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Energie, trésorerie, PGE : les enjeux des TPE/PME en cette rentrée sociale

Crise de l’énergie, tensions sur les trésoreries, remboursement des PGE, transition écologique… Les chefs des TPE-PME ont du pain sur la planche en cette rentrée. C’est ce qu’ont montré trois présidents d’organisations et mouvements patronaux le 13 septembre à l’AJPME (association des journalistes des PME).

Energie, trésorerie, PGE : les enjeux des TPE/PME en cette rentrée sociale
De gauche à droite : François Asselin, président de la CPME nationale, Mélanie Berger Tisserand, présidente du Centre des jeunes dirigeants (CJD) et Pierre Guillet, président du mouvement des entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC) au Petit Riche à Paris. © AJPME

84 200 €. Soit dix fois sa facture habituelle. C’est l’avis de prélèvement qu’a reçu en plein mois d’août le dirigeant d’une société alimentaire d’une dizaine de salariés. De fait, « il n’est plus en mesure de payer les salaires, constate avec amertume la présidente du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD), Mélanie Berger Tisserand. Il est actuellement dans une bagarre notamment pour mettre en œuvre le bouclier fiscal. C’est totalement inacceptable de se retrouver dans des situations comme celles-là. Il y a des lois qui aujourd’hui sont en train d’organiser la faillite de certaines TPE/PME. »

La présidente incrimine directement la loi Nome (nouvelle organisation du marché de l’électricité) de 2010 et le dispositif ARENH qui permet à tous les fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité auprès d’EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics. « Il va falloir que cette loi vole en éclats ». De son côté, le président de la CPME François Asselin s’inquiète de l’arrêt le 1er janvier prochain du bouclier tarifaire.

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Vers une révision du mode de calcul de l’énergie ?

« On comprend tout à fait que l’État ne puisse pas payer la facture de l’énergie pour les Français comme pour les entreprises. Mais on a du mal à comprendre le prix auquel on paie l’énergie et le prix auquel elle est produite. C’est un mécanisme qui a été décidé il y a bien des années au niveau européen. Il y a un an et demi l’exécutif disait agir au niveau européen pour modifier le mode de calcul de l’énergie. J’ose espérer que dans six mois le problème sera réglé », plaide le président. Relevant que les entrepreneurs, de toutes tailles d’entreprise, sont inquiets, et notamment les plus énergivores comme les boulangers qui ont qui plus est « un modèle économique très fragile ».

« La construction neuve se retrouve face à un mur : une fois les derniers chantiers livrés, ils ne savent pas comment remplir les carnets de commande »

Ce qu’a confirmé Mélanie Berger Tisserand, relevant que 31 % des membres du CJD se disent « très impactés » par l’augmentation du prix de l’énergie et 35 % « très anxieux » selon le dernier baromètre du CJD. Autre source d’inquiétude, notamment sur certains marchés comme celui de la construction neuve qui se retrouve « face à un mur : une fois les derniers chantiers livrés, ils ne savent pas comment remplir les carnets de commande », confie François Asselin.

Rallonger la durée d’amortissement des PGE

L’enjeu principal des chefs d’entreprise reste bel et bien la trésorerie. « Tous nos membres subissent de grosses tensions de trésorerie », note Pierre Guillet, président d’Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC). Ce d’autant plus qu’il y a « une imprévisibilité de leur activité pour les mois à venir ». Pour lui, « la situation est très compliquée » et les chefs d’entreprise ont « le sentiment d’avoir tous les fronts ouverts sur lesquels ils n’arrivent pas à avoir de prise ».

En termes de taxes, les multiples rebondissements et notamment le report de la suppression de la CVAE est perçu comme « un très mauvais signal », citant l’exemple d’un membre du mouvement, fabricant textile dans le Nord, « qui se voit imposer cette taxe quatre ans de plus alors qu’il avait établi dans ses budgets qu’elle ne serait plus due. C’est le coup de grâce ». « On craint de retrouver une instabilité fiscale et c’est délétère », regrette ainsi François Asselin, qui appelle de ses vœux à « un environnement favorable au développement des entreprises » et évoque la nécessité de « rester dans la moyenne européenne sur le coût du travail et sur la pression fiscale » pour ne pas risquer de « décrocher de nos concurrents ».

« Lorsque l’activité commence à s’effriter, l’entreprise se retrouve dans un effet de ciseau et rembourser son PGE devient un vrai problème alors qu’elle a un modèle économique viable »

Pour lui, les chefs d’entreprise sont actuellement « dans une sorte de brouillard et donc d’inquiétude ». Leur besoin ? « Retrouver un peu de visibilité ». Et Mélanie Berger Tisserand d’observer que les petites entreprises sont impactées par la hausse des prix et notamment par la hausse des prix de l’énergie qu’elles ne peuvent pas répercuter sur leurs clients ou leurs donneurs d’ordre.

Saluant les mesures de soutien prises pendant la crise covid dont les mesures d’endettement comme le PGE, le président de la CPME a réitéré sa demande pour que les entreprises puissent étaler le PGE au-delà de la durée actuelle d’amortissement « sans mettre complétement en défaut l’entreprise auprès de la Banque de France ». Pour rappel, la durée actuelle d’amortissement est normalement de six ans : deux ans de franchise plus quatre ans ou un an de franchise plus cinq ans. « C’est une durée qui est relativement courte mais facile à franchir si l’activité reste soutenue mais lorsqu’elle commence à s’effriter, l’entreprise se retrouve dans un effet de ciseau et rembourser son PGE devient un vrai problème alors qu’elle a un modèle économique viable ».

Pour lui, il est nécessaire de procéder au « cas par cas », rappelant que nombre d’entreprises, même si elles sont en difficulté et font face à un problème d’étalement de leur dette, sont « sur un marché porteur ».

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Financer la transition énergétique

Pour François Asselin, « Il y a toujours un subtil équilibre entre menaces et opportunités. Là, on sent que la menace grignote la partie opportunités ». Et de citer, parmi ces opportunités, la transition énergétique, un sujet avec « de l’activité pour des décennies dans plein de secteurs ». Il se félicite que les chefs d’entreprise soient en ordre de marche : « Je ne croise plus un chef d’entreprise qui pense son modèle économique de demain comme aujourd’hui. Il n’y a plus de climato-sceptiques, l’immense majorité veut y aller ». Mais l’exercice n’est pas simple. Ainsi, Mélanie Berger Tisserand met en avant la difficulté pour celles qui souhaiteraient repenser leur modèle économique de financer la transition énergétique : c’est quasiment « impossible », citant notamment le durcissement de l’accès au crédit et la hausse des taux d’intérêt, ce malgré le soutien de la Bpi ou de l’Ademe.

« À ce rythme-là, on y est encore en 2150 ! Pour faire la bascule, il faut investir massivement dans l’économie décarbonée »

De fait, la présidente du CJD se montre assez offensive sur le sujet. Pour elle, participer aux ateliers de la fresque du climat ou mettre en place de la mobilité douce ne suffit pas et à ce rythme-là, « on y est encore en 2150 ! Pour faire la bascule il faut investir massivement dans l’économie décarbonée ». Vent debout contre les répercussions sur les PME et notamment « l’avalanche administrative » que générera la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui obligera à partir de l’an prochain les grandes entreprises à communiquer annuellement sur leurs informations relatives aux problématiques RSE, François Asselin craint au contraire que cela décourage les chefs d’entreprise.

Pour lui, « les solutions ne doivent pas venir d’en haut. La RSE doit être sectorielle. Il faut demander aux filières professionnelles de travailler sur un référentiel de transition énergétique pour l’adapter à la réalité du secteur ». Autre piste de travail mise en avant par Mélanie Berger Tisserand, conditionner les aides ou les exonérations d’impôt « à une vraie volonté des entreprises de repenser leur modèle économique ».

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Charlotte de Saintignon

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