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Transmission des PME : les mauvaises habitudes ont la vie dure

La faiblesse de l’activité cession/transmission en France n’est pas nouvelle. Six intervenants, invités par le CNCFA, ont échangé le temps d’une matinée, sur les spécificités françaises du marché. La situation ne change guère mais les problèmes s’affinent et des solutions affleurent.

Transmission des PME : les mauvaises habitudes ont la vie dure
Conviés par le CNCFA, six intervenants ont débattu l’épineuse question de la transmission des PME françaises, mardi 27 novembre, au Cercle de l’Union Interalliée à Paris.

À l’occasion de cette table ronde du 27 novembre, la neuvième édition 2018 du Baromètre de la transmission de PME fut présentée. De nouveaux résultats pour un même leitmotiv : Comment débloquer la transmission des PME ?

Le marché F&A : un nouveau refrain pour une même chanson

Selon la neuvième édition 2018 du Baromètre de la transmission de PME en France réalisée par l’Observatoire CNCFA EPSILON, la transmission de PME (de 20 à 240 salariés / de 2 millions à 50 millions de chiffre d’affaire) passe toujours en France au « ¾ par des cessions » (soit au ¼ par des transmissions familiales).

Malgré « des conditions financières exceptionnelles », « un niveau historiquement élevé de la trésorerie disponible pour les fonds comme pour les industriels » et « un cycle haussier du marché des fusions et acquisitions (F&A) porté par la croissance économique [1]», le taux de cession/transmission des PME estimé continue d’être étonnamment bas[2].

La première raison avancée par l’Observatoire est la rareté des entreprises performantes à fort potentiel de croissance qui « captent l’offre » tandis que la grande majorité des entreprises encore marquées par les crises financières successives de 2007/2008 et 2011/2012 « ne bénéficient pas de la reprise du marché »[3].

Transmission des PME : « Déléguer tout le premier jour ? Le cas idéal. »

La principale solution pour remédier à ce faible taux de cession/transmission des PME en France est la préparation en amont de la cession. À cet égard, le cas de Didier Vrac est pour Susanne Liepmann, Présidente de FiPlus (un méta-réseau financier d’entreprise), un cas parfait : « Déléguer tout le premier jour ? Le cas idéal ». Didier Vrac, qui a dirigé, relancé et cédé Bohin France dans l’Orne, a en effet dès le départ « tout délégué et rendu l’entreprise autonome dans la perspective de la cession ».

Eric Guedj, Associé et co-fondateur d’Exelmens, un cabinet d’audit et de conseil spécialisé dans les audits d’acquisition, indique qu’il subsiste une réelle incompréhension entre les acquéreurs et les chefs d’entreprise. Il regrette la méfiance et le stress des chefs d’entreprise qui se prémunissent en risquant une « rétention d’information ». L’associé déplore également que les acquéreurs soient perçus par les chefs d’entreprise comme des « grands méchants loups ».

Le prix d’une boite est le montant inscrit sur le chèque de l’acquéreur

Suzanne Liepmann renchérit : « Il ne faut surtout pas que le chef d’entreprise sois seul », il n’y a « rien de pire dans ce jeu de questions réponses avec les acquéreurs de ne pas avoir la réponse à une de leurs questions ».« Il faut connaître les pièges, ça change la donne », poursuit-elle.

Enfin, Dominique Restino, Président de la CCI Paris et Vice-Président de la CCI Ile de France, résume : « il faut tout le temps chercher à développer sa boite sans maquiller les chiffres et prévoir 2 à 3 ans avant la cession ». Parce qu’au final, citant Pierre Gattaz, « le prix d’une boite est le montant inscrit sur le chèque de l’acquéreur ».

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Les PME françaises continuent de fuir le giron familial

La persistance de la faible part des transmissions intrafamiliales dans la transmission des PME en France a de quoi surprendre. Miranu Radu-Lefebvre, Titulaire de la chaire Entreprenariat Familial et Société à l’École supérieure de commerce Audencia Nantes, propose de comprendre ce phénomène à travers des considérations psycho-sociales et culturelles.

Si « plus de 60 % des patrons souhaitent transmettre leurs entreprises de cette façon », informe l’universitaire, il ne faut pas se méprendre : « la transmission familiale est loin d’être naturelle contrairement à ce que l’on peut croire ». Il existe en France un problème dans la relation qui unit le cédant familial et le successeur désigné.

Le pouvoir se prend et ne se partage pas

Le cédant familial, souvent le père, revêt une « posture ambivalente ». Le souhait de transmettre son entreprise à son enfant est entaché par la volonté, de ne pas la céder du tout. Cela est vécu comme « une mort symbolique », comme « s’arracher une partie de soi-même », ce n’est autre que « son bébé qu’il transmet ».

Du côté du second, le successeur désigné, reprendre l’entreprise de son père (ou de sa mère) est « un frein à sa légitimité ». Il craint « le soupçon de népotisme » et ne souhaite pas être taxé « d’incompétences ». Se meut ici un enjeu d’émancipation : « le pouvoir se prend et ne se partage pas ».

Matthieu Barry

[1] Selon la Baromètre 2018 de la transmission de PME en France, la croissance connait un ralentissement mais confirme la reprise du marché après un long cycle baissier (+ 1 % en volume en 2018 alors que + 10 % en volume en 2017).

[2] Un taux estimé de 5, 5 % (comme en 2017) par le Baromètre 2018 de la transmission de PME en France, un taux de 2,2 % selon l’étude de janvier 2018 réalisée l’Observatoire de la transmission-reprise

[3] À noter que seul le marché visible a été évalué par l’Observatoire. Des chiffres à manier avec précaution lorsqu’on sait qu’une grande part de cessions cachées demeure (surtout pour les PME de 1 à 5 millions de chiffre d’affaire).

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