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L'égalité femmes-hommes au travail encore loin d’être une réalité

« Quand on regarde les milieux de travail aujourd’hui, même si l’égalité fait partie de nos devises et qu’il y a des politiques ambitieuses, on s’aperçoit que les choses évoluent très très très lentement », résume Florence Chappert, responsable de la mission Egalité intégrée à l’Anact lors d'un webinaire qui s’est tenu jeudi 8 février.

L'égalité femmes-hommes au travail encore loin d’être une réalité
Là où les accidents de travail diminuent pour les hommes, ils augmentent pour les femmes (+ 42 % en 18 ans). © Getty Images

Vendredi dernier, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) fêtait ses 50 ans. À cette occasion, l’association s’est penchée sur une problématique qui a fait l’objet de nombreuses évolutions sur la période, tant sociétales qu’en termes de politiques publiques : les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes.

Des évolutions oui, mais pour quels résultats ? Marie Ségur, directrice d’études à Futuribles, a retracé l’histoire de la question du genre et de ses luttes militantes, avec pour conclusion le fait que nous sommes actuellement dans une « période de recomposition » marquée par la révélation à grande échelle des violences faites aux femmes dans les espaces privés comme professionnels.

En parallèle, la part des femmes au travail s’accroît toujours plus et a considérablement transformé le profil des entreprises, les amenant à une prise de conscience des inégalités. Sauf que cela ne semble toujours pas suffire, ce qui interroge sur l’avenir.

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Des écarts de taux d’activité et de salaires toujours significativement en défaveur des femmes

Florence Chappert, responsable de la mission Égalité intégrée à l’Anact, dresse un état des lieux assez inquiétant. Le taux d’activité des femmes demeure nettement inférieur à celui des hommes. « – 6,2 points, c’est énorme ». Mais plus grave selon elle, cet écart persiste quelle que soit la tranche d’âge, atteignant même – 8,4 points chez les 25-49 ans, signe que les statistiques ne s’améliorent pas avec les générations.

Pourquoi ? « Un des éléments majeurs est l’engagement dans la maternité » puisqu’avoir des enfants est encore et toujours un frein à l’activité des femmes. En effet, plus de 40 % de celles qui ont trois enfants dont au moins un de moins de trois ans sont inactives, peu importe qu’elles soient ou non en couple.

Le progrès n’est pas plus notable côté écart de salaires : il ne s’est réduit que de 2 % en 20 ans. En équivalent temps plein et à poste et profil égaux, les femmes gagnent toujours plus de 16 % de moins que les hommes. En salaire réel, si l’on prend en compte les heures supplémentaires et le temps partiel donc, ce douloureux score monte même à – 22,3 %… Et sans surprise, parmi les bas salaires on retrouve 70 à 80 % femmes, alors que les rémunérations élevées concernent surtout des hommes.

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Des risques professionnels propres aux femmes invisibilisés

Mais ce que souligne aussi Florence Chappert, c’est que qu’il y a encore très peu de mixité dans les métiers. 20 % seulement sont mixtes (c’est-à-dire que le sexe minoritaire représente au moins 40 % de la profession), soit une progression quasi nulle en 20 ans. La part des femmes dans certains métiers très masculinisés (conducteur d’engins, secteur du numérique, etc.) a même régressé.

Un problème d’autant plus important que l’on constate que les métiers quasi exclusivement féminins sont de plus en plus exposés à la pénibilité. Un exemple frappant : dans les métiers de service tels que aide à domicile ou ménagère (95,2 % de femmes), on recense pas moins de sept des huit facteurs d’exposition aux risques professionnels, contre quatre dans les métiers masculinisés ouvriers. « On voit en conséquence des états de santé de plus en plus dégradés pour les femmes, avec un absentéisme de 30 % à 40 % supérieur à celui des hommes du fait des contraintes de travail auxquelles elles sont exposées » .

Et là où les accidents de travail diminuent pour les hommes, ils augmentent pour les femmes (+ 42 % en 18 ans), elles ont deux fois plus de risque de troubles musculo-squelettiques, etc. Bref, pour la spécialiste, les contraintes de travail ne sont pas assez adaptées aux contraintes physiques des femmes et leurs risques professionnels sont invisibilisés, du fait notamment du peu de prévention qui existe dans les métiers féminisés.

Finalement, ce n’est que récemment que les risques spécifiques aux femmes ont été traités (endométriose, cancer du sein, ménopause, règles, etc.), et c’est loin d’être optimal.

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Un avenir qui ne semble pas forcément prometteur

Ce sombre paysage va-t-il s’éclaircir ? Pas sûr pour Marie Ségur. La diffusion des luttes, les médias ou encore les réseaux sociaux influencent beaucoup la société et changent vite les perceptions et comportements. Mais en même temps, on observe une radicalisation des opinions et l’émergence de bulles « masculinistes ». Surtout, elle craint que la période de dégradation de notre environnement que nous vivons (changement climatique, précarisation, etc.) ne fasse disparaitre ou passer au second plan les revendications de genre.

De même, comment bâtir des règles de travail qui équilibrent l’individualité et l’exigence de cohésion sociale ? Comment trancher entre égalité ou équité ? Florence Chappert parle de « casse-tête chinois pour les RH ». Elle appelle au passage à se poser la question de l’équilibre femmes-hommes sur tous les sujets liés à l’entreprise.

Par exemple, sur la semaine quatre jours, elle évoque un cas où l’on s’est finalement rendu compte que cette possibilité, censée dégager du temps pour tous, ne s’adressait en fait qu’à des hommes car les femmes occupaient des postes de support nécessitant leur présence tous les jours.

Repenser le travail et prendre en compte le genre pour transformer plus en profondeur les organisations semble donc urgent…

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Elise Drutinus

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