Actu

[Covid-19] La responsabilité pénale de l'employeur peut-elle être engagée ?

La loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire du 11 mai dernier a introduit un nouvel article dans le code de la santé publique demandant au juge d'apprécier une éventuelle responsabilité pénale in concreto en cas de contamination au Covid-19. Quelles conséquences ?

[Covid-19] La responsabilité pénale de l'employeur peut-elle être engagée ?
« L’absence de mesures de prévention expose l’employeur à des risques de poursuites », prévient Eva Kopelman, avocat en droit social au sein du cabinet Jeantet. © Adobe Stock

« Il va indéniablement y avoir des contentieux individuels sur le devoir de sécurité de l’employeur du fait d’une contagion dans le milieu professionnel », prévient Eva Kopelman, avocat en droit social au sein du cabinet Jeantet. Et ce, même si la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire précise que « l’article 121-3 du code pénal [infractions d’homicides ou de blessures involontaires, ndlr] est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur ». « Le juge devra ainsi tenir compte de la situation des employeurs au moment des faits, résume l’avocate. Mais ce nouvel article ne vient pas changer la donne sur l’obligation de sécurité de l’employeur. »

Netpme Premium Abonnement
Passez à l’action :

Netpme Premium Abonnement

« L’absence de mesures de prévention expose l’employeur à des risques de poursuites »

Les chefs d’entreprise ont une obligation de sécurité et de protection de la santé de leurs salariés. L’article L.4121-1 du code du travail est clair : il prévoit que « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». En ces temps de crise sanitaire, l’employeur doit particulièrement veiller à « l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ». « Il s’agit d’une obligation de moyens renforcée, relève Eva Kopelman. L’absence de mesures de prévention expose l’employeur à des risques de poursuites ».

L’employeur doit évaluer les risques régulièrement et mettre en œuvre un plan de reprise d’activité conforme au Protocole National de Déconfinement. Pour s’exonérer de sa responsabilité pénale, il lui appartient de pouvoir démontrer et donc documenter les démarches qu’il a effectuées pour assurer la sécurité de ses salariés. Cela peut prendre la forme d’attestations de personnes présentes sur le site (salariés, prestataires extérieurs), de preuves d’achat de matériel de protection, d’échanges de mails en interne sur le plan de reprise ou l’application des mesures prévues par le protocole, voire éventuellement d’un constat d’huissier.

Lire aussi [Coronavirus] Condamnation d’Amazon : quels enseignements pour sécuriser son activité ?

Quid du délit de mise en danger d’autrui ?

En cas de contamination d’un salarié, la responsabilité pénale de l’employeur pour mise en danger d’autrui pourra être engagée. « Aucune infraction nouvelle relative à la protection des salariés face au Covid-19 n’ayant été adoptée », souligne Eva Kopelman. L’infraction de mise en danger d’autrui consistant à « exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Elle est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Pour autant, difficile de qualifier en pratique le délit de mise en danger d’autrui. « Il sera difficile d’établir avec certitude l’exposition à l’origine du risque de contamination du salarié [lien de causalité direct et immédiat entre la faute et le dommage, ndlr] », note-t-elle. De plus, l’obligation particulière de prudence ou de sécurité violée doit présenter « un caractère suffisamment précis et résulter d’une règle à valeur normative ». Or dans le code du travail, « aucune obligation particulière liée au Covid-19 n’a été adoptée. Le décret du 23 mars prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a « un caractère trop général et imprécis ».

Et « si les notes et autres fiches pratiques diffusées par le ministère du Travail à l’intention des employeurs en application de ce décret sont suffisamment précises, elles sont néanmoins dépourvues de valeur contraignante », relève l’avocate. Enfin, « la notion de violation manifestement délibérée exclut toute faute simple de maladresse, imprudence, inattention, négligence et omission », conclut-elle.

Lire aussi TPE/PME : ce que contient le décret « déconfinement »

Charlotte de Saintignon

Laisser un commentaire

Suivant