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« Écourter le délai légal de paiement n’est pas la priorité »

Raccourcir le délai légal de paiement est-ce la solution pour réduire les retards ? Trois experts en débattent.

« Écourter le délai légal de paiement n’est pas la priorité »

Bruno Le Maire s’est prononcé favorable à une diminution du délai légal de paiement le 3 octobre dernier, lors d’une réunion au cabinet ARC. Une volonté que Jeanne-Marie Prost, présidente de l’Observatoire des délais de paiement, juge prématurée. « Avant de se demander s’il faut encore réduire les délais de paiement, […] il faut d’abord faire respecter la loi » justifie-t-elle. En effet, la moyenne des retards de paiement en France est de 10,9 jours selon les données d’Altares. De nombreuses entreprises ne respectent donc pas le délai légal de paiement qui est de 60 jours depuis la date d’émission ou de 45 jours fin de mois en cas d’accord entre les deux parties. Pour limiter les abus, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) mène 2500 contrôles par an avec un certain ciblage sur les grands groupes, réputés comme mauvais payeurs. Mais ce qui inquiète Jeanne-Marie Prost, c’est un déséquilibre parmi les PME : « je redoute qu’en baissant le délai légal de paiement, Bruno Lemaire crée une forte disruption : il y aura forcément des gagnants et des perdants » prévient-elle.

Une inégalité des secteurs

Parmi les gagnants, il y aurait les PME qui travaillent avec la grande distribution. Dominique Amirault, président de la fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), est convaincu que « réduire le délai de paiement serait bénéfique pour les petites entreprises fournisseurs de la grande distribution. Les grandes enseignes sont payées au jour le jour par les consommateurs donc n’auront aucun problème à suivre le mouvement. Cela réduirait la dépendance des PME aux banques. » La Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME) n’est pas de cet avis. Elle « représente plusieurs secteurs d’activité et ne peut donc pas se conformer à un autre délai de paiement » se défend Frédéric Grivot, vice-président de l’association. « Ce que l’on ne veut absolument pas, par contre, ce sont des dérogations supplémentaires. » Le délai de paiement légal n’est pas, en effet, l’unique sujet de débat pour les PME. La mauvaise volonté des grandes entreprises est aussi mise en cause.

« Plus on est gros, plus on paie mal »

« Dans le secteur des produits de grande consommation il y a des […] situations problématiques, témoigne Dominique Amirault. Beaucoup de retards sont dûs à l’accroissement des pénalités directement déduites de la facture sans dialogue préalable. Par exemple, si une PME traite avec Leclerc et que son camion a 10 minutes de retard lors de sa livraison, l’enseigne retire 10 € sur la facture sans que le fournisseur ne soit au courant. » Ce cas illustre le mauvais comportement de nombreuses grandes sociétés. Pour Jeanne-Marie Prost, le fait s’est souvent vérifié : « plus on est gros, plus on paie mal ». Mais selon elle, la politique du « name & shame » se veut efficace car « il y a des risques de réputation à être mentionné. »

« La dématérialisation sera bénéfique »

La présidente de l’Observatoire des délais de paiement tient aussi à nuancer le baromètre publié par le cabinet ARC révélant une « explosion des retards » de paiement des PME en 2017. « L’étude a été reprise sans aucune précaution. Selon les chiffres d’Altares, la situation n’a jamais été aussi positive. Concernant les retards, la France est juste derrière les Pays-Bas et l’Allemagne. Ça s’améliore, c’est indiscutable. » Le vice-président de la CPME soutient cet avis et stipule que « les améliorations sont spectaculaires entre 2010 et 2016. » Selon eux, cette amélioration continue dans la bonne direction avec la facturation électronique, « qui aura un impact positif sur les délais de paiement. »

 

Melissa Carles

 

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