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Transformation numérique des TPE/PME : les pistes du Sénat pour combler le retard
Inscrire l’immatériel à l’actif du bilan, créer un crédit d’impôt pour les artisans et commerçants ou instaurer un bac pro « services numériques »… La sénatrice Pascale Gruny a lancé ce mardi 14 pistes pratiques pour secouer le cocotier.
40 auditions, 3 déplacements à l’étranger et plusieurs témoignages pour un constat sénatorial plus préoccupant que surprenant : la transformation numérique des TPE/PME françaises ne décolle pas. En 2019, la France, 15ème au classement DESI (indice européen relatif à l’économie et à la société numériques), « reste loin derrière les pays les plus performants de l’Union », déplore Pascale Gruny (LR) dans son rapport d’information livré ce mardi 9 juillet. Le décalage entre la maturité numérique des consommateurs et celle des TPE/PME est édifiant : 7 consommateurs sur 10 achètent et paient en ligne, 1 PME sur 8 fait usage de solutions de vente en ligne. Les raisons de la déconvenue ? Un blocage culturel, un manque de formation. Entre la jeunesse de la Station F et les dirigeants TPE/PME des arrière-fiefs, le fossé se creuse. Quant à la formation, le Danemark, qui enseigne les rudiments du codage dès la maternelle, fait figure d’épouvantail. Déçue par l’initiative France Num qui peine à déployer ses ailes, la rapporteure entend renforcer le rôle des experts-comptables, premiers interlocuteurs des TPE/PME. Elle mise également sur l’attraction vertueuse des TPE/PME exemplaires en la matière (sur l’effet boule de neige des success stories).
Transformation numérique des TPE/PME : la formation, au cœur des recommandations
La France est encore frappée d’ « illectronisme » selon l’expression du CSA. À l’instar des pays nordiques, la rapporteure souhaite que l’écosystème numérique soit appréhendé dès l’école primaire. Le rapport Gruny préconise la systématisation de l’évaluation PIX (service public en ligne de certification des compétences numériques) et la création d’un baccalauréat professionnel « services numériques ». 190 000 postes sont à pourvoir dans le numérique d’ici 2022 selon le ministère du travail.
Quant à la génération illectronée, le rapport mise sur un renforcement de l’existant. La plateforme France Num créée à cet effet (mais encore trop peu connue) doit aller au bout de ses objectifs. « Aucun expert-comptable n’aurait été réellement approché par une PME via cette plateforme depuis son lancement », dénonce le rapport. Parmi les 900 activateurs que compte l’initiative, 500 experts-comptables engagés à accompagner plus d’1 million de TPE/PME en 3 ans étaient pourtant prévus au programme. « Mettre en place quelque chose qui ne démarre pas coûte cher », fustige la sénatrice. C’est pourquoi cette dernière propose que les prestations de France Num soient désormais notées par les bénéficiaires. Il convient d’avoir « un gage pour que les prestations soient à la hauteur du terrain », justifie Pascale Gruny.
Autres propositions : un volontariat numérique en TPE/PME sur le modèle des VIE (pour les besoins digitaux ponctuels), une rencontre « numérique » annuelle au niveau national et régional réunissant tous les accompagnateurs publics et privés (pour savoir à quelle porte toquer, cf. infographie) ou bien une information pour tous délivrée par les maisons de service public sur la cybersécurité (la menace d’aujourd’hui et de demain qui concerne tout particulièrement les petites structures). De nombreux outils sont également à la disposition des entreprises, la rapporteure regrette le manque de lisibilité dans l’organigramme des accompagnateurs (cf. EvalNumPME, achatville.com, le site CCI store, etc.).
Transformation numérique des TPE/PME : enfin la part belle à l’immatériel
Côté financement, le rapport Gruny innove en proposant de créer un chéquier numérique unique valable sur tout le territoire « unifiant les critères d’attributions des aides régionales à la transition numérique ». Aujourd’hui, l’attribution est inégale, elle dépend des choix des élus. En outre, la création d’un crédit d’impôt à la formation (techniques commerciales, méthode d’animation et d’accueil sur internet) et à l’équipement au numérique (une réduction de 50 % et à hauteur de 5 000 € le coût d’équipement en appareils numériques pour le e-commerce) des artisans et commerçants de détail est proposée.
Surtout, Pascale Gruny entend offrir la possibilité aux TPE/PME « d’inscrire à l’actif du bilan l’ensemble des investissements matériels ou immatériels concernés, y compris les prestations de conseil et de formation ». Un petit pas pour Bercy, un grand pas pour les TPE/PME qui peinent à financer le numérique par le crédit (les banques s’inquiètent des incertitudes inhérentes à ce type d’investissement). « Si l’immatériel est la clef de la nouvelle économie, alors il faut s’en donner les moyens. Il s’agit là d’une question de cohérence », coupe court la sénatrice. À noter, l’investissement moyen initial représente « entre 5 000 et 25 000 € ».
De même, devant s’éteindre fin 2020, le dispositif de suramortissement (déduction de 40 % de la valeur de l’investissement) pour les investissements de robotisation et de transformation numérique des PME est appelé par la rapporteure à devenir pérenne.
Transformation numérique des TPE/PME : pour la régulation du secteur des télécoms
À l’heure de la 5G, le dysfonctionnement des réseaux dont souffrent certaines TPE/PME détonne. Deux freins à la transformation numérique des TPE/PME en ce domaine : la concurrence « ne s’organise pas naturellement sur le marché des télécoms » et la fracture numérique en France est bien réelle. Selon le rapport, les grands opérateurs « oublient de raccorder des immeubles accueillant des entreprises ou commerces même au sein des zones où les immeubles résidentiels étaient, eux, raccordés ». Si les interlocuteurs locaux sont invités à davantage communiquer sur les droits des entreprises dans leurs relations avec les grands opérateurs, Pascale Gruny entend renforcer les pouvoirs de l’Arcep et de l’Autorité de la concurrence pour casser le duopole SFR/Orange (dans le but de faire émerger des offres attractives pour les TPE/PME) et les contraindre à respecter leurs obligations de déploiement (dans les territoires à faible densité par exemple).
Enfin, face à la mainmise des grandes plateformes numériques, la sénatrice appelle de ses vœux l’instauration d’une procédure simple de règlement des différends. Pour rappel, la plupart des géants du web ont signé fin mars une charte e-commerce assurant aux TPE/PME utilisatrices les conditions d’une « relation équilibrée, transparente et loyale ». Seul hic : Amazon manque à l’appel.
Matthieu Barry
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