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Covid-19 : passe sanitaire validé, isolement obligatoire et rupture anticipée des CDD censurés

Tout en approuvant les dispositions concernant le passe sanitaire, le Conseil constitutionnel censure les mesures organisant la rupture anticipée de certains contrats de travail et le placement automatique à l'isolement, qu'il juge contraires à la Constitution.

Covid-19 : passe sanitaire validé, isolement obligatoire et rupture anticipée des CDD censurés
Déjà en vigueur dans les lieux de loisirs et de culture rassemblant plus de 50 personnes, le passe sanitaire va être généralisé dès les 9 août dans quasiment tous les lieux publics.

Par sa décision du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur plusieurs dispositions de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire, dont il avait été saisi par le Premier ministre et par un recours émanant de plus de 60 députés, ainsi que par deux autres recours émanant, chacun, de plus de 60 sénateurs.

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Sur la limitation de l’accès certains lieux à la présentation d’un passe sanitaire

L’article 1er de la loi prévoit la possibilité de subordonner jusqu’au 15 novembre 2021 l’accès du public aux grands magasins et centres commerciaux et aux transports publics à la présentation d’un passe sanitaire. Le passe sanitaire consiste en la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 (test PCR ou antigénique négatif), soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la Covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19. A compter du 30 août 2021, cette mesure peut être rendue applicable aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou événements.

Le non-respect du passe sanitaire est sanctionné par une amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, soit 135 €, tant pour les salariés que le public.

Il était notamment reproché à cette mesure de ne pas avoir d’intérêt dans la lutte contre l’épidémie et d’emporter des effets disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi, ce dont il résulterait une méconnaissance de liberté d’aller et de venir, du droit au respect de la vie privée et du droit d’expression collective des idées et des opinions.

Pour les Sages, les dispositions contestées opèrent une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles et sont donc conformes à la Constitution pour les raisons suivantes :

Le passe sanitaire poursuit un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé

Si en limitant l’accès à certains lieux, ces dispositions portent effectivement atteinte à la liberté d’aller et de venir, le législateur a estimé, en premier lieu, que, en l’état des connaissances scientifiques dont il disposait, les risques de circulation du virus de la Covid-19 sont fortement réduits entre des personnes vaccinées, rétablies ou venant de réaliser un test de dépistage dont le résultat est négatif. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19.

Ces mesures sont limitées dans le temps

Elles ne peuvent être prononcées que pour la période, allant de l’entrée en vigueur de la loi déférée au 15 novembre 2021, période durant laquelle le législateur a estimé qu’un risque important de propagation de l’épidémie existait en raison de l’apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux.

L’application du passe sanitaire est limitée à certains lieux et entourés de plusieurs garanties

Le passe sanitaire est circonscrit aux lieux dans lesquels l’activité exercée présente, par sa nature même, un risque particulier de diffusion du virus. En outre, le législateur a entouré de plusieurs garanties l’application de ces mesures :

  • Services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux. L’exigence de présentation d’un passe sanitaire est réservée aux seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements, ainsi qu’à celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. Cette mesure, qui s’applique sous réserve des cas d’urgence, n’a pas pour effet de limiter l’accès aux soins.
  • Grands magasins et centres commerciaux. Les dispositions garantissent l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu’aux moyens de transport accessibles dans l’enceinte de ces magasins et centres.
  • Déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux. Le passe sanitaire ne s’applique pas « en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis ».

Comme le Conseil constitutionnel l’avait déjà jugé dans sa décision du 31 mai 2021, la notion « d’activité de loisirs » exclut notamment une activité politique, syndicale ou cultuelle.

Ces dispositions n’instaurent, en tout état de cause, ni obligation de soin ni obligation de vaccination

Les obligations imposées au public peuvent être satisfaites par la présentation aussi bien d’un justificatif de statut vaccinal, du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination.

Un décret, pris après avis de la Haute autorité de santé, va préciser les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et la délivrance aux personnes concernés d’un document pouvant être présenté dans les lieux, services ou établissements où sera exigée la présentation d’un passe sanitaire.

Les modalités de contrôle du passe sanitaire

Le contrôle de la détention d’un des documents nécessaires pour accéder à un lieu, établissement, service ou événement ne peut être réalisé que par les forces de l’ordre ou par les exploitants de ces lieux, établissements, services ou événements. La présentation de ces documents est réalisée sous une forme ne permettant pas de connaître « la nature du document détenu » et ne s’accompagne d’une présentation de documents d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre.

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Sur l’obligation de contrôle du passe sanitaire par les professionnels et les sanctions applicables

À compter du 9 août 2021, les exploitant de lieux ou d’établissements, les responsables d’événements ou les exploitants de service de transport sont tenus de contrôler la détention par leurs clients d’un passe sanitaire, sous format papier ou numérique. En cas de manquement à cette obligation de contrôle, les professionnels s’expose à une amende de 1 500 €, portée à 9 000 € et un an d’emprisonnement après trois violations dans un délai de 45 jours ayant fait l’objet d’une mise en demeure.

Il était notamment reproché à ces dispositions de méconnaître de la liberté d’entreprendre en faisant peser sur les acteurs économiques l’obligation de contrôler l’accès aux lieux qu’ils exploitent, ce qui serait de nature à nécessiter la mobilisation de moyens humains et matériels importants ainsi que la disproportion des peines au regard des manquements susceptibles d’être reprochés à ces professionnels.

Le Conseil constitutionnel juge qu’en subordonnant l’accès de certains lieux à la présentation d’un passe sanitaire, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19 et à assurer un contrôle effectif de leur respect. S’agissant de l’obligation de contrôle du passe sanitaire, les Sages relèvent que s’il peut en résulter une charge supplémentaire pour les exploitants, la vérification de la situation de chaque client peut être mise en œuvre en un temps bref. S’agissant des sanctions, le Conseil constitutionnel, juge qu’au regard de la nature du comportement réprimé, les peines instituées ne sont pas manifestement disproportionnées.

Censure des dispositions relatives à la rupture des CDD ou contrats de mission

La loi prévoyait que le contrat à durée déterminée (CDD) ou de mission d’un salarié qui ne présenterait pas les justificatif, certificat ou résultat requis pour l’obtention du passe sanitaire, pourrait être rompu avant son terme, à l’initiative de l’employeur.

Le Conseil constitutionnel relève qu’il résulte des travaux préparatoires que le législateur a entendu exclure que la méconnaissance de l’obligation de présentation des justificatifs, certificats et résultats précités puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement d’un salarié en contrat à durée indéterminée (CDI). Or, les salariés, qu’ils soient sous CDI ou en CDD ou de mission, sont tous exposés au même risque de contamination ou de transmission du virus. Dès lors, en prévoyant que le défaut de présentation d’un passe sanitaire constitue une cause de rupture anticipée des seuls CDD ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l’objectif poursuivi.

La mesure de placement en isolement systématique censurée

La loi prévoyait de créer, jusqu’au 15 novembre 2021 et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, une mesure de placement en isolement pour une durée non renouvelable de 10 jours applicable de plein droit aux personnes faisant l’objet d’un test de dépistage positif à la Covid-19. Dans ce cadre, il était fait interdiction à la personne de sortir de son lieu d’hébergement, sous peine de sanction pénale.

Le Conseil constitutionnel juge que le placement en isolement s’appliquant sauf entre 10 heures et 12 heures, en cas d’urgence ou pour des déplacements strictement indispensables, constitue une privation de liberté conforme à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. En revanche, cet entouré de plusieurs garanties l’application de ces mesures : qu’une telle mesure privative de liberté, sous peine de sanction pénale, s’applique sans décision individuelle fondée sur une appréciation de l’autorité administrative ou judiciaire.

Le Conseil constitutionnel juge, dès lors, que bien que la personne placée en isolement puisse solliciter a posteriori un aménagement des conditions de son placement en isolement ou auprès du représentant de l’État dans le département ou sa mainlevée auprès du juge des libertés et de la détention, les dispositions contestées qui ne garantissent pas que la mesure privative de liberté qu’elles instituent soit nécessaire, adaptée et proportionnée sont contraires à la Constitution.

Sandy Allebe

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