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Les seniors à l’épreuve du marché du travail

Après le vote de la réforme des retraites, le travail des seniors, sujet aujourd'hui entre les mains des partenaires sociaux, constitue un enjeu spécifique pour les PME. La table-ronde « Seniors : contrainte ou atout pour les PME-TPE ? » le 10 octobre à l’AJPME (association des journalistes des PME) a évoqué leur situation vis-à-vis de l'emploi et les défis et opportunités qu’ils représentent pour les PME.

Les seniors à l’épreuve du marché du travail
Si les 55-59 ans sont dans une situation de quasi plein emploi, le bât blesse sur la catégorie des plus de 60 ans. © Getty Images

« Le taux d’emploi, et en particulier celui des seniors, soit les 55-64 ans, continue de progresser, affirme Michaël Orand, chef de la mission Analyse économique de la Dares (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) au ministère du Travail. Parmi eux, ceux entre 55 et 59 ans connaissent aujourd’hui un taux d’emploi qui est quasiment celui des 25-49 ans », soit une situation de quasi plein emploi pour les 55-59 ans.

Là où le bât blesse, c’est sur la catégorie des plus de 60 ans. Si les réformes des retraites successives ont permis d’améliorer le taux d’emploi de cette catégorie, le faisant passer de 10 % en 2001 à 36 % en 2022, celui-ci reste bien en-deçà de la moyenne européenne (48 %). « En gros, on a un tiers de 60-64 qui sont en emploi contre la moitié en moyenne européenne », signale ainsi Michaël Orand. De manière plus globale, la France se situe sur le sujet en deçà de ses voisins européens. Ainsi, sur les 50-64 ans, le taux d’emploi est de 57 %, soit « 5 points de moins que la moyenne européenne à 62 % et 20 points de moins que l’Allemagne ».

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Conscience professionnelle et savoir-être

Frédéric Comte, directeur-général de Bibus France, entreprise de 35 salariés, spécialiste de produits B to B dans le domaine de la logistique qui n’a recruté que des profils seniors ces dernières années, se félicite de leur fidélité : « Nous avons une quasi garantie de l’avoir avec nous jusqu’à la fin de leur carrière », soit un « risque plus limité que sur un profil junior ». Du fait de son implantation dans un petit village au sud-est de l’agglomération lyonnaise, à Chaponnay, le chef d’entreprise fait face à de nombreuses difficultés de recrutement. « En dix ans, je n’ai jamais embauché quelqu’un qui avait entre 30 et 45 ans » indique-t-il. Néanmoins, il se félicite qu’« ils ne coûtent pas plus cher à l’entreprise », qu’« ils ne sont jamais absents » et que l’entreprise « bénéficie de leur expérience ».

Sur le savoir-être, « les seniors sont beaucoup plus performants que les jeunes »

Il loue également « leur conscience professionnelle aiguisée, leur volonté de s’engager et de s’investir » et « la vitesse à laquelle ils acquièrent de l’autonomie », versus un salarié junior « qu’il va falloir accompagner un certain temps et mettre certains objectifs, certains garde-fous, pour s’assurer que le poste est pleinement pris ». Eric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales de la CPME, confirme de son côté que sur le savoir-être, « les seniors sont beaucoup plus performants que les jeunes ».

Ni en emploi ni en retraite

In fine, « le taux de chômage des seniors est plus faible que la moyenne », note Michaël Orand. Le chef de la mission Analyse économique de la Dares relève au passage que les ruptures de contrats de travail diminuent fortement avec l’âge et que la probabilité est plus faible pour eux de basculer vers le chômage. Pour conjuguer le taux de chômage des seniors qui est de 3 % avec d’autres notions, il préfère se reposer sur l’indicateur « ni en emploi ni en retraite », le pendant de l’indicateur pour les jeunes des NEET pour « neither in employment nor in education or training » pour ni en emploi, ni en études, ni en formation. Ainsi, le taux des « ni en emploi ni en retraite » s’élève à 16 %. « Dans ces 13 % d’écart, il y a notamment des gens qui sont déjà inactifs, mais qui n’ont pas encore liquidé de droits à la retraite ».

« les PME ne sont pas plus vertueuses que les grands groupes »

S’appuyant sur un travail réalisé par l’Insee pour comparer la situation de la France et de l’Allemagne, Michaël Orand fait le constat que le taux de « ni en emploi, ni en retraite » est équivalent dans les deux pays, sauf les deux années précédant la retraite. « Là, on a un déficit de seniors sur le marché du travail par rapport à l’Allemagne, qui est un déficit qui est assez important, qui peut aller de 5 jusqu’à 10 points », avec un pic des ruptures conventionnelles deux ans avant l’âge de départ à la retraite. Sur ce point, Eric Chevée relève que « les PME ne sont pas plus vertueuses que les grands groupes, avec un taux de rupture à 59 ans équivalent dans les grands groupes et les PME ».

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Cocktail « explosif »

Pour Michaël Orand, le dispositif spécifique d’assurance-chômage pour les seniors, qui leur permet notamment de maintenir l’allocation de chômage jusqu’à leur départ à la retraite pose question. Un « dispositif délétère » que déplore également Eric Chevée, même s’il défend l’assurance-chômage comme élément d’attractivité dans les PME. « Je suis favorable à un dispositif qui soit assurantiel, explique-t-il. Soit payer correctement les personnes qui sont réellement au chômage pour une durée courte », plaide-t-il.

Pour l’heure, l’effet combiné de la rupture conventionnelle et le dispositif d’assurance-chômage forment un cocktail « explosif » qui « encourage les entreprises à se séparer des seniors à 59 ans et à faire financer par la collectivité leurs fins de carrière ». Pour lui, il est impératif de reculer de deux ans toutes les bornes d’âge dans le dispositif d’assurance-chômage.

Autre projet qui doit être mis sur la table et chiffré par l’Unedic, la mise en place d’un contrat spécifique qui permettrait aux entreprises qui s’engagent à maintenir une personne senior jusqu’à son départ à la retraite de bénéficier d’une baisse de charges liées aux cotisations chômage chaque année sur quatre ans pour arriver à une cotisation équivalente à zéro au bout de quatre ans.

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Charlotte de Saintignon

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