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Congés payés : une salve d'arrêts du 13 septembre fixe de nouvelles règles

Plusieurs arrêts de la Cour de cassation rendus le 13 septembre mettent en conformité le droit français avec le droit européen concernant la prise en compte de la suspension du contrat pour maladie ou accident du travail sur les droits à congés et précise les règles de prescription. Explications.

Congés payés : une salve d'arrêts du 13 septembre fixe de nouvelles règles
Par ces arrêts, la Cour de cassation, explique-t-elle dans un communiqué, entend "garantir une meilleure effectivité des droits des salariés à leurs congés payés". © Getty Images

La Cour de cassation, dans quatre arrêts rendus le 13 septembre, opère un revirement de jurisprudence concernant l’incidence des arrêts de travail pour maladie ou pour accident du travail sur l’acquisition des droits à congé et précise les règles permettant de fixer le point de départ du délai de prescription applicable à une demande d’indemnité compensatrice de congés. Par ces arrêts, la Cour de cassation, explique-t-elle dans un communiqué, entend « garantir une meilleure effectivité des droits des salariés à leurs congés payés ».

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1. Congés payés et maladie non professionnelle

En droit français, selon les règles fixées par l’article L. 3143-3 du code du travail, un salarié atteint d’une maladie non professionnelle ou victime d’un accident de travail n’acquiert pas de jours de congé payé pendant le temps de son arrêt de travail. Or, Selon le droit de l’Union européenne (UE), lorsque le salarié ne peut pas travailler en raison de son état de santé, situation indépendante de sa volonté, son absence ne doit pas avoir d’impact sur le calcul de ses droits à congé payé. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période.

Dans les trois affaires soumises à la Cour de cassation, des salariés ont contracté une maladie non professionnelle qui les a empêchés de travailler. Par la suite, ils ont calculé leur droit à congé payé en incluant la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler. En application du droit de l’Union européenne, la cour d’appel leur a donné raison. L’employeur a formé un pourvoi en cassation.

Par un revirement de jurisprudence, donc, la Cour de cassation, s’appuyant sur l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au droit au repos, écarte les dispositions du droit français qui ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne. « Le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat » (décision de la CJUE du 20 janvier 2009).

Pour la Cour de cassation, il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article 31§2 de la Charte et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale. Elle écarte en conséquence partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-3 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour maladie.

Elle juge ainsi que les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non professionnelle) ont le droit de réclamer des droits à congé payé en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler.

La Cour de cassation approuve donc la cour d’appel.

2. Congés payés et accident du travail

Selon le droit français, en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congé payé est limitée à une seule année de suspension du contrat de travail. Or, selon le droit de l’Union européenne, un salarié victime d’un accident de travail peut bénéficier d’un droit à congé payé couvrant l’intégralité de son arrêt de travail.

En l’espèce, un salarié a été victime d’un accident du travail. Par la suite, il a calculé ses droits à congé payé en incluant toute la période au cours de laquelle il se trouvait en arrêt de travail. En application du droit français, la cour d’appel a considéré que ce calcul ne pouvait pas prendre en compte plus d’un an d’arrêt de travail. Le salarié a formé un pourvoi en cassation.

Comme dans la décision précédente, la Cour de cassation, s’appuyant sur l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au droit au repos, écarte les dispositions du droit français qui ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne.

Ainsi, elle juge qu’en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congé payé ne peut être limitée à un an.

La Cour de cassation censure donc la décision de cour d’appel.

3. Congés payés et congé parental d’éducation

Jusqu’à maintenant, le salarié ne pouvait pas prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés à l’issue de son congé parental au motif que, la décision de bénéficier de ce congé parental s’imposant à l’employeur, c’est l’intéressé lui-même qui a rendu impossible l’exercice de son droit à congé payé (arrêt du 28 janvier 2004). Or cette règle est contraire au droit social européen sur les congés payés et à l’accord-cadre sur le congé parental figurant en annexe de la directive du 8 mars 2010.

En effet, selon la CJUE, cette disposition a pour but d’éviter la perte ou la réduction des droits dérivés de la relation de travail, acquis ou en cours d’acquisition, auxquels le travailleur peut prétendre lorsqu’il entame un congé parental et de garantir que, à l’issue de ce congé, il se retrouvera, s’agissant de ces droits, dans la même situation que celle dans laquelle il était antérieurement audit congé (décision de la CJUE du 16 juillet 2009).

Le contrat de travail d’une salariée a été suspendu successivement, à compter du 1er août 2018, pour cause de maladie, puis de congé pathologique et prénatal, puis d’un congé maternité et enfin d’un congé parental d’éducation à compter du 17 février 2019. Le contrat de travail a pris fin le 31 octobre 2020 à la suite d’une rupture conventionnelle. Le 25 mars 2021, la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés

Elle est déboutée par la cour d’appel au motif que les congés payés acquis avant le début de son congé parental ne pouvaient être reportés à l’issue de ce congé dans la mesure où la salariée n’avait pas été empêchée de les prendre à l’issue de la période de référence, ayant elle-même choisi sa date de départ en congé parental. Elle forme un pourvoi en cassation. Il y a lieu de juger désormais qu’il résulte des articles L. 3141-1 et L. 1225-55 du code du travail, interprétés à la lumière de la Directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental, que lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.

La salariée est donc en droit de bénéficier de l’indemnité compensatrice des congés payés non pris du fait de son congé parental, selon la Cour de cassation, équivalent en l’espèce à 43 jours de congés acquis et non pris.

4. Prescription du droit à l’indemnité de congés payés après requalification du contrat

Il existe une période déterminée au cours de laquelle le salarié doit prendre ses congés payés ; cette période étant fixée par la loi (1er juin au 31 mai le plus souvent) ou de façon conventionnelle. Ce n’est que lorsque cette période s’achève que commence à courir le délai de prescription de l’indemnité de congé payé (arrêt du 14 novembre 2013). S’agissant d’un élément de salaire, le délai est de trois ans. Quelle est la règle applicable sur le point de départ de cette prescription lorsque le salarié a été dans l’impossibilité d’exercer ses droits à congés dans la mesure où son statut de salarié a été reconnu tardivement ?

Dans cette affaire, une enseignante a réalisé une prestation de travail auprès d’un institut de formation, pendant plus de 10 ans. Ayant obtenu de la justice que cette relation contractuelle soit qualifiée en contrat de travail, elle a demandé à être indemnisée des congés payés qu’elle n’a jamais pu prendre pendant ces 10 années. La cour d’appel a considéré que l’enseignante devait être indemnisée, mais uniquement sur la base des trois années ayant précédé la reconnaissance par la justice de son contrat de travail, le reste de ses droits à congé payé étant prescrit. L’enseignante et l’institut de formation ont chacun formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation, s’appuyant sur le droit européen (décision de la CJUE du 22 septembre 2022), juge que le délai de prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé.

Or, dans cette affaire, l’enseignante n’a pas été en mesure de prendre des congés payés au cours de ses 10 années d’activité au sein de l’institut de formation, puisque l’employeur n’avait pas reconnu l’existence d’un contrat de travail.

Dès lors, le délai de prescription ne pouvait pas commencer à courir. La Cour de cassation censure donc la décision de cour d’appel.

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Nathalie Lebreton

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