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[Interview] Olivier de la Chevasnerie : « L’envie d’entreprendre est toujours là »
Depuis 1986, Réseau Entreprendre accompagne les créateurs d’entreprise à fort potentiel de croissance et d’emplois. Pour devenir lauréat du réseau, le porteur de projet doit avoir l’étoffe d’un futur chef d’entreprise et présenter un projet à la fois pérenne et impactant. Rencontre avec Olivier de la Chevasnerie, président de la Fédération.
L’association des journalistes des PME (AJPME) a rencontré Olivier de la Chevasnerie, président de la Fédération Réseau Entreprendre. Après dix ans d’engagement chez Réseau Entreprendre Atlantique et au sein de l’ANLE (Association Nationale Les Entrepreneuriales), le fondateur de l’entreprise Sygmatel a été élu par ses pairs à la présidence de Réseau Entreprendre, dans un contexte où le mentorat de pair à pair est plus que jamais un levier de réussite des entrepreneurs ambitieux. Interview.
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Pouvez-vous nous présenter Réseau Entreprendre ?
Olivier de la Chevasnerie, président de la Fédération Réseau Entreprendre : Comme le disait le président fondateur du Réseau Entreprendre, André Mulliez, il y a 35 ans : pour créer des emplois il faut créer des employeurs. En aidant des porteurs de projet à créer des entreprises qui en grandissant vont créer des emplois, nous sommes une des réponses à la problématique du chômage en France. Présent dans 10 pays avec 130 implantations, Réseau Entreprendre, créée en 1986, est une fédération d’entrepreneurs constituée de chefs d’entreprise bénévoles. Ces mentors spécialistes du métier de chef d’entreprise accompagnent gratuitement de manière individuelle et collective nos lauréats pendant deux ans.
« Le taux de pérennité des entreprises accompagnées est de 90 % à cinq ans contre 53 % pour celles qui ne sont pas accompagnées. »
Ces derniers bénéficient en outre de prêts d’honneur de l’ordre de 30 k€ pour une entreprise qui a l’ambition de créer 5 emplois ou plus, le montant étant lié au nombre d’emplois créés sachant que le label Réseau Entreprendre joue un effet de levier auprès des banques. Les porteurs de projet peuvent ainsi lever entre 300 000 et 450 000 €.
En 2020, le réseau a accompagné 950 entreprises et engagé des prêts d’honneur à hauteur de 25 M€ pour un encours total de 100 M€. Si l’accompagnement donne confiance aux banques, il donne également confiance aux chefs d’entreprise. Le taux de pérennité des entreprises accompagnées est de 90 % à cinq ans contre 53 % pour celles qui ne sont pas accompagnées. Pour sécuriser l’argent public dans la croissance des entreprises, il faudrait à notre sens conditionner les prêts à l’accompagnement.
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Comment les entrepreneurs membres de votre réseau et les « lauréats » que vous accompagnez ont vécu cette crise de la Covid-19 ?
Olivier de la Chevasnerie : Notre réseau, 9 000 membres et 6 000 lauréats, s’est plutôt bien comporté pendant la crise. On a perdu seulement 6 % de nos membres. Ces derniers ont été plus en difficultés que nos lauréats : faire pivoter tout d’un coup une entreprise de plus de 10, 15 ou 20 ans d’existence est plus compliqué. A contrario, nos lauréats, jeunes porteurs de projet, avec leur agilité de créateur et leur souplesse intellectuelle, ont plus facilement fait face à la crise. Nous n’en avons pas eu moins, l’envie d’entreprendre étant toujours là.
« Notre réseau avait tous les outils pour pouvoir passer la crise sans trop de dommages. »
Mais la fermeture de nos structures pendant un mois et demi a entraîné des retards d’instruction des dossiers. Nos lauréats sont donc moins nombreux (- 8 %). Même chose pour nos comités d’engagement que nous avons eu du mal à basculer en visio. Nous n’avons donc pas eu de catastrophes systémiques ou enregistré plus de dépôts de bilan. Notre réseau avait tous les outils pour pouvoir passer la crise sans trop de dommages. En relation directe avec Bercy, nous avons remonté toutes les difficultés rencontrées par nos membres.
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Ce sont essentiellement des projets individuels et des micro-entreprises qui se concrétisent alors que Réseau Entreprendre encourage les créations et reprises d’entreprises à fort potentiel de croissance et d’emplois ?
Olivier de la Chevasnerie : Effectivement, le gros des créations en France est constitué d’entrepreneurs individuels. À Nantes, sur 500 contacts de créateurs d’entreprise, seuls 50 seront retenus à l’issue de notre comité d’engagement. Nous nous basons autant sur le profil du porteur de projet – est-ce que la personne est un futur vrai entrepreneur et fera un bon chef d’entreprise ? – que sur le projet en lui-même, sa pérennité et son potentiel en termes de création d’emplois. Dernier critère, l’impact. Le porteur de projet doit avoir réfléchi à l’impact de son business.
« Les jeunes entrepreneurs sont souvent pétris de doutes et souhaitent être accompagnés. À l’inverse, plus l’entrepreneur a d’expérience, moins il a envie de l’être. »
Si auparavant nous accompagnions essentiellement des start-ups, depuis cinq, six ans, les créateurs présentent des projets qui relèvent de l’économie sociale et solidaire avec des sujets sociétaux sur l’inclusion, le handicap ou le retour à l’emploi ou qui sont liés à l’environnement. On a d’ailleurs créé le programme Impact+ pour les aider à trouver un business model qui fonctionne ou les aider à passer à un stade industriel pour celles qui possèdent une innovation technologique. L’accompagnement à la création reste le cœur de métier des associations et la plupart de nos lauréats sont des porteurs de projet avec 85 % des entreprises qui ont bénéficié de notre programme phare « Start ». Les jeunes entrepreneurs sont souvent pétris de doutes et souhaitent être accompagnés. À l’inverse, plus l’entrepreneur a d’expérience, moins il a envie de l’être.
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Comment votre propre entreprise a traversé la crise ?
Olivier de la Chevasnerie : Le groupe de services en électricité, sûreté et audiovisuel Sygmatel, qui emploie aujourd’hui plus 350 salariés répartis sur 13 sites a placé 250 de ses collaborateurs au chômage partiel tandis que 50 d’entre eux, les premiers de cordée, sont restés sur site pour faire de la maintenance et 60 autres ont été placés en télétravail.
Avec l’activité qui est repartie, je devrais avoir un grand sourire mais il reste de la crise un vrai problème social. Au-delà d’une croissance qui va trop vite et qui est trop violente – on est passé de – 20 % à + 20 % d’activité aujourd’hui avec le même nombre de salariés –, il y a un risque social sur les équipes support qui ont subi une pression très forte pendant la crise. On n’est pas habitué à s’occuper de ces fonctions RH ou comptabilité mais il faut les soutenir psychologiquement et leur apporter les moyens dont ils ont besoin.
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Propos recueillis par Charlotte de Saintignon
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