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Prise effective des RTT : la charge de la preuve pèse sur l'employeur

La mention de la prise de jours de RTT dans le bulletin de salaire n'a qu'une valeur informative. En cas de contestation du salarié, c'est à l'employeur de prouver la prise effective des jours RTT.

Prise effective des RTT : la charge de la preuve pèse sur l'employeur
La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur la valeur probante du bulletin de paie lorsqu’un salarié réclame le paiement de son salaire : l’employeur qui prétend avoir fait le nécessaire doit prouver qu’il a bien payé les sommes en cause, même s’il a délivré le bulletin de paye correspondant. © Getty Images

Dans un arrêt du 10 janvier 2024, la Cour de cassation apporte une nouvelle illustration du principe selon lequel c’est toujours à l’employeur d’apporter la preuve de la prise effective par le salarié de ses jours de RTT et écarte le bulletin de paie comme moyen de preuve.

À titre de rappel, les jours de repos concernés par le litige, appelés « jours de réduction du temps de travail » (jours de RTT ou JRTT) sont instaurés par un dispositif d’aménagement du temps de travail prévu par l’article L.3121-44 du code du travail. L’attribution de jours ou de demi-journées de repos sur l’année vise à compenser les heures travaillées au-delà de la durée hebdomadaire légale ou conventionnelle (si celle-ci est inférieure).

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Demande d’un rappel de salaire lié à plus de 76 jours de RTT

En l’espèce, un salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour demander un rappel de salaire lié à 76,89 jours de réduction du temps de travail (RTT) qu’il prétendait lui être dus mais qui n’auraient été ni pris, ni indemnisés.

Il a été débouté par la cour d’appel qui a relevé les éléments suivants : le bulletin de paye de juillet 2016 mentionnait un nombre de RTT de 76,89 jours, ce solde a été ramené à zéro sur le bulletin de paye d’août 2016 et la mention « pris » apparaissait sur le bulletin de paye de juillet 2017.

La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement des juges du fond en posant le principe que « la mention sur les bulletins de paye des jours RTT n’a qu’une valeur informative, la charge de la preuve de leur octroi effectif incombant, en cas de contestation, à l’employeur ».

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L’employeur doit apporter la preuve de la prise des RTT

Elle écarte la valeur probante du bulletin de paye sur la prise effective des jours RTT en s’appuyant sur les règles de preuve issues du code civil et du code du travail :

  • celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation (article 1353 du code civil).

Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation applique cette règle à la contestation sur la prise des jours RTT pour en déduire que c’est à l’employeur d’apporter la preuve que le salarié en a bien bénéficié (arrêt du 27 octobre 2009 ; arrêt du 9 juin 2010).

  • l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paye par le salarié ne peut valoir, de sa part, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat (article L.3243-3 du code du travail).

Appliquée à l’espèce, cette règle se traduit par le fait qu’en application de l’article L.3243-3 du code du travail, les jours de RTT, qui correspondent à une compensation d’heures effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle de travail et qui sont ainsi assimilés à des salaires ou des accessoires de salaire, ne peuvent être considérés comme ayant fait l’objet d’une renonciation de la part du salarié du simple fait que celui-ci n’a pas protesté ou émis de réserve à la réception de ses bulletins de salaire.

La Cour de cassation s’était déjà prononcée

La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur la valeur probante du bulletin de paie lorsqu’un salarié réclame le paiement de son salaire : l’employeur qui prétend avoir fait le nécessaire doit prouver qu’il a bien payé les sommes en cause, même s’il a délivré le bulletin de paye correspondant (arrêt du 27 novembre 2014 ; arrêt du 25 juin 2015 ; arrêt du 2 mars 2017 ; arrêt du 21 avril 2022 ; arrêt du 29 mars 2023 ; arrêt du 19 avril 2023).

À défaut de preuve par l’employeur du paiement du salaire, les juges ne peuvent rejeter la demande du salarié en se fondant sur une prétendue présomption de paiement liée à l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paye (arrêt du 2 février 1999 ; arrêt du 22 septembre 2010 ; arrêt du 10 avril 2013).

L’employeur devra ainsi se montrer particulièrement vigilant non seulement sur les moyens qu’il peut mettre en œuvre pour permettre au salarié de prendre ses jours de RTT de manière effective mais aussi sur les moyens de contrôle à mettre en place pour prouver la prise effective de ces jours de repos.

Concrètement, cette preuve pourra être facilitée par le recours à un calendrier, intégré ou non dans un logiciel de gestion du temps de travail, dans lequel seront mentionnés les jours de RTT que le salarié souhaite prendre et qui lui ont été accordés et qu’il a pris.

Carole Chriqui et Nathalie Lebreton

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