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Des PME françaises pas toujours faciles à céder

La transmission intrafamiliale n’est pas le mode de transmission privilégié des dirigeants d’entreprise français. Le baromètre de l’observatoire CNCFA Epsilon de la transmission de PME a été l’occasion de faire le point sur la faiblesse de l’activité de cession transmission des PME en France avec des spécialistes de la question.

Des PME françaises pas toujours faciles à céder

5 450. C’est le nombre de PME, de 20 à 249 salariés, transmises en 2017. Sont exclues du baromètre de l’observatoire CNCFA (Syndicat national des professionnels des fusions et acquisitions) Epsilon de la transmission de PME les micro-entreprises et les TPE (< 19 salariés / €2m de chiffre d’affaires). Son but, étudier les évolutions du marché de la transmission des PME en France. Trois quarts des PME passeraient par une cession, les 25% restant, soit 1 200 transmissions se faisant en interne, au sein de la famille. Ce dernier taux est au moins deux fois plus faible que dans les principaux pays de la zone euro.

Grande fragilité économique des PME

Malgré un léger rebond du marché lié à la reprise de la croissance, le baromètre met en avant la faiblesse de l’activité de cession de PME. Et ce n’est pas du fait de repreneurs absents –ces derniers sont nombreux, actifs et disposent de liquidités– ou d’un problème de marché, mais ce serait lié à la situation des PME à transmettre ou céder. Après dix années de crise économique, il semble qu’une partie des PME ne peuvent en l’état être transmises, en raison de la fragilité économique du parc de PME. Comme le notait BPCE en mai 2016, « les comptes des PME font apparaître depuis plus d’une décennie une logique générale de fragilisation économique, par la baisse de la rentabilité économique, conduisant à la consolidation financière, via les fonds propres et le désendettement net, et à la limitation de l’investissement ». Faute de transmissions suffisantes, la tendance au vieillissement des dirigeants de PME/ETI semble s’accélérer. « L’insuffisance du nombre de transactions ne se traduit pas par la mort des entreprises mais par le vieillissement des dirigeants » constate Grégoire Buisson, dirigeant-fondateur du cabinet Epsilon Research. Ainsi, 21% d’entre eux avaient plus de 60 ans et 8,6% plus de 66 ans en 2014.

Déficit d’entreprises moyennes et d’ETI

La stagnation du marché également liée au « déficit d’entreprises moyennes qui ne se résorbe pas », analyse Grégoire Buisson. Olivier Millet, président de l’AFIC –Association Française des Investisseurs pour la Croissance– pointe du doigt le manque d’ETI en France, au nombre de 4 000, contre 12 000 en Allemagne. Et le stock de PME/ETI n’a augmenté que de 3,7% entre 2003 et 2014 et diminue même depuis 2009 (-1,6% entre 2009 et 2014) selon BPCE. Olivier Millet met également en avant le fait que toutes les entreprises n’ont pas vocation à être transmises car un certain nombre ne se transforment pas. « Les entreprises doivent apprendre à changer de métier, elles vont être obligées de pivoter dans leurs outils de production, leurs technologies, leur organisation managériale etc. In fine, une entreprise n’aura de valeur d’ici cinq à dix ans que si elle a projet social et environnemental. » L’idée est de réinvestir massivement du capital dans le système pour accélérer et accompagner la transformation des entreprises. Car s’il y a « beaucoup de capital pour les transmissions, il y en a moins pour les investissements de croissance » estime de son côté Adrien Tourres, fondateur de Pax Corporate Finance. « Le marché de la transmission est un marché à deux vitesses avec des entreprises qui n’arrivent pas à se transmettre et des entreprises françaises de grande qualité qui justifient des prix élevés. » Le baromètre mettant aussi en lumière la hausse des prix des PME (près de 25% depuis 2014).

Mauvaise préparation des cédants et surestimation de valeur

La faiblesse de l’activité de cession de PME s’explique enfin par l’insuffisance de préparation des dirigeants. C’est le premier problème mentionné par les conseils en F&A interrogés dans le cadre de ce baromètre (82% dont 50% en premier choix) parmi les entraves structurelles, , loin devant les autres questions. Les dirigeants de PME n’ont pas amélioré leur connaissance du processus de cession et sont toujours aussi mal préparés à cet exercice. La fiscalité (55% dont 19% en premier choix) reste une entrave importante au bon fonctionnement du marché, malgré le Pacte Dutreil et plus récemment les réformes de la taxation du capital (ISF et PFU) – « dont les effets seront à juger l’année prochaine ». Enfin, la mauvaise appréhension de la valeur des entreprises est également pointée du doigt. Les chefs d’entreprise auraient ainsi tendance à la surestimer quasi systématiquement (pour plus de 85% des conseils).

  1. 8e édition du baromètre de l’observatoire CNCFA (Syndicat national des professionnels des fusions et acquisitions) Epsilon de la transmission de PME.

 

Charlotte de Saintignon

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