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L’émergence des méga-plateformes d’innovation signe-t-elle la fin de l’esprit collaboratif ?

Des plateformes d’innovation format XXL s’implantent un peu partout en France. En apparence c’est une excellente nouvelle pour le développement de l’entrepreneuriat français. Mais quelques conséquences sont à envisager.

L’émergence des méga-plateformes d’innovation signe-t-elle la fin de l’esprit collaboratif ?

Après avoir consacré une étude aux plateformes d’innovation franciliennes en 2017, le cluster Innovation Factory (un réseau d’entreprise constitué majoritairement de TPE-PME) et Bpifrance Le Lab ont une nouvelle fois collaboré cette année. En 2018, les deux organisations se sont intéressées au « rôle des plateformes d’innovation dans les écosystèmes régionaux ». En la matière, « la France affiche une spécificité particulière : le nombre de méga-plateformes qui émergent dans le territoire est l’un des plus important d’Europe » annonce fièrement Valérie Merindol, enseignante-chercheuse de la Chaire NewPIC de Paris School Business. Avec son collègue, David W. Versailles, ils forment l’équipe qui a animé ce projet de recherche. Ensemble, ils ont étudié 4 méga-plateformes françaises : Station F à Paris, Euratechnologies à Lille, thecamp à Marseille et Bel Air Camp à Villeurbanne. Ces nouvelles venues se distinguent des plateformes d’innovation classiques par la taille de leurs locaux, leurs communautés ainsi que leurs moyens financiers. Elles poussent à toute vitesse : une dizaine est actuellement installée ou en cours de construction en France. Mais les chercheurs s’interrogent sur leur implantation rapide : n’y a-t-il que des avantages à cette propagation fulgurante des méga-plateformes ?

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Un futur mitigé

Avec un besoin d’espace important, ces gros complexes s’installent prioritairement en banlieue ou en en province. Une aubaine pour dynamiser les tissus entrepreneuriaux de toute la France. Ce dessein pousse d’ailleurs des entrepreneurs à s’engager pour développer bénévolement l’entrepreneuriat local. « Nous avons rencontré un créateur d’entreprise strasbourgeois très engagé dans le développement de l’entrepreneuriat local, se souvient Valérie Merindol. Quand nous lui avons demandé ce qui le motivait, il a répondu : « j’ai envie de rendre au territoire ce qu’il m’a donné. Je souhaite aussi qu’il se passe quelque chose dans cette ville, sans quoi je devrais m’en aller, ce que j’aimerais éviter. »

Mais dans leur rapport, les chercheurs déclarent être assez dubitatifs sur « la viabilité à moyen terme » de ces méga-plateformes d’innovation. « Si pour certaines d’entre elles, le potentiel d’attractivité à l’échelle internationale existe et semble déjà important, notent-ils, leur développement dépend de l’existence d’une masse critique suffisante de talents, d’entrepreneurs ainsi que d’infrastructures de transport sur un territoire. »

Trop nombreux pour coopérer ?

Pas de plateforme d’innovation, donc, sans communauté. En effet, ces lieux permettent des rencontres improbables et cassent les barrières qui s’érigent naturellement dans la société. C’est ce qui fait tout le charme de ces viviers atypiques et qui attire des milliers d’entrepreneurs. Avec les méga-plateformes émergent les « plateformes de plateformes » comme Station F. Un seul lieu regroupe de nombreux incubateurs, accélérateurs et autres structures d’accompagnements. Sauf qu’à penser trop grand, les chercheurs craignent que les relations entre les entrepreneurs se ternissent. « Quand on se connaît tous, lorsque l’on a connaissance des projets et des ambitions des uns et des autres, on se soutient. Mais plus il y a de monde, moins on se connaît intimement, alors on ne s’entraide plus. Dès que les liens entre les incubés deviennent faibles, l’essence même de la plateforme d’innovation se casse la figure. »

Parallèlement, ces plateformes XXL permettent aussi d’acquérir une visibilité à l’échelle mondiale. Elles changent donc les règles établies, comme le constate le rapport : « Avec l’émergence des méga-plateformes, cette logique de « coopétition » devrait se construire à l’échelle de l’ensemble du territoire national ou dans un cadre transfrontalier à l’échelle de l’Europe. […] Ces méga-plateformes attirent dès aujourd’hui des entrepreneurs et des projets qui dépassent les écosystèmes régionaux où elles sont installées. »

Une autre possibilité est même envisagée. Contrairement aux idées reçues, il se pourrait que ce soient les PME et ETI qui viennent au secours des méga-plateformes. Représentant à la fois des cibles pour les offres de services et des partenaires pour construire une stratégie, elles pourraient être le moteur de ces gigantesques machines.

 

Melissa Carles 

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