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Les dispositions sur le droit à congés payés en cas de maladie passent le cap du Conseil constitutionnel

Annoncée pour le 9 février, la décision du Conseil constitutionnel sur la QPC portant sur les congés payés et la maladie a finalement été publiée le 8. Les Sages jugent le code du travail conforme à la Constitution en la matière. Le mystère reste donc entier sur la manière dont le législateur pourra adapter le droit français au droit européen.

Les dispositions sur le droit à congés payés en cas de maladie passent le cap du Conseil constitutionnel
Si l'on sait désormais que ces dispositions ne sont pas inconstitutionnelles, elles demeurent contraires au droit européen. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Circulez, y a rien à voir ! C’est en substance le message délivré par les Sages, le 8 février, qui ont estimé conformes à la Constitution les dispositions du code du travail sur les congés payés et la maladie. Ces mesures ne portent atteinte ni au droit à la protection de la santé et au repos, ni au principe d’égalité, comme le soutenaient les requérants.

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Pas d’atteinte au droit au repos

La première question posée aux Sages était de déterminer si les articles L.3141-3 et L.3141-5, 5° du code du travail portent atteinte au droit à la santé, au repos et aux loisirs garanti par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu’ils ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an.

À cette première question, le Conseil constitutionnel répond par la négative. Notons que les Sages circonscrivent la question prioritaire de constitutionnalité au 5° de l’article L.3141-5 du code du travail qui précise que sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé « les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ».

Les Sages éclairent leur décision à la lumière des des travaux préparatoires de la loi du 18 avril 1946, à l’origine des dispositions sur les congés payés. « Le législateur a souhaité éviter que le salarié, victime d’un accident ou d’une maladie résultant de son activité professionnelle et entraînant la suspension de son contrat de travail, ne perde de surcroît tout droit à congé payé au cours de cette période ».

« Il était loisible au législateur d’assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle »

Dès lors, estime-t-il, « il était loisible au législateur d’assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle. Il lui était également loisible de limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an ».

Les Sages s’en tiennent à une réponse laconique. Ils ne répondent pas à certains arguments qui avaient été soulevés devant eux le 31 janvier, notamment un droit à une convalescence distinct du droit aux congés payés pour le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnels.

Le Conseil constitutionnel se contente de rappeler qu’il « n’a pas un pouvoir général d’appréciation de même nature que celui du Parlement » et que dès lors « il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé ».

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Pas de violation du principe d’égalité

La seconde question posée au Conseil constitutionnel était celle de savoir si l’article L.3141-5, 5° du code du travail porte atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu’il introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Là encore, le Conseil constitutionnel estime l’argumentation développée infondée.

« La maladie professionnelle et l’accident du travail, qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié. Ainsi, au regard de l’objet de la loi, le législateur a pu prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail ».

Il en conclut que « la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi ».

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Et maintenant ?

Si l’on sait désormais que ces dispositions ne sont pas inconstitutionnelles, elles demeurent contraires au droit européen comme l’a clairement indiqué la Cour de cassation dans ses arrêts du 13 septembre 2023.

Il appartient désormais au législateur de clarifier la situation en posant un cadre. Lors de l’audition du 31 janvier, le représentant du Premier ministre avait d’ores et déjà indiqué que pour mettre en conformité le droit français par rapport à la directive de 2003, le gouvernement envisageait « de limiter le quantum à quatre semaines de congés payés dans le respect du principe d’égalité ».

Il devra toutefois trancher d’autres questions, à l’instar de la durée maximale du report (la CJUE admet par exemple un report de 15 mois) ou bien encore le délai de prescription applicable.

La position du législateur est en tous les cas attendue par les nombreuses entreprises inquiètes de la portée financière de la jurisprudence de la Cour de cassation.

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Florence Mehrez

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