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Réforme des retraites : présentation des premiers décrets, sur les mesures d’âge

31 textes d’application de la LFRSS pour 2023 portant la réforme des retraites sont attendus d’ici la fin de l’été. Les deux premiers ont d’ores et déjà été publiés le 4 juin, détaillant les modalités du report progressif de l’âge de départ mais aussi les conditions de départ anticipé.

Réforme des retraites : présentation des premiers décrets, sur les mesures d’âge
La LFRSS prévoit déjà que les assurés ayant demandé leur pension avant le 1er septembre 2023 mais qui devaient entrer en jouissance après le 31 août 2023 pourront bénéficier, sur leur demande, d'une annulation de leur pension ou de leur demande de pension. © Getty Images

L’entrée en vigueur des nouvelles modalités de départ à la retraite se précise. Après une validation de l’essentiel de la réforme par le Conseil constitutionnel le 14 avril, puis une publication de la LFRSS dans la foulée le 15, voici venir les premiers décrets. Pris pour l’application des articles 10, 11 et 17 de la loi, les deux textes, un décret simple et un en Conseil d’État, portent sur les trois sujets qui ont fait le plus polémique : l’augmentation de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, l’accélération du rythme de relèvement de la durée d’assurance requise pour pouvoir liquider sa retraite, et les départs anticipés, notamment au titre des carrières longues.

Ils confirment par ailleurs la création d’un nouveau motif de départ anticipé en inscrivant dans le code de la sécurité sociale le fait que les assurés inaptes au travail pourront continuer de liquider leur pension à taux plein à 62 ans malgré le report de l’âge légal de départ (article D.351-1-14 nouveau du code de la sécurité sociale).

Parus au JO du 4 juin, les décrets concerneront les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023. Ils devraient rapidement être suivis, selon les annonces de la Première ministre et du ministère du travail, par d’autres sur la revalorisation des petites retraites et la prévention de la pénibilité notamment.

Relèvement progressif de l’âge de départ

Pour tenir compte de l’évolution avec la réforme de l’article L.161-17-2 du code de la sécurité sociale, qui prévoit le report de l’âge d’ouverture des droits à la retraite à 64 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968, l’article 1er du décret simple n° 2023-436 modifie l’article D.161-2-1-9 du même code et acte la progressivité du relèvement à raison de trois mois par génération. Sera désormais explicitement inscrit dans sa partie réglementaire le fait que l’âge de départ à la retraite sera de 62 ans et trois mois pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1961 inclus, 62 ans et six mois pour les assurés nés en 1962, etc.

Cas des assurés ayant demandé leur pension avant le 1er septembre

La LFRSS prévoit déjà que les assurés ayant demandé leur pension avant le 1er septembre 2023 mais qui devaient entrer en jouissance après le 31 août 2023 pourront bénéficier, sur leur demande, d’une annulation de leur pension ou de leur demande de pension. Cette demande devra être adressée aux organismes de sécurité sociale « à compter du lendemain de la publication du présent décret [c’est-à-dire le 5 juin] et au plus tard le 31 octobre 2023 ».

Carrières longues : confirmation des quatre bornes d’âge…

L’article 3 du décret simple confirme que, conformément aux annonces du gouvernement, la durée d’assurance requise pour un départ anticipé pour carrière longue sera abaissée au niveau de celle requise pour l’obtention du taux plein, à savoir 43 ans après montée en charge de la réforme Touraine. Il entérine également les quatre bornes d’âge annoncées, qui n’étaient pas contenues dans la LFRSS.

Sans surprise, l’âge de départ (à condition d’avoir cotisé le nombre de trimestres nécessaire) pourra être de :

  • 58 ans pour un début d’activité avant 16 ans ;
  • 60 ans pour un début d’activité avant 18 ans ;
  • 62 ans pour un début d’activité avant 20 ans ;
  • 63 ans pour un début d’activité avant 21 ans (article D.351-1-1 modifié du code de la sécurité sociale).

Pour l’appréciation de l’âge de début d’activité, les conditions actuelles continueront à s’appliquer, à savoir quatre ou cinq trimestres validés à la fin de l’année au cours de laquelle est survenue la borne d’âge (article D.351-1-3 du code de la sécurité sociale).

En conséquence de ces nouvelles bornes, le décret supprime la borne d’âge de début d’activité de 17 ans et ajoute celles de 18 et 21 ans (article D.351-1-3 modifié du code de la sécurité sociale).

La LFRSS a introduit le fait que les trimestres acquis au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer ou de la nouvelle assurance vieillesse des aidants seront pris en compte, dans une limite fixée par décret, pour le bénéfice du dispositif « carrières longues ». Cette limite sera de 4 trimestres (article D.351-1-2 modifié du code de la sécurité sociale).

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… mais un départ maintenu à 60 ans pour certains assurés nés de 1961 à 1963…

Une exception importante est introduite par le décret simple, qui concerne les assurés ayant commencé à travailler avant 20 ans. Par dérogation, pour ceux nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 août 1963 inclus, l’âge de départ anticipé demeurera fixé à 60 ans malgré le report progressif de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.

Pour ceux nés entre le 1er septembre 1963 et le 31 décembre 1968, le départ anticipé sera possible deux ans et six mois avant leur âge légal de départ, soit à partir de :

  • 60 ans et trois mois pour les générations nées entre le 1er septembre 1963 au 31 décembre 1963 ;
  • 60 ans et six mois pour les générations nées en 1964 ;
  • 60 ans et neuf mois, pour les générations nées en 1965 ;
  • 61 ans, pour les générations nées en 1966 ;
  • 61 ans et trois mois, pour les générations nées en 1967 ;
  • 61 ans et six mois, pour les générations nées en 1968 ;
  • 61 ans et neuf mois, pour les assurés nés en 1969.

Aucune montée en charge progressive de l’âge de départ anticipé n’est en revanche prévue pour les bénéficiaires d’une carrière longue au titre de la nouvelle borne d’âge de 21 ans. De fait, au 1er septembre 2023, les concernés verront leur âge de départ anticipé fixé à 63 ans, ce qui est supérieur à l’âge légal de départ « de droit commun », qui sera alors de 62 ans et trois mois. Concrètement, ce nouveau dispositif ne devrait donc pas être mobilisé avant la génération née en 1965 puisqu’avant cela, il serait désavantageux.

… et une clause de sauvegarde pour les assurés devenus inéligibles du fait de la réforme

L’article 8 du décret simple introduit une clause de sauvegarde au bénéfice des assurés éligibles au dispositif de départ anticipé « carrières longues » avant le 1er septembre 2023, mais qui ne le seraient plus après cette date du fait du relèvement de la durée d’assurance requise pour leur génération. Ainsi, les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963 qui remplissent cette condition peuvent demander à se voir appliquer, pour une pension prenant effet à partir du 1er septembre 2023, les dispositions relatives aux carrières longues dans leurs rédactions antérieures à l’entrée en vigueur de la réforme.

Par exemple, une personne née en 1963, ayant cotisé 5 trimestres avant 20 ans, pourra bien partir en retraite anticipée après le 1er septembre 2023 avec seulement 168 trimestres cotisés (normalement 170 avec la réforme), dès lors que ces trimestres étaient déjà acquis avant cette date.

Des adaptations pour le dispositif de départ anticipé pour handicap…

Pour rappel, la LFRSS prévoit qu’à compter du 1er septembre prochain, l’âge légal de départ pourra être abaissé, pour les travailleurs en situation de handicap, « d’une « durée pouvant aller jusqu’à neuf ans ». Parallèlement, elle supprime la double condition de trimestres cotisés et validés en situation de handicap pour ne conserver que celle des trimestres cotisés (article L.351-1-3 modifié du code de la sécurité sociale). Le décret simple modifie l’article D.351-1-5 du code de la sécurité sociale en ce sens et confirme le maintien à 55 ans de l’âge minimal de départ à la retraite anticipée des travailleurs handicapés.

Sur la durée d’assurance cotisée nécessaire, elle correspond à la durée de cotisation de droit commun diminuée d’un certain nombre de trimestres, et dépend donc de l’année de naissance des travailleurs concernés. Pour ceux nés à partir de 1973, elle ne change pas avec la nouvelle réforme des retraites. En revanche, pour les générations d’avant, le décret simple augmente le nombre de trimestres à déduire de la durée de cotisation de droit commun pour neutraliser les effets de l’accélération du calendrier Touraine.

… mais aussi pour le départ anticipé pour incapacité permanente

La LFRSS entérine la possibilité d’un départ anticipé à 60 ans au titre de l’incapacité permanente (IP), mais désormais uniquement pour les assurés dont le taux d’IP est au moins égal à 20 %. Lorsqu’il est compris entre 10 et 19 %, le départ anticipé se fera deux ans avant l’âge légal de départ à la retraite, soit à 62 ans à terme (article L.351-1-4 modifié du code de la sécurité sociale). En plus d’adapter le code de la sécurité sociale à cette évolution, le décret simple vient faciliter l’instruction des dossiers par la commission pluridisciplinaire puisque le fait que l’activité que l’assuré a exercée pendant 17 ans soit inscrite sur les listes de métiers ou d’activités particulièrement exposés aux facteurs de risques ergonomiques pourra désormais servir de justificatif pour établir le lien entre l’incapacité et l’exposition à des facteurs de risque (article D.351-1-12 modifié du code de la sécurité sociale).

Quant au décret n° 2023-435 pris en Conseil d’Etat, il introduit le fait que :

  • la condition d’identité des lésions avec les lésions indemnisées au titre des maladies professionnelles pour les assurés ayant une IP consécutive à un accident du travail d’un taux compris entre 10 % et 19 % est supprimée ;
  • l’avis de la commission pluridisciplinaire n’est pas requis lorsque l’IP est consécutive à une maladie professionnelle liée à une exposition à l’un des facteurs de risques sortis du compte professionnel de prévention en 2017.

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Elise Drutinus

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