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L’acquisition de droits à congés payés pendant un arrêt maladie bientôt intégrée dans le code du travail
L’acquisition de droits à congés payés pendant un arrêt maladie sera bientôt expressément prévue par le code du travail, qui, par ailleurs, fixera une période de report des congés non pris du fait de l’arrêt de travail et impose à l’employeur d’informer sur le sujet. La situation pour le passé sera également réglée.
Le législateur vient de mettre le code du travail en conformité avec le droit européen en prévoyant l’acquisition de congés payés pendant tout arrêt maladie en fixant une période de report de congés non pris en raison de la maladie et en instaurant une obligation d’information à la charge de l’employeur sur les droits à congés.
En effet, bien que récemment jugées constitutionnelles (décision du 8 février 2024), les dispositions de l’article L.3141-5 du code du travail, qui excluaient jusqu’à présent la prise en compte, pour la détermination des droits à congés payés, des périodes d’absence pour maladie ou accident non professionnels et, au-delà d’un an, des périodes d’absence pour accident du travail ou maladie professionnelle (AT/MP), étaient contraires à la jurisprudence de la CJUE (CJUE 24-1-2012 aff. 282/10), et leur application a été écartée en conséquence par la Cour de cassation le 13 septembre 2023 (arrêts du 13 septembre 2023 n° 22-17.340 et 22-17.638).
Ces dernières décisions ont amené le gouvernement à déposer un amendement au projet de loi d’adaptation du droit national au droit de l’Union européenne. Les sénateurs et députés réunis en commission mixte paritaire (CMP) le 4 avril 2024 ayant abouti à un accord sur l’ensemble de ce texte, celui-ci a été adopté définitivement au Sénat le 9 avril, puis à l’Assemblée nationale le 10 avril.
Les dispositions de l’article 37 de ce nouveau texte modifiant le code du travail entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, celle-ci pouvant être retardée par un recours devant le Conseil constitutionnel.
Tout arrêt maladie ouvre droit à des congés payés…
Sont désormais considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination des droits des salariés à congés payés les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’AT/MP, y compris pour celles excédant la durée d’un an, ainsi que les périodes de suspension du contrat pour cause d’accident ou de maladie non professionnels (article L.3141-5 modifié du code du travail).
Ainsi, tout arrêt maladie ouvre droit à congés payés, quelle qu’en soit l’origine.
Cette acquisition de droit à congés est aussi reconnue aux travailleurs temporaires, qui bénéficient d’une indemnité compensatrice de congé payé pour chaque mission. Il est ainsi précisé que les périodes d’arrêt de travail pour cause d’accident ou de maladie, qu’ils soient d’origine professionnelle ou non, sont assimilées dans leur totalité à un temps de mission.
La loi ajoute, à cette occasion, qu’il en est de même du congé de paternité et d’accueil de l’enfant (article L.1251-19 modifié du code du travail).
Il s’agit d’harmoniser la situation des intérimaires bénéficiant d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant avec celle des autres salariés pour lesquels l’assimilation de ce congé à du travail effectif est déjà prévue par l’article L.3141-5 du code du travail.
… dans la limite de deux jours ouvrables par mois en cas d’origine non professionnelle
Une dérogation pour l’acquisition du congé
En principe, la durée légale du congé annuel est fixée à 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur sans pouvoir excéder 30 jours ouvrables par période de référence (article L .3141-3 du code du travail).
Pour rappel, la période de référence correspond à la période d’acquisition des congés payés. A défaut d’accord collectif, cette période est fixée du 1er juin de l’année précédente au 31 mai de l’année en cours. Par exemple, pour les congés de 2024, elle va du 1er juin 2023 au 31 mai 2024.
La présente loi prévoit une dérogation pour les périodes d’arrêt de travail pour cause d’accident ou de maladie non professionnels : bien qu’elles soient assimilées à du travail effectif, elles ouvrent droit à 2 (et non 2,5) jours ouvrables de congé par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence, soit 80 % de la durée normale (article L.3141-5-1 nouveau du code du travail).
Ainsi, les périodes de maladie ou d’accident non professionnels n’ouvrent droit qu’au congé principal de quatre semaines garanti par le droit européen, à l’exclusion de la cinquième semaine. Rappelons toutefois que, en application des règles d’équivalence (quatre semaines de travail effectif ou 20 jours si l’horaire de travail est réparti sur cinq jours de la semaine, 22 jours si l’horaire de travail est réparti sur 5,5 jours de la semaine et 24 jours si l’horaire de travail est réparti sur six jours de la semaine équivalent à un mois de travail), toute absence inférieure ou égale à ces durées n’a aucune incidence sur la durée du congé.
Pas de changement, en revanche, pour les arrêts de travail résultant d’un accident ou d’une maladie d’origine professionnelle : le salarié acquiert des congés à hauteur de 2,5 jours ouvrables par mois d’absence, soit 30 jours ouvrables en cas d’absence pendant toute la durée de la période de référence.
Une dérogation pour le calcul de l’indemnité de congés payés
Corrélativement, les règles de calcul de l’indemnité de congés payés sont adaptées : pour son calcul selon la règle « du dixième » , les absences pour accident ou maladie non professionnels sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail de l’établissement, mais cette rémunération est prise en compte dans la limite de 80 % (article L.3141-24, I modifié du code du travail).
Selon nous, l’indemnité de congés payés ne peut pas être inférieure au salaire que l’intéressé aurait perçu s’il avait travaillé. La règle du maintien de salaire pourrait donc s’avérer plus favorable que la règle du dixième.
L’employeur désormais tenu d’informer le salarié de ses droits lors de la reprise du travail
À l’issue d’un arrêt de travail pour maladie ou accident, l’employeur doit informer le salarié du nombre de jours de congé dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris. Cette information doit intervenir dans le mois suivant la reprise du travail par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie (article L.3141-19-3 nouveau du code du travail).
Notons que :
- le texte vise l’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident. Il en résulte que l’obligation d’information s’impose quelle que soit l’origine de l’incapacité de travail, professionnelle ou non.
- e texte ne prévoit pas de durée d’absence minimale. Par conséquent, l’employeur est tenu d’informer le salarié quelle que soit la durée de son arrêt de travail, même si finalement cet arrêt n’entraîne aucune conséquence sur ses droits à congés payés compte tenu des règles d’équivalence.
- sauf exception, l’information marque le début de la période de report pour le salarié qui n’aurait pas pu prendre tous ses congés avant la fin de la période légale ou conventionnelle de prise des congés du fait de ses absences pour maladie ou accident (voir ci-après).
Les congés non pris du fait de l’arrêt de travail reportés dans certaines limites
Une période de report de 15 mois…
La loi instaure une période de report des congés fixée à 15 mois pour le salarié qui n’aurait pas pu, en raison d’un arrêt de travail pour AT/MP, pour accident ou maladie non professionnels, prendre tout ou partie de ses congés payés au cours de la période de prise des congés applicable dans l’entreprise (article L.3141-19-1, al. 1 nouveau du code du travail).
Dans le cas général, la période de prise de congés s’entend des 12 mois débutant à la fin de la période d’acquisition. Si la période d’acquisition s’étend du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N + 1, la période de prise des congés s’étend du 1er juin de l’année N + 1 au 31 mai de l’année N + 2.
Ces dispositions ne concernent pas le salarié absent au cours de la période de prise des congés qui reprendrait le travail avant son expiration et pourrait solder ses congés avant le 31 mai (ou avant la fin de la période de prise fixée par accord).
… débutant à réception de l’information délivrée par l’employeur …
La période de report de 15 mois débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations sur le nombre de jours de congé dont il dispose et la date ultime de prise de ces jours de congé (article L.3141-19-1, al. 2 nouveau du code du travail).
… sauf en cas d’absence durant toute la période de référence
La loi distingue le cas des congés payés acquis pendant un arrêt pour maladie ou AT/MP d’une durée d’au moins un an et couvrant toute la période de référence : la période de report de 15 mois débute alors à la fin de la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis (article L.3141-19-2, al. 1 nouveau du code du travail).
Donc, pour des congés acquis pendant une absence couvrant toute la période de référence allant du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N + 1, le délai de report de 15 mois commence à courir à partir du 1er juin de l’année N + 1 dans les entreprises qui appliquent la période légale 1er juin-31 mai.
Selon nous, les droits à congés acquis pendant une absence de longue durée devraient dès lors expirer définitivement au terme de ce délai de 15 mois, même si le salarié est encore absent en raison de sa maladie ou de son AT/MP et que l’employeur n’a pas pu, en raison de la suspension du contrat de travail, l’informer de ses droits.
Si le salarié reprend le travail avant la fin de la période de report, la période de 15 mois est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations désormais exigées lors de la reprise du travail (article L.3141-19-2, al. 2 nouveau du code du travail).
Ainsi, en cas de période de report débutant le 1er juin de l’année N, la fin de cette période est, non le 31 août de l’année N + 1, mais le 31 août de l’année N + 1 + le nombre de jours écoulés entre la date de reprise du travail et celle de l’information.
Une augmentation de la durée du report possible par accord
La loi prévoit que la durée de la période de report peut être fixée à plus de 15 mois par voie d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par voie de convention ou d’accord de branche (articles L.3141-20 modifié et L.3141-21-1 nouveau du code du travail).
Quels droits à congé pour les périodes antérieures à la loi ?
Le législateur a prévu des mesures pour les salariés ayant été en arrêt de travail antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.
La loi est rétroactive au 1er décembre 2009
La loi prévoit expressément que, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés, les nouvelles dispositions relatives à l’acquisition des congés pendant une période de maladie ou d’accident d’origine non professionnels et de report des congés non pris sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la loi.
Paradoxalement, le texte ne vise pas l’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt de travail pour AT/MP excédant la durée d’un an, alors que l’exposé des motifs de l’amendement gouvernemental ne faisait aucune distinction.
Il est précisé que ces congés supplémentaires, acquis entre le 1er décembre 2009 et l’entrée en vigueur de la loi, ne pourront pas excéder le nombre de jours permettant au salarié de bénéficier de 24 jours ouvrables de congés, par période de référence, après prise en compte des jours déjà acquis, pour la même période.
Cette limite de 24 jours s’explique par l’absence de rétroactivité de la loi pour les absences pour AT/MP au-delà d’un an.
Deux ans pour agir à compter de l’entrée en vigueur de la loi
Toute action en exécution du contrat de travail ayant pour objet l’obtention de jours de congés doit être introduite, à peine de forclusion, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
L’action en octroi de jours de congés payés concerne les salariés en poste dans l’entreprise.
Selon nous, pour les salariés dont le contrat est rompu, la prescription triennale de l’article L.3245-1 du code du travail applicable aux créances salariales devrait s’appliquer. Les salariés auraient donc trois ans pour agir à compter de la rupture de leur contrat de travail.
La rédaction sociale
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