Interview

Christophe Praud, nouveau Président du Centre des jeunes dirigeants (CJD)

Le nouveau président du Centre des jeunes dirigeants, un des plus importants mouvements patronaux de France, fait le point sur les thématiques du moment, pour son réseau national et, plus largement, pour les TPE et PME.

Christophe Praud, nouveau Président du Centre des jeunes dirigeants (CJD)

Vous venez de prendre la présidence du CJD. Quel est l’état d’esprit de vos troupes ?

Le contexte et le climat des affaires sont anxiogènes. Certainement plus que ne l’est, globalement, la situation des entreprises de chacun de nos 4200 membres, qui s’efforcent de garder de la hauteur. Mais ils sont confrontés à des fournisseurs plus vigilants, à des clients qui mettent plus en concurrence et qui prennent plus de temps pour se décider… Cela ne porte pas à l’euphorie.

Justement, dans ce contexte, le leitmotiv du CJD, «l’entreprise au service de l’Homme et de la Vie», tient-il le choc ? L’homme ne passe-t-il pas au second plan ?

Au contraire ! Plus que jamais, les jeunes dirigeants ont bien conscience que la performance de leur entreprise repose sur les Hommes qui la composent. Pour un patron de PME ou de TPE, c’est une vraie souffrance que de devoir se séparer de l’un de ses salariés. J’ai placé mon mandat sous le thème de l’agilité : un état d’esprit, une méthode de travail, une logique d’entrepreneur qui doit les aider à passer, avec leurs équipes, mais aussi leurs clients et fournisseurs, ce cap difficile. Cette agilité doit leur permettre de co-construire les produits et les marchés de demain.

La politique de croissance prônée par François Hollande est-elle de nature à favoriser les PME et les TPE ?

La productivité des entreprises françaises est bonne, reconnue, et les politiques doivent surtout s’atteler à ne pas enrayer cette machine. Le problème c’est qu’ils nous exhortent à la productivité hors coûts. «Soyez innovants, faites de la R&D», nous disent-ils. Mais, in fine, quand vous avez fabriqué votre produit, avec des charges incompressibles, et qu’à la sortie vous êtes 12 % plus cher que vos concurrents en Europe et 40% plus cher que le reste du monde, vous ne vendez pas.
Nous sommes d’accord pour accompagner une politique de croissance, mais les politiques doivent mettre les moyens pour que les TPE et PME en bénéficient (accès aux financements, accompagnement), et pas seulement les grands groupes qui, pour mémoire, captent 80 % du crédit impôt recherche. Donc il faut une politique hors coûts dynamique, mais attention de ne pas le faire au prix d’une dégradation de la compétitivité, avec le rajout de couches de charges (augmentation de cotisations, du smic…). Car cela n’irait pas dans le sens de la croissance voulue et fragiliserait un peu plus nos marges.

La réindustrialisation est l’un des grands thèmes de actuel. La France a-t-elle les ressources pour ne serait-ce que maintenir ce qu’il lui reste d’industrie ?

Je ne sais pas très bien ce que veut dire «Réindustrialiser la France». Fabriquer plus de voitures? Des ordinateurs? Mais ces marchés ont été pris par d’autres pays! Plus personne n’attend la France sur les «machines» et on ne peut pas décréter la réindustrialisation. Peut-être faudrait-il même revoir la définition du mot «industrie» et sortir du mythe de l’usine qui crache de la fumée et où l’on va travailler en 3×8 : Le web n’est-il pas une industrie ? L’industrie manufacturière, mondialisée et entre les mains de grands groupes, ne nous appartient presque plus. Pour nous réapproprier une industrie, il faut mettre en place un cadre favorable au développement endogène, se pencher sur les freins à l’entrepreneuriat. Lisser les effets de seuil, par exemple, qui font que les dirigeants hésitent à passer le cap des 49 salariés.
Je ne vois pas encore très clair dans ce que le gouvernement veut faire, mais ils ne sont là que depuis deux mois. Laissons-leur le bénéfice de la « jeunesse ».

Craignez-vous une aggravation des tensions sur le marché du financement des entreprises par les banques ?

La situation est sournoise. Cela freine de tous les côtés car les banquiers sont sous contrainte à cause de Bâle III. Mais attention à ne pas leur jeter à tous la pierre. Je pense que c’est difficile à vivre pour le chargé d’affaires de proximité. Celui qui connaît le chef d’entreprise, son affaire et ses perspectives. Celui qui est contraint de te dire «non» parce que cela ne rentre pas dans les cases et que Paris ne veut pas. Il souffre autant que toi. Il faudrait que le système bancaire réintroduise de la proximité dans le processus de décision.

On dit beaucoup que l’image du dirigeant a été abîmée par la crise…

Le problème, c’est que l’on met tout le monde dans le même panier, patrons du Cac40 et dirigeants de TPE et PME. C’est cela qui abîme l’image de l’entrepreneur. Il faut arrêter les amalgames. La plupart des patrons de PME gagnent entre 3000 et 5000 euros par mois. C’est deux fois moins que le moindre cadre dans un grand groupe. Ils jouent leur patrimoine personnel, revoient leur contrat de mariage. On prend de vrais risques pour faire vivre une communauté d’hommes et de femmes. C’est ça, le poumon de la France. Malheureusement, on ne le dit pas suffisamment.

Propos recueillis par Philippe Armengaud
Le Journal des Entreprises

Pour en savoir plus sur le Centre des jeunes dirigeants : www.cjd.net

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