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[Coronavirus] Pierre Durieux, dirigeant PME dans le BTP : « Les chefs d'entreprise n'ont pas à être responsables ! »

Depuis le confinement, l'entreprise familiale de Pierre Durieux, fabricant et installateur de fermetures en Haute-Loire, tourne au ralenti. Lui et ses 28 salariés, pour la plupart au chômage partiel, ont hâte de reprendre le travail dans les conditions désormais officialisées dans le « guide de bonnes pratiques ». Rencontre.

[Coronavirus] Pierre Durieux, dirigeant PME dans le BTP : « Les chefs d'entreprise n'ont pas à être responsables ! »
Le premier édile dunièrois estime qu'il aurait fallu que ce « guide de bonnes pratiques » écrive noir sur blanc que la responsabilité de l’employeur ne sera pas engagée en cas de contraction du virus par un de ses salariés. © Pierre Durieux

Pierre Durieux, fondateur de Durieux-Fermetures, est fabricant et installateur de fermetures extérieures depuis 20 ans à Saint-Romain-Lachalm en Haute-Loire. Il a été élu maire de la commune de Dunières (43) dès le premier tour le 15 mars 2020. La publication du guide de bonnes pratiques pour le secteur du BTP ne clôt pas le débat. Interview.

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  • Comment avez-vous géré le confinement au sein de votre entreprise ?

J’ai fermé l’entreprise dès le lendemain de l’annonce du confinement. En tant que citoyen, on se doit de respecter cette décision quelque soit nos opinions politiques.

Pendant une semaine entière, tout le monde était à l’arrêt. Ensuite, nous avons pris les mesures de précaution nécessaires (distance, gobelet, assiette à usage unique, gants, etc.) pour que les 6 personnes de l’atelier puissent continuer à produire les commandes en cours. Mais on ne pourra pas travailler éternellement sur nos stocks si les fournisseurs restent fermés.

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  • La majorité de votre équipe est au chômage partiel. Que pensez-vous des mesures annoncées par le gouvernement pour aider les entreprises à traverser cette crise ?

À ce stade, ce ne sont que des annonces. Aujourd’hui les employeurs doivent toujours payer les salaires quoiqu’il arrive, et pour les entreprises qui n’ont pas de trésorerie suffisante, ce n’est pas possible.

La prise en charge du chômage partiel est une bonne mesure, mais elle ne rentrera en vigueur qu’une fois que les entreprises seront remboursées par l’État. Dans combien de temps ? Cela on ne le sait pas.

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  • La mise en place de ces mesures est-elle difficile pour les entreprises ?

Aujourd’hui, on demande de plus en plus au chef d’entreprise, qui doit à la fois gérer sa structure, éventuellement des salariés et être à la production. En temps de crise, faire les deux c’est impossible. Les plus petits laissent courir car ils ont pas le temps. J’ai la chance d’avoir une équipe dédiée pour s’en occuper, en l’occurrence ma femme et mon fils qui font toutes les démarches administratives et la comptabilité. Seul, je n’y arriverais pas.

  • Le « guide de bonnes pratiques », validé et diffusé le 2 avril dernier par les pouvoirs publics, met en place un protocole pour permettre la reprise des chantiers. Qu’en pensez-vous ?

Tout le secteur l’attendait depuis 15 jours, maintenant il faut le digérer.

La mise en œuvre du protocole sera très lourde pour les entreprises, aussi bien pour les chantiers que les travaux chez les particuliers. Obtenir l’accord du coordinateur de la sécurité, désigner un référent Covid-19, faire remplir les questionnaires de santé pour les clients et les salariés, tout cela demande du temps et forcement un manque à gagner pour l’entreprise. Mais il est difficile de parler de travail quand la santé est en cause. Ce document a le mérite de nous permettre de choisir.

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  • Les employeurs ont peur de voir leur responsabilité engagée si un de leurs salariés attrape le virus. Les mesures prévues dans le guide vous rassurent-elles sur ce point ?

Pas vraiment. Au delà de prévoir les mesures de précaution (cf. encadré), il aurait fallu que ce « guide de bonnes pratiques » écrive noir sur blanc que la responsabilité de l’employeur ne sera pas engagée en cas de contraction du virus par un de ses salariés.

« Qui prouve qu’il l’aura attrapé en travaillant et pas en allant faire ses courses ? »

C’est à l’État d’être responsable de la santé de ses citoyens. Aujourd’hui, la responsabilité des employeurs est exagérée et forcement, on a peur. Qui prouve qu’il l’aura attrapé en travaillant et pas en allant faire ses courses ?

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  • Aux dernières élections, vous avez été élu maire de la commune de Dunières, en Haute-Loire. Qu’auriez-vous fait pour gérer la crise sanitaire si vous aviez pu prendre vos fonctions ?

Dunières est une petite commune de 3 000 habitants ; j’aurais commencé par répertorier toutes les personnes dans le besoin, souvent les plus discrètes, pour leur apporter le soutien nécessaire. En parallèle, il aurait fallu préparer le redémarrage économique et réfléchir à des actions sur le court, moyen et long terme, notamment avec les commerçants. Les communes seront en première ligne de cette crise, il va falloir les faire renaître !

Les principales mesures du « guide de bonnes pratiques »

  • obtenir l’autorisation préalable des clients, particuliers ou maitres d’ouvrage, avant tout reprise de chantier via un questionnaire à faire remplir ;
  • vérifier la santé de ses salariés via un questionnaire de santé ;
  • autorisation préalable du coordinateur de la sécurité (CSPS) sur les chantiers où travaillent plusieurs corps de métier ;
  • désignation d’un référent Covid-19 au sein de chaque entreprise ;
  • affichage des règles de précaution dans les locaux de l’entreprise, bureaux et ateliers ;
  • respecter les gestes barrières : masques, distance minimum d’un mètre, lavage intensif des mains, etc.

Propos recueillis par Emmanuelle Bernard

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