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Le salarié peut demander une provision en référé pour des congés payés non pris pendant son arrêt maladie

Par deux arrêts des 7 et 21 février 2024, la cour d'appel de Bordeaux applique la solution de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 sur les congés payés en cas de maladie. Elle accepte que le salarié puisse demander en référé une provision sur les sommes dues par l'employeur pour les congés non pris.

Le salarié peut demander une provision en référé pour des congés payés non pris pendant son arrêt maladie
Dans la première affaire, la cour d'appel confirme la décision du conseil de prud'hommes, saisi en référé, qui a alloué à la salariée, une somme provisionnelle correspondant à 67 jours de congés payés, soit 10 003,71 euros. © Getty Images

La cour d’appel de Bordeaux, dans deux arrêts rendus ce mois-ci, met en application la solution dégagée par la Cour de cassation, le 13 septembre dernier, relativement aux congés payés en cas de maladie du salarié.

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Le salarié peut obtenir en référé une somme provisionnelle pour les congés non pris

Le premier arrêt, du 7 février, présente un intérêt notable en ce que le salarié a pu obtenir une somme provisionnelle en référé au titre des congés payés non pris pendant une période de maladie.

Dans cette affaire, la salariée faisait valoir, à la suite de son licenciement, que son employeur avait cessé de comptabiliser les congés payés dus au bout de neuf mois d’arrêt de travail. Elle revendiquait à ce titre un solde de 67 jours, soit la somme de 10 003,77 euros.

La salariée avait saisi les juges en référé afin d’obtenir une provision des sommes demandées. En effet, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

La cour d’appel confirme la décision du conseil de prud’hommes, saisi en référé, qui a alloué à la salariée, une somme provisionnelle correspondant à 67 jours de congés payés, soit 10 003,71 euros, « la demande prévisionnelle n’étant pas sérieusement contestable ».

Sur le fond, la cour d’appel reprend la position de la Cour de cassation du 13 septembre 2023. Elle indique « qu’il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique du droit au repos prévu par l’article 31§2 précité et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale ».

« Il convient en conséquence d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L.3141-5 du code du travail en ce qu’elles limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail ».

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Mise à l’écart de la CCN

Dans la seconde affaire, une salariée réclamait, également à la suite de son licenciement, des indemnités au titre des congés payés non pris pendant ses périodes de maladie.

L’Institut qui l’employait avait appliqué les dispositions de la convention collective des centres de lutte contre le cancer qui prévoit la prise en compte des arrêts de travail dans la limite de quatre mois. Ce que la salariée conteste en se référant aux décisions rendues le 13 septembre 2023 par la Cour de cassation.

Les juges du fond donnent raison à la salariée et appliquent là encore la position de la Haute cour. « Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période ».

« Il s’ensuit que, s’agissant de salariés en arrêt de travail pour maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit État ».

Il en déduisent que « les dispositions de l’article L.3141-3, qui subordonnent le droit à congé payé à l’exécution d’un travail effectif, ne permettent donc pas une interprétation conforme au droit de l’Union européenne. Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale ».

« Il convient en conséquence d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L.3141-3 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail ».

La condamnation de l’entreprise est ainsi confirmée en appel. La salariée devait bien bénéficier de 50 jours de congés payés pour les années 2017 et 2018, avec une nuance toutefois, car un doute subsistait sur le nombre de jours de congés pris par la salariée. Les parties sont donc « invitées à établir le compte des sommes dues dès lors que l’examen des bulletins de paie et du courriel adressé le 11 octobre 2018 démontrent que certains jours de congés payés ont été pris par la salariée (4 en 2017 qui ne figurent cependant pas sur les bulletins de salaire et 16 mentionnés sur les bulletins de paie de 2018) ».

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Florence Mehrez

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