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[Coronavirus] Condamnation d’Amazon : quels enseignements pour sécuriser son activité ?

Le 14 avril, le tribunal judiciaire de Nanterre a sanctionné Amazon et l’a contraint à restreindre son activité aux seuls produits essentiels. Une décision spectaculaire par ses conséquences qui pourrait encourager à l’avenir l’exercice du droit de retrait des salariés. Comment s'en prémunir ?

[Coronavirus] Condamnation d’Amazon : quels enseignements pour sécuriser son activité ?
L’employeur ne pourra se libérer de sa responsabilité seulement s’il est capable de démontrer et de justifier qu’il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires © Adobe Stock

Amazon, contraint par une décision de justice d’établir une évaluation des risques liés au Covid-19 et à s’en tenir à la vente de produits essentiels, a décidé de fermer tous ses entrepôts situés en France jusqu’au 20 avril inclus. En temps normal, chacun doit sécuriser son activité en protégeant ses salariés. C’est d’autant plus vrai en ces temps de pandémie du Covid-19 et d’état d’urgence sanitaire.

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Sécuriser son activité : « Les entreprises n’ont pas besoin de directives spécifiques de l’État »

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » : l’article L4121-1 du Code du travail est clair sur l’obligation des employeurs. Les entreprises qui décident de poursuivre leur activité doivent donc protéger la santé physique et mentale de leurs salariés dans le cadre professionnel, même si la cause du risque est externe comme une épidémie.

« Les entreprises ont une responsabilité écrasante qui est déjà très précisément définie par le Code du travail et la jurisprudence »

« Les entreprises n’ont pas besoin de directives spécifiques de l’État. Elles ont une responsabilité écrasante qui est déjà très précisément définie par le Code du travail et la jurisprudence. Cette obligation de sécurité est une obligation de moyens renforcée, et ce d’autant plus en période de pandémie, où l’employeur ne peut garantir l’absence de toute exposition des salariés à des risques » estime Maître Maazouz, avocat associé au sein du cabinet McDermott Will & Emery et responsable du département du droit social.

Dès lors, les entreprises doivent mettre en place des mesures de prévention sur-mesure, comme le respect des gestes barrière, la mise en place de plaques de plexiglas et/ou de masques (si elles ne peuvent pas respecter les règles de distanciation), la mise à disposition de gels hydro-alcooliques, de savons, de gants, mouchoirs ou encore la planification de désinfections régulières des locaux et des outils de travail.

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Sécuriser son activité : la nécessité d’avoir une documentation fournie

« Être un employeur responsable ne signifie pas seulement mettre en place des mesures qualitatives strictement adaptées à l’environnement et aux salariés de l’entreprise, cela implique aussi de documenter soigneusement son évaluation des risques, les mises à jour de cette évaluation, les protocoles de sécurité mis en place, leur suivi, leur processus d’adoption, la concertation avec les représentants du personnel et la formation des salariés, relève Maître Maazouz. Si elles veulent passer au travers des fourches caudines de la justice civile et/ou pénale, les entreprises doivent s’acquitter non seulement d’un sérieux travail de prévention active mais également être en capacité de justifier, à première demande, ce qu’elles ont mis en place. »

« L’employeur ne pourra se libérer de sa responsabilité seulement s’il est capable de démontrer et de justifier qu’il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires »

Soit être en capacité de prouver leur stricte observance de loi et leur bonne foi grâce à une documentation fournie qu’elles auront constituée jusqu’au sortir de la crise, montrant un degré satisfaisant d’« affolement » face à la pandémie – comptes-rendus de réunions, rapports d’audit, échanges de courriels, factures d’achats de matériel de protection… En clair, l’employeur ne pourra se libérer de sa responsabilité seulement s’il est capable de démontrer et de justifier qu’il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires dans ce contexte particulier de crise sanitaire et qu’il s’est assuré de l’application de l’ensemble des mesures par les salariés.

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Sécuriser son activité : le risque de contentieux grandit

Condamné par le tribunal, Amazon n’a justement pas été en mesure de fournir tous les procès-verbaux de ses réunions quotidiennes pour réévaluer les risques encourus par ses salariés. « L’entreprise, et cela ressort de l’analyse de l’ordonnance elle-même, était pourtant bien loin d’une situation de désertion sanitaire caractérisée. Elle avait pris plusieurs mesures concrètes pour poursuivre son activité tout en neutralisant les risques. Elle s’est concertée avec ses partenaires sociaux, comme le reconnait le juge, mais elle n’en a pas, au goût de ce dernier, gardé suffisamment de traces », indique Jilali Maazouz.

« On peut s’attendre à ce que cette décision ne reste pas isolée et que des salariés […] exercent leur droit de retrait ou sollicitent du juge une injonction de mieux faire, voire une fermeture »

Parmi les différentes mesures prises par Amazon, la constitution d’un document d’évaluation des risques pour chaque site, la rotation de ses salariés avec des équipes par roulement en 2-8 et des équipes de nuit, la mise en place de protocoles d’hygiène avec des règles de distanciation, la désinfection des vestiaires, le réaménagement de son réfectoire… « La décision prise par le tribunal n’est pas une bonne nouvelle. C’est même une décision catastrophique si l’on songe qu’elle cloue au pilori une entreprise qui, loin d’avoir ignoré le droit, a, à la lecture même de l’ordonnance, plutôt cherché à le mettre en œuvre en prenant, comme le reconnait le tribunal, de nombreuses mesures allant dans le bon sens », déclare Maître Maazouz.

L’avocat alerte d’ores et déjà sur les nombreux risques de contentieux dans les grandes mais aussi les petites et moyennes entreprises, qui pourraient advenir par la suite : « On peut s’attendre à ce que cette décision ne reste pas isolée et que des salariés, individuellement, ou collectivement organisés, déclarent qu’ils ne sont pas en sécurité, et exercent leur droit de retrait ou sollicitent du juge une injonction de mieux faire, voire une fermeture ».

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Charlotte de Saintignon

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