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[Réforme des retraites] Les nouvelles modalités de la retraite progressive sont précisées

La réforme des retraites a notamment pour objectif de faciliter et généraliser le recours à la retraite progressive. Pour permettre l’entrée en vigueur des mesures prises en ce sens dès septembre prochain, deux décrets publiés le 11 août complètent le nouveau régime issu de la LFRSS pour 2023.

[Réforme des retraites] Les nouvelles modalités de la retraite progressive sont précisées
La LFRSS favorise le recours au dispositif : extension à l'ensemble des régimes de base et à tous les salariés, encadrement des possibilités de refus de l'employeur ... © Getty Images

31 textes d’application de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 portant la réforme des retraites, la loi du 14 avril 2023, sont attendus d’ici la fin de l’été. Après ceux sur le report de l’âge légal de départ, les départs anticipés et la fermeture des principaux régimes spéciaux, les décrets sur la retraite progressive viennent d’être publiés.

« La retraite progressive permet aux actifs voulant aménager leur fin de carrière de liquider une partie de la retraite deux ans avant l’âge légal et de passer à temps partiel. Le dispositif ne bénéficie aujourd’hui qu’à 23 000 salariés » énonçait le dossier de présentation de la réforme des retraites.

Pour rendre ce dispositif plus attractif, l’article 26 de la LFRSS a étendu le champ des bénéficiaires, limité la possibilité de refus de l’employeur, et permis au salarié de demander une dérogation à la durée minimale du temps partiel. Pour préciser les modalités de ces mesures et tenir compte du report de l’âge de la retraite, des décrets étaient nécessaires : c’est désormais chose faite grâce à deux décrets du 10 août 2023, un décret simple et un décret pris en Conseil d’État (voir en pièces jointes).

L’élargissement du champ d’application de la retraite progressive à de nouveaux bénéficiaires comme les avocats, les professions libérales et les fonctionnaires n’est pas abordé dans cet article. Seules sont traitées les dispositions concernant les salariés relevant du code du travail.

Les nouvelles règles du dispositif de retraite progressive entreront en vigueur au 1er septembre 2023. Les dispositions antérieures continueront de régir la situation des personnes déjà bénéficiaires d’une retraite progressive à cette date. Toutefois, la liquidation de leur pension complète ne pourra être obtenue que lorsque ces assurés rempliront les nouvelles conditions d’âge et de durée d’assurance (LFRSS, article 26).

Un recul progressif de l’âge d’accès au dispositif mais une durée d’assurance inchangée…

Pour l’heure, la retraite progressive peut être demandée à condition d’avoir atteint l’âge légal de la retraite diminué de deux années, c’est-à-dire 60 ans, et d’avoir validé au moins 150 trimestres (articles L.351-15 et R.351-39 du code de la sécurité sociale). Le décret pris en Conseil d’État confirme que cette durée d’assurance restera fixée, malgré la réforme, à 150 trimestres dans un ou plusieurs régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse (article R.161-19-5 nouveau du code de la sécurité sociale).

Mais si, en vertu du décret simple, l’âge d’accès à la retraite progressive correspond toujours à l’âge légal de la retraite diminué de deux années, le relèvement progressif de l’âge légal de départ signifie que l’âge d’accès au dispositif augmentera également à compter du 1er septembre. Cette hausse se fera selon le même calendrier que le report de l’âge légal de départ, c’est-à-dire à raison de trois mois par génération pour les assurés nés après le 31 août 1961 (article D.161-2-24 nouveau du code de la sécurité sociale).

Année de naissance

Age légal de départ à la retraite

Age d’ouverture à la retraite progressive

Du 1er janvier au 31 août 1961

62 ans

60 ans

Du 1er septembre au 31 décembre 1961

62 ans et 3 mois

60 ans et 3 mois

1962

62 ans et 6 mois

60 ans et 6 mois

1963

62 et 9 mois

60 ans et 9 mois

1964

63 ans

61 ans

1965

63 ans et 3 mois

61 ans et 3 mois

1966

63 ans et 6 mois

61 ans et 6 mois

1967

63 ans et 9 mois

61 ans et 9 mois

A compter du 1er janvier 1968

64 ans

62 ans

… tout comme la quotité de temps de travail requise

Pour bénéficier d’une retraite progressive, la quotité de travail des salariés soumis à une durée de travail en heures ou en jours devra, comme aujourd’hui, être comprise entre 40 % et 80 % de la durée de travail d’un temps complet (article R.161-19-6 nouveau du code de la sécurité sociale).

Cette quotité de travail, exprimée en pourcentage, devra être arrondie à l’unité la plus proche. La fraction égale à 0,5 comptera pour un.

Exemple 1 : si la durée du travail applicable dans l’entreprise correspond à la durée du travail légale de 35 heures hebdomadaires, le salarié en retraite progressive devra travailler entre 14 et 28 heures hebdomadaires. En effet, le seuil de 24 heures minimales par semaine pourra être écarté à partir du 1er septembre 2023 sous réserve de l’accord de l’employeur et d’une information du CSE.

Exemple 2 : si la durée du travail applicable aux salariés soumis à une convention de forfait-jours correspond à 218 jours par an, le salarié en retraite progressive à temps réduit devra travailler entre 87 et 174 jours annuels.

Lire aussi Réforme des retraites : présentation des premiers décrets, sur les mesures d’âge

Cas des salariés non soumis à une durée du travail

Une des nouveautés de l’article 26 de la LFRSS pour 2023 a été d’ouvrir le bénéfice de la retraite progressive aux salariés non assujettis à une durée d’activité définie par un employeur (VRP, salariés rémunérés à la tâche, au rendement, à la pige ou par un fixe, à la commission, etc.), sous réserve que leur activité soit exercée à titre exclusif, qu’elle leur procure un revenu minimal et que ce revenu fasse l’objet d’une diminution dans certaines limites fixées par décret (article L.161-22-1-5, 2° nouveau du code de la sécurité sociale). Ces conditions sont précisées au sein des deux décrets du 10 août.

La condition de revenu minimal

Selon le décret simple, pour prétendre à la retraite progressive, l’assuré dont l’activité n’est pas assujettie à une durée du travail doit avoir un revenu annuel issu de cette activité supérieur ou égal à 40 % du Smic brut en vigueur au 1er janvier de l’année considérée calculé sur la durée légale du travail. Le revenu pris en compte est celui de l’avant-dernière année civile précédant la date de la demande (article D.161-2-24-1, I nouveau du code de la sécurité sociale).

La condition de diminution de revenu

La quotité de diminution des revenus professionnels dans le cadre de la retraite progressive sera calculée le 1er juillet de chaque année ; elle correspond au rapport entre la diminution des revenus professionnels de l’année précédant la demande et la moyenne annuelle des revenus professionnels des cinq années précédant cette demande, en fonction des coefficients de revalorisation basés sur l’inflation. Les revenus pris en compte pour l’établir sont ceux retenus pour constituer l’assiette d’imposition sur le revenu.

Cette quotité de diminution des revenus professionnels ne peut être ni inférieure à 20 % ni supérieure à 60 % (article D.161-2-24-1, I nouveau du code de la sécurité sociale).

Quel formalisme pour la demande de retraite progressive ?

La procédure de demande de retraite progressive auprès des organismes de retraite

L’assuré adresse sa demande de retraite progressive à l’organisme, l’établissement ou le service gérant l’un des régimes auxquels il est affilié à la date de sa demande (article R.161-19-8, I nouveau du code de la sécurité sociale).

Pour les salariés soumis à une durée du travail en heures ou en jours, les pièces justificatives à joindre à la demande de liquidation provisoire de la pension dans le cadre d’une retraite progressive seront identiques à ce qu’elles sont actuellement (articles R.351-40 et R.161-19-7, I nouveau du code de la sécurité sociale), à savoir :

  • le ou les contrats de travail à temps partiel ou à temps réduit en cours d’exécution à la date d’entrée en jouissance de la pension de vieillesse ;
  • une déclaration sur l’honneur attestant qu’ils n’exercent plus aucune autre activité professionnelle que celle ou celles faisant l’objet du ou des contrats de travail produits, accompagnée de tout document justifiant de cette situation, selon un modèle qui sera publié par arrêté ;
  • une attestation de l’employeur faisant apparaître la durée du travail à temps complet ou la durée maximale exprimée en jours, applicable à l’entreprise, selon un modèle qui sera publié par arrêté ;
  • les bulletins de paie des 12 mois civils précédant la date de dépôt de la demande.

Les salariés non soumis à une durée du travail devront quant à eux fournir, à l’appui de leur demande de retraite progressive :

  • une déclaration sur l’honneur attestant qu’ils n’exercent pas d’autre activité professionnelle à la date d’entrée en jouissance de la pension de vieillesse. Cette déclaration doit être accompagnée de tout document justifiant de cette situation ;
  • leurs déclarations fiscales des revenus des cinq années précédant la demande. Pour chaque année suivante, ils produisent avant le 1er juillet de l’année en cours la déclaration fiscale des revenus de l’année précédente (article R.161-19-7, II nouveau du code de la sécurité sociale).
    Le service de la fraction de pension prendra effet au 1er janvier qui suivra la demande (article D. 161-2-24-2 nouveau du code de la sécurité sociale).

La procédure de demande de retraite progressive auprès de l’employeur

Une autre nouveauté apportée par l’article 26 de la LFRSS pour 2023 concernant la retraite progressive est que l’accord de l’employeur sera réputé acquis à défaut de réponse écrite et motivée de sa part. Et seule l’incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise pourra justifier un tel refus (articles L.3121-60-1 nouveau et L.3123-4-1 nouveau du code du travail).

Le décret simple détaille le formalisme de la demande du salarié et de la réponse de l’employeur :

  • le salarié soumis à une durée du travail en heures ou en convention de forfait-jours devra adresser à l’employeur par lettre recommandée avec avis de réception sa demande de passage en retraite progressive, en précisant la durée du travail souhaitée et la date envisagée pour la mise en œuvre. Sa demande devra être adressée deux mois avant cette date ;
  • l’employeur devra y répondre par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai de deux mois à compter de la réception (articles D.3123-1-1 nouveau et D. 3121-36 nouveau du code du travail). A défaut de réponse écrite dans ce délai, l’accord de l’employeur sera réputé acquis.

A défaut de précision, il s’agit de deux mois calculés selon les articles 640 à 642 du code de procédure civile : le délai de deux mois expire le jour du deuxième mois qui porte le même quantième que le jour de la notification qui fait courir le délai (par exemple pour une demande reçue le 2 septembre 2023, le délai de deux mois expire le 2 novembre 2023). Faute d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois. Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Le montant de la fraction de pension servie et son évolution

Montant initial de la fraction de pension

Comme aujourd’hui, pendant la retraite progressive, la fraction de pension servie sera égale à la différence entre 100 % et la quotité de travail à temps réduit ou à temps partiel, ou la quotité de revenus professionnels pour les assurés non soumis à une durée du travail. Le coefficient de minoration à appliquer au taux plein ne pourra pas excéder 25 % (articles D.161-2-24-3, I nouveau et R.161-19-9 nouveau du code de la sécurité sociale).

Pour les salariés non soumis à une durée du travail, pendant les 18 premiers mois la fraction de pension sera fixée, à titre provisionnel, à 50 % de la pension de vieillesse. Le cas échéant, à compter du 1er juillet de la deuxième année et chaque 1er juillet, il sera ensuite procédé à la révision de cette fraction (article D.161-2-24-3, II nouveau du code de la sécurité sociale).

Évolution du montant de la fraction de pension : révision

Le salarié en retraite progressive devra informer l’organisme, établissement ou service assurant le service de la fraction de pension, le cas échéant, de la cessation de son activité, de l’exercice de toute autre activité professionnelle que celles qui lui ouvrent droit au service de la fraction de pension ou de toute modification de situation affectant le versement de la fraction de pension (article R.161-19-10 nouveau du code de la sécurité sociale).

Pour les salariés soumis à une durée du travail, en cas de modification ayant une incidence sur la fraction de pension, la pension sera révisée au premier jour du mois civil suivant celui où la modification est intervenue, et non plus comme actuellement à l’issue d’une période d’un an à compter de la date d’effet de la retraite progressive (article D.161-2-24-4, I nouveau du code de la sécurité sociale).

Les assurés dont l’activité n’est pas soumise à une durée du travail devront eux justifier de la diminution de leurs revenus professionnels à l’issue de chaque période d’un an. En cas de modification ayant une incidence sur la fraction de pension à laquelle peut prétendre l’assuré, la pension sera révisée à la date du premier versement suivant la fin de la dernière période annuelle écoulée (article D.161-2-24-4, II nouveau du code de la sécurité sociale).

Modalités de suppression ou de suspension de la fraction de pension

Suspension de la fraction de pension

Le versement de la fraction de pension sera suspendu au premier jour du mois suivant celui au cours duquel les conditions pour en bénéficier ne sont plus remplies. Il reprendra le premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’assuré remplit à nouveau les conditions, dès lors qu’il en apporte les justificatifs auprès de la caisse responsable (article R.161-19-11, II nouveau du code de la sécurité sociale).

Une exception est toutefois introduite par le décret simple : pour les assurés non assujettis à une durée du travail, la fraction de pension est maintenue lorsque la diminution des revenus professionnels excède 60 % pendant une période ne pouvant excéder un an (article D.161-2-24-1, I nouveau du code de la sécurité sociale).

Suppression de la fraction de pension

En vertu du nouvel article L. 161-22-1-8 du code de la sécurité sociale, le service de la fraction de pension est supprimé à titre définitif, sans possibilité de refaire une demande, lorsque l’assuré reprend une activité à temps complet ou lorsque le revenu tiré de l’activité professionnelle atteint ou excède le plafond de revenu professionnel autorisé.

La suppression prend effet au premier jour du mois civil suivant celui où les conditions de suppression sont constatées (article R.161-19-11, I nouveau du code de la sécurité sociale).

Lorsque le salarié en remplit les conditions d’attribution et en fait la demande, le service de la fraction de pension est remplacé par le service de la pension complète liquidée dans les conditions de droit commun. Mais pour limiter l’impact de la retraite progressive sur le salaire annuel de référence, il est prévu que le montant de la pension complète ne pourra être inférieur au montant entier qui a servi de base au calcul de la retraite progressive (article D.161-2-24-7 nouveau du code de la sécurité sociale).

Lire aussi Réforme des retraites : les principales mesures intéressant les commerçants et artisans

Elise Drutinus

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