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[Coronavirus] BTP : pas de sécurité, pas de fourniture, pas de chantier

Malgré l'accord passé samedi 21 mars entre les représentants du BTP et le gouvernement pour permettre la continuité de l'activité, tous les chantiers restent à l'arrêt dans l'attente de consignes précises. Au-delà de la peur des poursuites pénales, l'absence de fournitures paralyse le secteur. Témoignages.

[Coronavirus] BTP : pas de sécurité, pas de fourniture, pas de chantier
« Le redémarrage s'annonce compliqué car il va falloir travailler beaucoup plus dur pour rattraper le temps perdu », souffle Philippe Boulliard à la tête d'une entreprise de plâtrerie peinture à Saint-Etienne. © Adobe Stock

[Mis à jour le 3 avril 2020 à 20h00] Le « guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction en période d’épidémie de coronavirus Covid-19 » a été publié le 2 avril 2020. Il sera révisé et mis à jour en tenant compte des évolutions de la pandémie et des préconisations issues du gouvernement avec une veille quotidienne assurée par l’OPPBTP. 

« Le problème dans le BTP, c’est que tout est lié », souligne Philippe Boulliard à la tête d’une entreprise de plâtrerie peinture à Saint-Etienne, à l’arrêt depuis l’annonce du confinement mardi dernier. Pour lui, la sécurité de ses hommes est la priorité, « or sur un chantier où plusieurs corps de métiers sont présents, il est impossible d’appliquer les mesures de précaution, et forcement les chefs d’entreprise ont aussi peur d’engager leur responsabilité au pénal », assure le chef d’entreprise qui a préféré mettre d’ emblée ses 10 salariés en chômage partiel. Et de rajouter : « on pourrait finir certains chantiers de façade extérieure où il est possible de travailler à distance mais on manque de fournitures ».

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Tous les fournisseurs sont fermés

Le secteur du BTP est paralysé par le manque d’approvisionnement. Au début du confinement, il était encore possible de passer commande en ligne sur la Plateforme du bâtiment notamment puis d’aller la chercher à l’un de leur dépôt. Mais très vite la situation s’est engorgée. En région parisienne, « il fallait compter plus d’une demi journée pour récupérer ses matériaux au dépôt », témoigne Sébastien Wilk, gérant d’une petite entreprise générale avec son père.

Idem à Saint-Etienne, où tous les fournisseurs sont désormais complètement fermés. « Même si les entreprises ont un peu de stocks de côté, type peinture blanche, on ne peut pas tenir très longtemps sans approvisionnement en matière première », affirme Philippe Boulliard. Pas vraiment inquiet sur le long terme pour la pérennité de son entreprise qui a « la chance d’être en bonne santé », le chef d’entreprise stéphanoise l’est davantage pour le « redémarrage qui s’annonce compliqué car il va falloir travailler beaucoup plus dur pour rattraper le temps perdu ».

Des inquiétudes sur la pérennité des petites entreprises

« On a pu terminer nous mêmes un chantier chez des particuliers qui nous connaissent bien, témoigne Sébastien Wilk, mais depuis nous sommes au chômage partiel tous les deux ». De son côté pas de salarié, mais des sous-traitants « à la mission » qui ne souhaitent pas prendre le risque de poursuivre les chantiers. « Heureusement, ce sont des gens de confiance avec qui je n’ai pas de risque en terme de responsabilité », précise Sébastien qui s’inquiète surtout pour l’avenir de sa société. « J’étais en phase finale de changement de statut pour embaucher un ou deux salariés mais tout a été suspendu à cause du virus, regrette le jeune gérant, aujourd’hui tous mes projets sont à l’arrêt. »

Du côté des architectes, l’activité se tasse un peu plus en douceur grâce au télétravail. « Hormis les suivis de chantiers, nous pouvons encore avancer sur nos projets en conception ou consultation des entreprises et en profiter pour faire ce que l’on a jamais le temps de faire », relativise Francis Grousson, architecte à Saint-Etienne. Pour autant lui aussi est inquiet sur l’avenir des ses projets dont beaucoup dépendent de financements publics, comme un lycée professionnel et une maison de retraite. « Pour l’instant, tout est suspendu, c’est après que l’on va le plus souffrir ».

Pas de reprise des chantiers sans consignes claires

Malgré la volonté affichée des pouvoirs publics d’assurer la continuité de l’activité, les recommandations restent encore très floues. Le « guide de bonnes pratiques » précisant l’ensemble des principes sur lesquels se sont accordés le gouvernement et les représentants du secteur samedi 21 mars, en particulier les mesures de précautions à mettre en œuvre par les employeurs pour éviter d’engager leur responsabilité est attendu dans les prochains jours.

Elaboré par les professionnels du secteur et les experts de l’Organisme professionnel de prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP), il est doit encore être validé par le ministère du travail. D’ici là, la consigne des organisations professionnelles du secteur est ferme : pas de reprise des chantiers !

Les obligations de l’employeur en cas de maintien de l’activité (en attente d’être précisés par le guide de bonnes pratiques) :

  • avoir l’accord du maître d’ouvrage et de ses salariés ;
  • intégrer les risques spécifiques liés à l’épidémie actuelle dans le document unique d’évaluation des risques (DUER) ;
  • port du masque respiratoire (utilisation possible d’un masque à cartouche FFP3 ou TMP3P) ;
  • fourniture de gants ;
  • assurer une distance d’au moins 1 mètre entre chaque salarié sur les chantiers ;
  • rappeler aux salariés les gestes «d’hygiène barrières » édictées par le gouvernement ;
  • fournir une attestation de déplacement dérogatoire à ses salariés.

Emmanuelle Bernard

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