefois, « les travailleurs indépendants sont inégalement touchés selon leur secteur d’activité. Si la perte de revenu est grande, elle cache une hétérogénéité selon les activités et l’application des mesures sanitaires ». Ainsi, « si les prestataires de service, professionnels de la restauration et de l’hôtellerie ont perdu plus de 20 % de leurs revenus, la rémunération des professions agricoles, indépendants de l’industrie et du BTP est restée quasiment stable ».

En parallèle, le développement du numérique a permis à certains indépendants de voir leur activité évoluer positivement et d’autres ont su prendre le virage du digital pour adapter leurs offres.

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Le dynamisme de la livraison à domicile et de la vente à distance, résultat d’une adaptation nécessaire face à la crise sanitaire

La croissance des créations d’entreprises semble avoir été portée par une forte demande dans certains secteurs, en palliatif à la fermeture de structures et pour s’adapter aux modes d’organisation spécifiques (télétravail) mis en place pour faire face à la crise sanitaire.

En atteste la hausse de 91 % des activités de poste et de courrier et de 57 % du commerce de détail non spécialisé qui se justifie par le besoin croissant de se faire livrer à domicile pendant les confinements du fait de la fermeture de certains magasins.

Trois secteurs contribuent particulièrement à l’augmentation des immatriculations auprès des Urssaf :

  • les activités de poste et de courrier (+ 91 %, soit une contribution à la croissance globale des immatriculations de 7,1 points), portées par les activités de livraison à domicile ;
  • le commerce de détail non spécialisé (+ 57 % des immatriculations dans ce secteur, soit une contribution à la croissance de l’ensemble des immatriculations de 1,9 point), en lien avec la croissance de la vente à distance ;
  • le secteur du commerce de gros et des intermédiaires du commerce, qui contribue quant à lui à hauteur de 0,8 point de croissance.

Les deux premiers secteurs concernent des activités dans lesquelles les auto-entrepreneurs sont omniprésents dans les créations (99 % dans les activités de poste et de courrier, 92 % dans le commerce de détail ou non spécialisé).

Développement des modes de vente alternatifs

Selon les chiffres de l’Insee parus en septembre 2021, les créations d’entreprises dans les activités de vente à distance ont fortement augmenté (+ 57 %) pour atteindre 33 000 créations en 2020. Déjà en essor avant la crise, ce secteur affichait + 35 % de créations par an en moyenne de 2017 à 2019.

Phénomène qui s’est accéléré en avril 2020 avec la fermeture des commerces non essentiels due à la crise sanitaire, alors qu’il chutait de près de 50 % dans l’ensemble des activités marchandes non agricoles. De mai à décembre 2020, le nombre de créations dans ce secteur a même été supérieur de plus de 70 % aux mêmes mois de l’année précédente.

Avec 87 900 créations, la première activité en nombre de créations en 2020 est celle des « autres activités de poste et de courrier ». Il s’agit d’entreprises de livraison à domicile, notamment de livraison de repas dont 97 % d’entre elles sont des micro-entrepreneurs.

Dynamique depuis 2014, la hausse des créations d’entreprises dans ce secteur s’est intensifiée en 2020 (+ 46 %) par rapport à 2019 (+ 25 %) avec la crise sanitaire et la fermeture des commerces non essentiels et des restaurants. Entre juin et décembre 2020, le nombre de créations y est même supérieur de 79 % à 120 % par rapport aux mêmes mois un an plus tôt.

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D’autres secteurs ont connu une chute historique

Cette croissance a plus que compensé les baisses de créations observées dans d’autres secteurs directement impactés par les mesures visant à limiter la propagation du virus (i.e. les fermetures de théâtres et autres activités de divertissement ont conduit à une diminution de 24 % des créations d’entreprises indépendantes dans le secteur des « autres activités récréatives »).

Ainsi, certains secteurs ont largement perdu en attractivité sur la période :

  • les arts, spectacles et autres activités récréatives (- 24 %), contribuant à baisser de 0,9 point la croissance du total des immatriculations ;
  • le commerce de détail non alimentaire (- 21 %), soit  – 0,6 point de croissance ;
  • les taxis et VTC (- 35 %), soit une contribution à la croissance des immatriculations de – 0,5 point ;
  • et la restauration et les débits de boissons pour les travailleurs indépendants « classiques » (- 32 %).

S’agissant des seuls travailleurs indépendants « classiques », la baisse des immatriculations est relativement uniforme sur l’ensemble des secteurs avec une contribution de chacun d’entre eux de l’ordre de 0,5 à – 1 point. Un seul secteur pèse plus fortement : celui de la restauration et des débits de boisson (- 2,9 points de contribution à la baisse de 9,2 % des immatriculations de travailleurs indépendants « classiques »).

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Sandy Allebe

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