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Le travail en open space générateur de conditions de travail dégradées

Travail plus intense et plus contrôlé, moins porteur de sens et d’autonomie, sentiment d’insécurité de l’emploi accru... Pour la Dares la conclusion est claire : les conditions de travail en open space sont globalement moins bonnes que dans un bureau classique.

Le travail en open space générateur de conditions de travail dégradées
Les salariés en open space travaillent moins souvent 40 heures ou plus par semaine ou en horaires atypiques mais font face à une plus grande intensité du travail. © Getty Images

Ce ne sont pas moins de 3,2 millions de salariés qui travaillaient en open space en France en 2019, soit deux salariés de bureau sur cinq. Mais l’open space, qui a pourtant été plébiscité parce que censé favoriser la communication et la cohésion dans l’entreprise, expose-t-il finalement à des conditions de travail détériorées et à des risques professionnels plus grands ?

Oui, comme le démontre la Dares dans une étude publiée le 7 décembre. Certes ce mode d’organisation de l’entreprise a des avantages puisque le soutien entre collègues y est plus fort, les horaires moins extensifs, et l’espace de travail est moins souvent vétuste par exemple. Cependant, ces aspects positifs ne semblent pas compenser les points négatifs qui y sont attachés.

Des inconvénients liés au lieu de travail en lui-même

Premier corollaire des bureaux sans cloison ou en plateau ouvert : l’environnement est plus bruyant, ce qui peut affecter le travail par une distraction accrue, une intimité réduite ou des difficultés de concentration. Les salariés en open space sont ainsi plus nombreux à ne pas pouvoir entendre une personne qui leur adresse la parole sans qu’elle n’élève la voix (8 % contre 6 % en bureau classique). « Cela peut conduire à recourir à des stratégies d’adaptation, par exemple, en travaillant à la maison plutôt que dans les locaux de l’employeur ».

Les open space sont aussi souvent synonymes de lieux clos, dotés d’une ventilation artificielle. Les salariés qui y travaillent subissent donc plus fréquemment une température élevée (20 % contre 18 %).

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Davantage d’intensité et de contrôle, mais pas de soutien hiérarchique

Les salariés en open space travaillent moins souvent 40 heures ou plus par semaine ou en horaires atypiques, et ils sont moins amenés à effectuer des heures supplémentaires ou à emporter du travail à la maison.

Mais contre toute attente, ils font tout de même face à une plus grande intensité du travail. 39 % d’entre eux sont soumis à au moins trois contraintes de rythme (contraintes techniques, dépendance immédiate vis-à-vis du travail de collègues, contrôle ou suivi informatisé, etc.), contre 33 % de ceux en bureau classique.

 

Ils doivent également plus fréquemment interrompre une tâche pour en effectuer une autre non prévue (77 % contre 75 %). Bref, leur rythme de travail est plus contraint.

S’ajoute à cela le fait que l’open space favorise le contrôle des horaires et que le rythme de travail est plus souvent imposé par un suivi informatisé (42 % contre 36 %) ou par les surveillances permanentes de la hiérarchie (22 % contre 18 %).

Et malgré la présence d’un collectif de travail à proximité immédiate, les salariés en bureau ouvert ne se sentent pas davantage soutenus par ladite hiérarchie. De même, ils sont un peu moins nombreux à disposer d’informations claires et suffisantes pour effectuer correctement leur travail (74 % contre 77 %).

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Une perte de sens du travail …

« Le travail est moins porteur de sens pour les salariés en open space que pour les salariés en bureau classique ». Cela se traduit par :

  • un moindre sentiment d’utilité sociale. Ces salariés obtiennent moins de respect et d’estime pour leur travail, ils éprouvent moins souvent la fierté du travail bien fait (59 % contre 64 %) et le sentiment de faire quelque chose d’utile aux autres (60 % contre 67 %) ;
  • des conflits de valeur plus prégnants. Les salariés doivent ainsi un peu plus souvent faire des choses qu’ils désapprouvent (9 % contre 7 %) ;
  • un sentiment d’insécurité par rapport à la situation professionnelle plus fort, notamment car les travailleurs en open space ont plus fréquemment vécu des changements organisationnels (44 % contre 34 %). Ils craignent alors plus pour leur emploi (18 % contre 16 %).

Finalement, les salariés travaillant en open space sont moins nombreux à se sentir capables (61 % contre 70 %) et à avoir envie (46 % contre 57 %) de faire le même travail jusqu’à la retraite.

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… et une santé altérée

De tous ces constats il ressort assez logiquement que l’état de santé des salariés en open space est un peu moins bon que celui de ceux en bureau classique. Si l’on regarde les chiffres bruts, ils sont certes un peu moins nombreux à déclarer un état de santé altéré (18 % contre 20 %). « Mais cela est dû à des caractéristiques favorables, comme le fait qu’ils sont en moyenne plus jeunes ».

Une fois tenu compte de ces différences, la tendance s’inverse, comme le montrent les statistiques sur les arrêts maladie. Les absences pour raisons de santé sont ainsi bel et bien plus fréquentes en open space puisque 34 % des salariés ont déclaré avoir eu au moins un arrêt maladie (hors maternité) au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête, contre 27 % en bureau classique.

« Ce phénomène pourrait s’expliquer, d’une part, par une exposition au bruit et aux virus plus importante en open space, et d’autre part, par des facteurs de risques psychosociaux ». Par exemple, le manque d’autonomie, plus marqué en open space, est un facteur de risque de maladies cardiovasculaires et mentales.

Et côté santé psychique, les salariés en bureau ouverts sont un peu plus nombreux à avoir un risque élevé de dépression.

Qui sont ceux qui travaillent en open space ?

Par rapport aux salariés en bureau classique, ceux en open space sont globalement plus jeunes et plus urbains puisque 21 % d’entre eux ont moins de 30 ans (contre 13 %) et 59 % résident dans une aire urbaine d’au moins 500 000 habitants (contre 45 %).

Autre caractéristique, près des trois quarts se regroupent sur 20 métiers, les ingénieurs et cadres d’étude, cadres administratifs et techniciens des services administratifs étant particulièrement sur-représentés.

La pratique est enfin plus répandue dans les grands établissements et dans le secteur privé, mais moins pour les postes d’encadrement ou en contact avec le public. Et sans surprise, open space et télétravail important sont souvent liés.

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Elise Drutinus

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