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Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises : « Un excès de prudence va tuer la reprise »

En marge de la présentation ce mardi 15 septembre d’un nouveau baromètre sur l’achat responsable dans la relation fournisseurs/clients des TPE/PME, le médiateur des entreprises Pierre Pelouzet a réédité son appel pour sauver la reprise des petites entreprises, plus que jamais compromise.

Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises : « Un excès de prudence va tuer la reprise »
« La seule façon de sortir par le haut de cette crise est de rechercher la proximité, la confiance et le dialogue », défend Pierre Pelouzet, médiateur des entreprise à l'occasion de la présentation mardi 15 septembre d'un nouveau baromètre sur l’achat responsable chez les TPE/PME. © Adobe Stock

« Le plan de relance ne suffira pas », prévient de but en blanc Pierre Pelouzet, ce mardi 15 septembre, depuis son fief parisien, à l’occasion de la présentation d’un nouveau baromètre[*] destiné à prendre le pouls des TPE/PME sur l’achat responsable dans les relations clients/fournisseurs.

« Injecter de l’argent ne donne pas la garantie que celui-ci se transforme vite en marchés, en chantiers, en factures. Je crains l’attentisme, un excès de prudence va tuer la reprise », avertit le médiateur des entreprises. Le spectre d’une défiance « désunie » qui contraste à regret avec la dynamique solidaire qui semblait gagner jusqu’alors tous les maillons de la Supply Chain.

Car 2/3 des TPE/PME sondées par la société Provigis considéraient, avant la crise, les achats responsables comme des valeurs communes à partager avec leur écosystème. Une « vraie bonne surprise » pour Pierre Pelouzet qui apprécie voir « l’intérêt de ces démarches descendre vers les petites structures ». Lui qui estime que « la seule façon de sortir par le haut de cette crise est de rechercher la proximité, la confiance et le dialogue. »

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Une dynamique solidaire à conserver

« Les donneurs d’ordre déjà labellisés diffusent ce référentiel dans leur chaînes d’approvisionnement », se réjouit Rémi Lentheric, directeur de Provigis, société labellisée Relations Fournisseurs & Achats Responsables (RFAR) qui propose une solution Saas pour aider les entreprises à garantir leur conformité.

Une stratégie du ruissellement qui porte aussi ses fruits pour Pierre Pelouzet. « L’appétence des TPE/PME pour le défi solidaire vient d’une chaine de valeur, c’est une posture à adopter dans le sillage des grands comptes, elles veulent s’aligner sur les valeurs de leurs clients car être vertueux soi-même permet de demander la même chose aux clients », résume le médiateur des entreprises.

Ainsi, les sous-traitantes jouent le jeu. 74 % des PME (moins de 500 salariés dans l’étude) et 61 % des TPE (moins de 20 salariés) sondées disposaient déjà, avant la crise, d’un référentiel à jour de tous leurs fournisseurs ou seulement des fournisseurs actifs. Et 68 % des PME évaluaient ou suivaient tout ou partie de leurs fournisseurs (contre 50 % des TPE). Même si l’exploitation de cette évaluation reste embryonnaire (1/4 des PME et la moitié des TPE ne font aucune exploitation des résultats obtenus).

Le jeu de mime s’arrête toutefois à la communication où moins de la moitié des sondées se prévalent de leurs pratiques responsables. « Il y a encore une certaine forme de timidité, explique Pierre Pelouzet, quelques marches à gravir pour communiquer. On constate encore un décalage entre le spontané des dirigeants TPE/PME et leurs communications car ils considèrent que payer leurs fournisseurs à l’heure est la moindre des choses. Se vanter ne leur vient pas à l’esprit ». A cet égard, 6 % des TPE considéraient les achats responsables comme une opportunité d’affaires, soit deux fois plus que les PME.

Qu’est-ce que le label RFAR ?

Le label RFAR distingue les entreprises qui ont fait preuve de relations durables et équilibrées avec leurs fournisseurs. Il compte aujourd’hui 51 labélisés dont la plupart sont des grandes entreprises (6 ou 7 sont des TPE/PME). Selon le baromètre, 39 % des sondées sont intéressés par le label RFAR.

Il fait suite à la Charte Relations Fournisseurs Responsables (RFR), moins contraignante, lancée en 2010 qui compte, elle, 2 150 signataires dont de nombreuses TPE/PME.

Lire aussi [Interview] Céline Dargent, expert-comptable : « Les TPE/PME ont intérêt à souscrire un PGE avant le 31 décembre »

Des retards de paiement encore « inacceptables »

Côté retard de paiement, il y a toujours du pain sur la planche. « Avant, pendant et certainement après la crise, le marqueur de l’achat responsable, c’est le respect des délais de paiement », rappelle Pierre Pelouzet. 56 % des PME et 63 % des TPE considéraient déjà en février cette pratique comme la clef de voûte d’une relation responsable. Côté PME, la lutte contre la corruption (37 %), les circuits courts (32 %), l’équilibre des dispositions contractuelles (29 %) sont loin derrière. Mêmes points d’achoppement pour les TPE, à une exception près : 59 % des sondés pointaient du doigt l’importance de l’équilibre contractuel. « Les PME se sentent un peu plus armées, explique le médiateur, contrairement aux TPE qui se sentent isolées. Un rapport de taille prévaut ici. »

En septembre, la situation quant aux retards de paiement s’est stabilisée mais reste négative. « Nous avons eu une flambée avant l’été, rappelle Pierre Pelouzet, cela nous a permis d’améliorer les choses. On avait de la marge, ironise-t-il. Aujourd’hui, on est revenu à des niveaux non-acceptables, mais historiques. Ça peut se retendre, il y a un effet volume, je crains que la reprise soit aussi celle des retards de paiement, ce qui la tuerait d’un seul coup », redoute-il. Entre le 16 mars et le 16 juin 2020, le médiateur a reçu plus de 5 000 demandes de conciliation. 98 % des saisines provenaient des TPE/PME. En cause dans la moitié des cas : les retards de paiement.

« Une partie des entreprises s’est recroquevillée sur elle-même, ajoute le médiateur. On a aujourd’hui une tension de l’économie beaucoup liée à l’incertitude. Personne ne sait, tout le monde recherche des infos… S’adressant aux entreprises et aux structure publiques, pour certaines loin de l’agonie en cette période de crise, le médiateur exhorte : « Allez-y, envoyez des bons de commandes, des appels d’offres ! ». Le message sera-t-il entendu ? Éléments de réponse dans les résultats de la seconde édition du baromètre prévue pour début 2021.

Matthieu Barry

[*] 1ère édition du Baromètre « TPE/PME : Les acquis et les défis de la solidarité économique dans les relations clients-fournisseurs », réalisé entre octobre 2019 et février 2020 sur un échantillon de 232 TPE/PME par la société Provigis et la Médiation des entreprises.

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