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Emploi des seniors : les entreprises font-elles fausse route ?

Selon une enquête réalisée par le cabinet Oasys & Cie auprès de 200 directeurs généraux et directeurs des ressources humaines, publiée le 23 mai, plus de sept entreprises sur 10 affirment n’avoir pas mis en place de politique senior. Et peu d’entre elles souhaitent franchir le pas.

Emploi des seniors : les entreprises font-elles fausse route ?
Les entreprises plébiscitent les mesures financières : suppression ou baisse des cotisations sociales (88 %), crédit d’impôt (79 %). Ils proposent également une modulation des cotisations sociales en fonction de l’âge. © Getty Images

Voilà une enquête qui tombe à point nommé. Alors que les premiers décrets d’application de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2023 viennent être publiés, le cabinet de conseil Oasys & Cie s’est penché sur la question des seniors en entreprise. Quel regard portent-t-elles sur cette tranche d’âge ? Comment faire progresser leur taux d’emploi ? Quelles actions mener ? Ces interrogations ne sont pas anecdotiques : la gestion RH des salariés expérimentés en entreprise est la clef de la réussite de la réforme des retraites.

Or, plus de sept entreprises sur 10 affirment n’avoir toujours pas mis en place de politique senior. Plus surprenant, un quart des répondants n’envisagent rien de spécifique. Et seulement 12 % prévoient de lancer une négociation sur les conditions de travail dédiée à cette génération. Ce sont quelques-uns des enseignements principaux de cette enquête réalisée auprès de 200 RH/ dirigeants, et publiée le 23 mai.

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Les accords ou plan seniors mettent davantage l’accent sur les sorties que sur la gestion de carrière

Pour autant, toutes ne sont pas bien lotiesCertes des accords ou de plans ad hoc existent dans les entreprises. Mais paradoxalement, « ils traitent surtout de sorties de l’entreprise plutôt que de gestion de cette nouvelle partie de carrière », constate le cabinet. C’est ainsi que 82 % des DG et RH sondés citent spontanément la retraite progressive (82 %) et le mécénat de compétences (89 %) parmi les mesures plébiscitées.

Les dispositifs propres à la gestion de carrière, à l’instar des entretiens professionnels adaptés, du bilan de carrière et de la mobilité interne, ne recueillent l’avis que de 60 à 67 % des sondés. La prise en charge de la pénibilité, qui inclut des aménagements d’horaires, la modulation des objectifs voire des aménagements de postes de travail, arrive même en dernière position (39 à 57 %).

Des stéréotypes bien ancrés

Comment inverser la tendance ?  D’abord en changeant les mentalités. Révélateur : le terme lui-même de senior ne recouvre pas la même réalité pour tous les dirigeants. 70 % des personnes sondées placent la barre à 50 ans. Plus pessimistes, 20 % estiment, eux, que le terme senior s’applique dès 45 ans. À l’inverse, seulement 10 % considèrent que l’on devient senior à partir de 60 ans.

Parmi les pistes, la formation des managers apparaît comme la première mesure d’urgence proposée à 90 % par les répondants. Car les stéréotypes demeurent bien ancrés. Les salariés âgés sont soupçonnés par leur N+1 d’être rétifs au changement, d’être peu mobiles, d’éprouver des difficultés face aux technologie ou encore d’être trop bien rémunérés.

Autre préconisation : inscrire le développement de l’employabilité des seniors comme un volet spécifique des accords de GEPP ou, à défaut, d’un plan d’actions seniors unilatéral.

Les entreprises plébiscitent les mesures financières

Surtout, les entreprises plébiscitent les mesures financières : suppression ou baisse des cotisations sociales (88 %), crédit d’impôt (79 %). Ils proposent également une modulation des cotisations sociales en fonction de l’âge.

À ce titre, ils ne sont pas contre le CDI senior (exonéré de cotisations famille)également invalidé par le Conseil constitutionnel, qui est plébiscité par 75 % des répondants.

L’Index seniors jugé « inopérant »

Ce qu’ils ne veulent pas ? À leurs yeux, certains dispositifs sont inopérants. C’est le cas de l’Index seniors, retoqué par le Conseil constitutionnel. Pour 70 % des répondants, cet indicateur est loin d’être suffisant : selon les personnes sondées, il n’aurait qu’un « impact modéré », voire « pas d’impact ». Ils sont juste prêts à concéder un indicateur portant sur le taux de recrutement des seniors.

L’idée n’est pourtant pas abandonnée par l’exécutif. Selon Olivier Dussopt, le ministre du travail, cet instrument devrait figurer dans la feuille des routes des partenaires sociaux, servant de cadre à la future négociation d’un accord national interprofessionnel sur les seniors. Le ministre du travail espère même un compromis sur ce sujet « d’ici à la fin de l’année »

Contre des mesures coercitives pour contenir les licenciements des seniors

En outre, DG et DRGH ne veulent pas de mesures coercitives pour contenir les licenciements des seniors. 38 % considèrent que ce type de décision aurait un impact fort, indique le cabinet Oasys qui rappelle que « le retrait de la contribution Delalande, en 2008, a été motivé par le constat du contournement opéré par les entreprises, qui pour éviter la taxe afférente à la séparation des 50 ans et plus, anticipaient les licenciements avant 49 ans ».

Selon Oasys & Cie, « il semble essentiel de repenser la politique RH globale : gérer les différentes étapes de la vie professionnelle incluant une nouvelle vision de la troisième partie de carrière, anticiper la question de la santé et de la pénibilité au travail, favoriser la diversité et la coopération intergénérationnelle pour accroitre la performance de l’entreprise, juguler les discriminations professionnelles et faciliter les transmissions réciproques ».

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Anne Bariet

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