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Dispense d'affiliation d'un salarié déjà couvert par le régime santé de son conjoint : nouvelles précisions jurisprudentielles

La dispense d'affiliation au régime complémentaire santé collectif et obligatoire mis en place dans l'entreprise du salarié n'est pas subordonnée à la justification qu'il bénéficie en qualité d'ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective et obligatoire de son conjoint.

Dispense d'affiliation d'un salarié déjà couvert par le régime santé de son conjoint : nouvelles précisions jurisprudentielles
La prudence reste cependant de mise dans la mesure où il s’agit d’un arrêt rendu par la chambre sociale et non par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. © Getty Images

Des dispenses d’adhésion au régime de prévoyance collectif et obligatoire mis en place dans l’entreprise sont admises sans remettre en cause l’exonération des contributions patronales finançant le régime. Parmi ces dispenses figurent celle accordée au salarié déjà couvert, en qualité d’ayant droit, par le régime complémentaire santé obligatoire et collectif de son conjoint, concubin ou partenaire pacsé.

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Initialement, pour pouvoir faire jouer ces dispenses, il fallait que l’acte juridique instituant le régime d’entreprise (accord collectif de travail de branche ou d’entreprise, accord référendaire ou décision unilatérale de l’employeur) le permette expressément.

En 2016, les règles gouvernant les dispenses d’adhésion au régime de frais de santé d’entreprise ont été simplifiées en ne subordonnant plus un certain nombre de ces dispenses à leur mention expresse dans l’acte juridique instituant ce régime. Parmi ces dispenses d’affiliation d’ordre public figurent celle dont peut bénéficier le salarié déjà couvert, en tant qu’ayant droit, par le régime frais de santé d’entreprise de son conjoint (article D.911-2 du code de la sécurité sociale).

Si les textes réglementaires prévoyant cette faculté de dispense n’ont jamais exigé expressément que la couverture en tant qu’ayant droit soit obligatoire (articles R.242-1-6, 2° f et D.911-2 de la sécurité sociale), l’administration, elle, dans une circulaire du 25 septembre 2013 aujourd’hui abrogée, faisait bien une distinction entre couverture obligatoire et couverture facultative de l’ayant droit de sorte que certains acteurs de la protection sociale complémentaire considéraient que cette dispense d’affiliation n’était ouverte qu’aux salariés couverts en tant qu’ayant droit à titre obligatoire.

L’absence d’adhésion du salarié, ayant droit à titre facultatif, au régime de son entreprise pouvait même faire perdre à ce dernier son caractère collectif et obligatoire, condition indispensable pour bénéficier du régime social de faveur (arrêt du 9 mai 2019).

Depuis le 1er septembre 2022 (date d’entrée en vigueur des commentaires du Bulletin officiel de la sécurité sociale sur la protection sociale complémentaire), les choses semblent un peu plus claires. Pour le Boss :

  • si le cas de dispense n’est pas prévu dans l’acte juridique instituant le régime complémentaire santé de son entreprise, le salarié n’a pas à justifier chaque année du bénéfice du régime obligatoire et collectif de son conjoint (il suffit qu’il fournisse une déclaration sur l’honneur – Boss-PSC-920)  mais sa demande de dispense doit être faite au moment de l’embauche ou à la date de mise en place des garanties ou bien à la date à laquelle prend effet la couverture permettant au salarié de solliciter la dispense (Boss-PSC-810, 4e ligne du tableau) ;
  • si l’acte instituant le régime santé de l’entreprise du salarié prévoit ce cas de dispense, le salarié doit justifier du bénéfice de la couverture d’ayant droit chaque année mais sa demande peut être faite à tout moment sauf disposition plus contraignante prévue dans l’acte (Boss-PSC-870, 5e ligne du tableau).

En d’autres termes, la dispense est de droit mais le salarié ne peut pas la demander à tout moment, sauf si l’acte juridique la prévoit expressément. Dans ce cas, elle est considérée comme une dispense facultative mais peut être demandée à tout moment (sauf disposition plus contraignante).

Le salarié souhaitant faire jouer ce cas de dispense doit-il justifier du caractère obligatoire de la couverture d’ayant droit ? C’est la question posée à la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 juin 2023 publié.

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Les faits

Dans cette affaire, prétendant se trouver, au titre de la qualité d’ayant droit de son épouse salariée, dans un cas de dispense d’affiliation au régime obligatoire de complémentaire santé mis en place dans son entreprise, un salarié réclame à son employeur la restitution des cotisations « frais de santé » prélevées à tort sur ses bulletins de salaire pour 2017.

Précisons que le salarié était couvert par un régime santé d’entreprise institué par un avenant à la convention collective nationale de la fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs du 27 janvier 2015. Ce texte autorisait expressément les dispenses d’affiliation pour les salariés bénéficiaires, en tant qu’ayant droit, de la couverture santé collective et obligatoire de leur conjoint.

Malgré la fourniture d’un certificat d’adhésion de l’entreprise de son épouse spécifiant l’inscription à compter du 1er janvier 2016 de l’épouse du salarié à un régime complémentaire de santé dans le cadre d’un contrat collectif et obligatoire ainsi que ses ayants droit, l’employeur refuse de restituer les sommes réclamées. Le salarié saisit alors la justice. Il obtient gain de cause en première instance comme en appel.

Son employeur se pourvoit en cassation.

Il reproche aux juges du fond d’avoir fait droit à la demande du salarié alors qu’un salarié peut être dispensé d’adhérer à la couverture collective et obligatoire de son entreprise uniquement s’il justifie bénéficier, à titre obligatoire, en qualité d’ayant droit de la couverture de son conjoint, salarié dans une autre entreprise. Or, la décision unilatérale instituant le régime frais de santé du conjoint du salarié ne prévoyait qu’une adhésion facultative des ayants droit.

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La justification du caractère obligatoire de la couverture d’ayant droit est inutile

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Pour ce faire, elle rappelle que :

  • l’article R.242-1-6, 2° f) du code de la sécurité sociale prévoit que les garanties frais de santé sont mises en place à titre obligatoire au profit des salariés sous réserve des facultés de dispense d’adhésion, au choix du salarié, prévues par l’acte juridique et que, parmi elles, figure celle ouverte aux salariés qui bénéficient, par ailleurs, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture collective relevant d’un dispositif de prévoyance complémentaire conforme à un de ceux fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, à condition de le justifier chaque année ;
  • l’acte instituant le régime d’entreprise santé du salarié (à savoir l’avenant à la convention collective) prévoit bien une dispense d’affiliation ouverte aux salariés qui bénéficient par ailleurs pour les mêmes risques, y compris en tant qu’ayant droit, d’une couverture relevant d’un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire, sous réserve d’en justifier chaque année.

Elle déduit de ces textes réglementaire et conventionnel que « la dispense d’affiliation au régime complémentaire collectif et obligatoire mis en place dans l’entreprise du salarié n’était pas subordonnée à la justification en qualité d’ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective relevant d’un dispositif de protection sociale présentant un caractère collectif et obligatoire de son conjoint ».

Dans la mesure où le salarié justifiait bénéficier, en qualité d’ayant droit de son épouse, d’une couverture relevant d’un dispositif de prévoyance obligatoire conforme au dispositif obligatoire mis en place par son employeur, il pouvait solliciter cette dispense d’affiliation facultative (à tout moment puisque l’avenant ne prévoyait pas de mesures plus contraignantes) sans devoir justifier du caractère obligatoire de la couverture d’ayant droit.

La décision de la Cour de cassation aurait-elle été identique en cas de dispense d’ordre public ? On peut le supposer. Les textes réglementaires n’ont jamais exigé que la couverture de l’ayant droit soit obligatoire pour bénéficier de ce cas de dispense. La position initialement adoptée en 2013 par l’administration était donc très critiquable. Mais, depuis le 1er septembre 2022, celle-ci ne fait plus référence à une telle exigence.

La prudence reste cependant de mise dans la mesure où il s’agit d’un arrêt rendu par la chambre sociale et non par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Le contentieux est donc prud’homal (il concerne la relation employeur/salarié) et ne porte pas sur un contentieux avec l’Urssaf.

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Géraldine Anstett

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