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La CJUE confirme la possibilité d'un report limité des droits à congés payés acquis en cas de maladie

Dans un arrêt rendu le 9 novembre, la Cour de justice de l'Union européenne, confirme sa jurisprudence selon laquelle, en l'absence de dispositions nationales limitant le report de jours payés acquis pendant un arrêt maladie, un report illimité contreviendrait au droit européen. Elle admet la possibilité d'un report limité à 15 mois et à deux périodes de référence consécutives.

La CJUE confirme la possibilité d'un report limité des droits à congés payés acquis en cas de maladie
La CJUE admet bien qu'un report illimité confronterait l'employeur "au risque d'un cumul trop important de périodes d'absence du travailleur et aux difficultés que celles-ci pourraient impliquer pour l'organisation du travail". © Getty Images

Ce n’est pas la première fois que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se prononce sur cette question mais sa décision rendue le 9 novembre était particulièrement attendue dans le contexte des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023. Dans quelle mesure, en l’absence de mesure nationale délimitant la durée d’un éventuel report de congés payés acquis au cours d’un arrêt de longue maladie, un report d’une durée illimitée serait bien conforme au droit européen ?

Pour rappel, en 2009, la CJUE avait indiqué que lorsque le salarié se trouve dans l’impossibilité de prendre ses congés en raison d’un arrêt maladie, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail, même si la période de prise des congés est expiré. En 2011, elle avait atténué sa position, indiquant qu’il était néanmoins possible de limiter dans le temps cette période de report.

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Possibilité de report de 15 mois

Le conseil de prud’hommes d’Agen a saisi la CJUE dans le cadre de cinq contentieux qui concernent tous des travailleurs actuellement ou anciennement employés par une société qui gère le réseau de transport par autobus de l’agglomération d’Agen. Parmi les travailleurs concernés qui avaient eu des arrêts maladie de plus d’un an, certains demandent à bénéficier des congés payés dont ils n’ont pas pu bénéficier au cours de leurs périodes de maladie, tandis que d’autres, dont le contrat de travail est déjà rompu, réclament une indemnité compensatrice au titre des jours de congés non pris.

La CJUE rappelle, dans sa décision du 9 novembre 2023, que selon une jurisprudence constante, des limitations peuvent être apportées au droit fondamental au congé annuel payé, dès lors que :

  • ces limitations sont prévues par la loi ;
  • qu’elles respectent le contenu essentiel du droit à congé payé annuel ;
  • et qu’elles répondent au principe de proportionnalité, à savoir qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne.

Dans une décision du 22 septembre 2022, la CJUE avait par ailleurs indiqué qu’accumuler de manière illimitée tous les droits à congé annuel payé durant la période d’absence au travail, ne répondrait plus à la finalité même de ce droit.

Ce droit à congé poursuit une double finalité, rappelle la CJUE :

  • permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches qui lui incombent  selon son contrat de travail ;
  • disposer d’une période de détente et de loisirs.

Or, dépasser une certaine durée de report contreviendrait à l’effet positif recherché pour le travailleur en sa qualité de temps de repos, ne gardant que sa qualité de période de détente et de loisirs.

Dès lors, la CJUE indique que « l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale et/ou une pratique nationale qui, en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée, permet de faire droit à des demandes de congé payé annuel introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives ».

« Risque d’un cumul trop important de périodes d’absence »

La CJUE admet bien qu’un report illimité confronterait l’employeur « au risque d’un cumul trop important de périodes d’absence du travailleur et aux difficultés que celles-ci pourraient impliquer pour l’organisation du travail ». C’est pour cela qu’elle autorise les Etats membres à limiter le cumul des droits au congé annuel payé « par une période de report à l’expiration de laquelle ces droits s’éteignent, pour autant que ladite période de report garantisse notamment au travailleur de pouvoir disposer, au besoin, de périodes de repos susceptibles d’être échelonnées, planifiables et disponibles à plus long terme et qu’elle dépasse substantiellement la période de référence pour laquelle elle est accordée ».

S’agissant d’une période de référence d’un an, comme en France donc, la CJUE ne s’oppose pas à une limitation de la durée du report à 15 mois.

Reste à savoir si, et comment, le gouvernement s’emparera de cette possibilité alors que les entreprises sont dans l’expectative après les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 et les différentes cours d’appel qui ont déjà décliné cette solution.

Lire aussi La cour d’appel de Paris condamne deux entreprises à payer une indemnité compensatrice de congés payés liée à des périodes de maladie

Florence Mehrez

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